Les frontières sont magiques

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Ouf! On l'a échappé belle!... Photo © Jean Rebuffat

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C'est aujourd'hui, 8 mai 2020, la date du 75ème anniversaire de la reddition nazie. En d'autres temps moins confinés, la manie du chiffre rond aidant, cette commémoration aurait donné lieu à de grands concours de foules, de revues de troupe, de flammes ravivées, de discours sur l'utilité de l'Europe et sur les bienfaits de la paix en nos régions si souvent et si largement dévastées. Mais le plus jamais ça n'a pas suffi pour qu'on en arrive, aujourd'hui, à des situations à la limite du ridicule autour de quelque chose qu'il faudrait gommer et qui resurgit systématiquement: la frontière.

Aucune frontière n'est naturelle, en réalité, sauf celle d'une île. Mais un pays est rarement une île et des îles sont parfois plusieurs pays.

Prenons les frontières belges. La Flandre est-elle belge? Une partie est en France. Comme une partie du Hainaut, des Ardennes et même de la Wallonie (à Givet et dans la Haute-Meuse, il n'y a guère, on parlait encore wallon). Le Luxembourg est coupé en deux entre le pays du même nom et la province belge. Le Limbourg est à cheval entre trois pays. La France, dont les souverains ont longtemps caché leur impérialisme sous cette notion de frontière naturelle, du Rhin aux Pyrénées, n'est pas mieux lotie. On vient de citer ses frontières septentrionales mais le Jura est en France et en Suisse, un morceau de Catalogne est en France et un bout du pays basque aussi. Penser qu'une frontière est issue d'autre chose que des hasards de l'histoire, souvent guerriers ou dynastiques (voire les deux en même temps), qu'elle est immuable et qu'elle correspond à une réalité préalable est erroné. Certes, elle crée a posteriori des réalités divergentes. Mais s'il y a bien une mondialisation sympathique, c'est celle qui a tendance à gommer les frontières, ne serait-ce que parce qu'elle permet de se sentir citoyen du monde?

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Les frontières ne sont pas que nationales. Elles sont cantonales, provinciales, départementales, régionales, les mots ne manquent pas. Et toujours elles coupent des campagnes semblables et même parfois des hameaux en deux. Ou même des habitations!

Tout un folklore de contrebande s'est développé autour de ça. On pensait qu'on n'en parlerait plus qu'au passé. Mais on peut voir des cannes à pêche survoler des blocs de béton pour permettre à des citoyens allemands de venir chercher leur pain à la boulangerie la plus proche qui se trouve en France... On peut constater que la porosité des frontières n'est pas symétrique: on passe plus facilement d'Allemagne en France ou en Belgique que dans l'autre sens. Et en France, la manie jacobine vient de créer une nouvelle frontière, psychologiquement désastreuse, entre régions vertes et régions rouges. Comme si en marchant vingt mètres de Mers-les-Bains au Tréport, de la Somme (Hauts de France) à la Seine maritime (Normandie), on échappait au Sars-CoV-2!

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