L'inverse du libre examen

Poing de vue

Par | Journaliste |
le

Bien sûr que je les utilise aussi! Capture d'écran de mon téléphone.

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Même si bien des laïques l'ignorent, le libre examen est une invention chrétienne. Il s'agit au départ du libre examen de la Bible mais le ver était dans le fruit, devenant chenille sous les Lumières et papillon par la suite. Cet acquis fondamental de l'esprit humain est en péril. Non pas tant – bien que le danger existe – par certains regains religieux mais à cause de quelque chose que tout le monde utilise: les réseaux sociaux.

On peut y choisir ses contacts. Encore heureux, diront les uns. Ce n'est d'ailleurs vrai que dans une certaine mesure car ce qu'on ne choisit pas, en fait, c'est ce qu'on y lit. Il est difficile d'imaginer plus totalitaire. Bien sûr le tri n'est pas imaginé dans une optique politique, au départ: il s'agit de vendre de la pub, rien de plus. Admettons même que cela soit idéologique comme la société de consommation, il ne s'agit pas de censure au sens strict. Il s'agit simplement de proposer à l'internaute ce qu'il veut voir: les communications de ses contacts favoris et ce qui l'intéresse le plus. Les algorithmes créent un effet de spirale qui en réalité, s'inverse en entonnoir. On finit par ne plus voir que ce que l'on croit, on ne rencontre plus l'inattendu, le monde se rétrécit et le sens critique s'étiole. Même les médias les plus sérieux tombent dans ce travers en signalant les articles les plus lus en ligne – exactement ce qu'il faut pour ne cliquer que sur ceux-là.

C'est la négation du libre examen. Étonnez-vous dès lors si c'est du pain bénit pour les complotistes, les terre-platistes, les antivax, bref ces minorités qui s'agglutinent et ce faisant, finissent par penser qu'il n'y a rien d'autre de vrai – et s'il y a quelque chose qui les dérange, c'est la preuve qu'ils ont raison, les médias officiels (l'immonde et stupide expression) étant là pour décérébrer, alors que cela se fait tout seul, merci.

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À qui croirait que c'est une pleurnicherie passéiste, rappelons l'existence de l'effet pervers. Un outil formidable comme l'internet, qui a vraiment créé le village global dont on imaginait l'avènement un quart de siècle plus tôt, n'est pas dépourvu d'effet pervers.

Que faire? Renoncer? Réglementer? Laisser aller? Prendre conscience du problème à titre individuel, refuser systématiquement les fichages qui sont en réalité faciles à éviter, pour commencer. Et surtout arrêter le manichéisme du j'aime, du tout blanc tout noir, écouter autrui, s'émerveiller de l'inattendu, être capable de remettre en question ce que l'on pense, ce que l'on croit: ce n'est pas obligatoirement trahir sa vision du monde, c'est la confronter au monde lui-même et démentir Proust, qui avec perspicacité, avait écrit que les faits n'entrent pas dans le monde de nos croyances et qu'ils s'y soumettent plutôt qu'ils ne les façonnent.

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