Guerre

Ainsi donc, le président de la République française, dont on connaît le goût pour la formule et la déclaration tonitruantes (en général peu suivie d'effet), évoque la possibilité d'envoyer des troupes en Ukraine, histoire d'aider l'allié David à ne pas se faire manger par l'ennemi Goliath. L'Ukraine, disons-le au passage, réclame surtout des obus, mais qu'importe, le raisonnement d'Emmanuel Macron s'appuie sur le célèbre adage latin "si vis pacem para bellum" (si tu veux la paix, prépare la guerre). On peut comprendre qu'un excès de naïveté ou de pacifisme bêlant puisse mettre en péril des nations et d'ailleurs, l'équilibre de la terreur part du constat qu'une certaine égalité dans la menace peut dissuader ou refroidir les visées bellicistes. Que l'Europe occidentale, sous l'effet du syndrome des accords de Munich, en 1938, se méfie de la Russie poutinienne, soit. Mais d'une part, les excès de langage n'ont jamais servi à rien et de l'autre, où est la menace réelle? Cela fait deux ans que le géant russe se casse les dents sur l'Ukraine, qui allait être envahie en trois jours. Qui peut croire que la Russie, même commandée par un personnage aussi totalitaire que Vladimir Poutine, est en mesure d'annexer tout à tour les pays de son ancien hinterland, avant de s'attaquer à l'Allemagne et à la France? Or les distingués éditorialistes partent du présupposé que si l'Ukraine tombe, les autres suivront, en un remake de la théorie des dominos qui a joyeusement mis à feu et à sang le sud-est asiatique pendant vingt ans, sans se poser la question à laquelle ils et elles n'opposent qu'un haussement d'épaule si on la leur soumet.
Disons-le cyniquement: si les obus suffisent pour égaliser le conflit, au plus grand bénéfice de l'industrie de l'armement, équipons-en l'Ukraine et continuons à nous occuper des réfugiés que cette guerre amène dans nos contrées. Et s'ils ne suffisent pas? Il serait peut-être temps de réfléchir autrement que par une escalade dont on voit très bien l'issue: l'accélération du suicide que l'espèce humaine semble entamer. Après tout, Yalta avait du bon.