Voyage au pays de l’Arabie heureuse

Question d’optique

Par | Journaliste |
le

Sanaa, Yémen du Nord juillet 1979 Photos © Jean-Frédéric Hanssens

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Lecture 25 min.

Yemen du Nord en juillet 1979

De Sanaa à Al-Khawka

Nous atterrissons en fin de matinée avec la Yémen Airlines en provenance de Djedda où nous avons passé la nuit en transit : une expérience enrichissante de se sentir étranger non désiré, voire même méprisé.
Après un vol un peu chaotique dans un Boeing 727 aux fauteuils en fin de vie, nous atterrissons sur la piste de l’aéroport de Sanaa.

Éclairant que de voir ces milliers de travailleurs indonésiens, pakistanais, philippins, yéménites parqués comme du bétail, mains d’œuvre à bon marché taillable et corvéable sans merci, sans compter la confiscation immédiate des passeports par le chef de la sécurité de l’entreprise qui les exploite.

L’accueil est nettement plus chaleureux à notre arrivée dans l’aérogare de la capitale yéménite. Mais autour de nous, pas l’ombre d’un occidental. Il faut dire que le pays vient de rouvrir ses frontières au tourisme. Et pour cause, en 1977 le président est assassiné et son successeur l’est aussi l’année suivante. La même année en 1978, le président du Yémen du Sud est lui exécuté. La même année, deux Françaises sont tuées dans le nord. La situation politique est on ne peut plus instable dans les deux Yémen. Le Nord est financé par l’Arabie Saoudite et sert de tampon pour endiguer l’avancée d’un Sud pro communiste. La frontière entre les deux Yémen est sous haute tension, nous aurons l’occasion de le vérifier sur place. Ce n’est que le 22 mai 1990 qu’ils seront réunifiés.

En 2010, le Yémen est non seulement en crise économique profonde mais sert également de base d’entraînement pour Al Qaida. Les enlèvements de touristes se terminent rarement avec des conséquences dramatiques et sont surtout le fait de chefs tribaux. C’est leur stratégie pour se faire entendre par le pouvoir central et obtenir leurs revendications. Ce pays surnommé anciennement l’Arabie Heureuse et qui a servi de lieu de tournage pour le film “les mille et une nuit “ de Pasolini est en plein tourment.

A peine avons nous déposés nos sacs à l’hôtel que nous décidons de découvrir la vielle ville. Sanaa est située sur un vaste plateau à deux mille trois cents mètres d’altitude. Elle est ceinte d’une monumentale fortification qui serait la plus ancienne du monde islamique. Nous nous enfonçons dans les ruelles étroites à partir de la porte de Bal Al-Yémen. L’étonnement est immédiat face à ces maisons de cinq à six étages aux façades de briques roses ornées de multiples formes géométriques en stuc et de bandeaux blancs, de fenêtres aux vitraux multicolores, de balcons (Moucharabieh) en bois ciselés qui permettent aux femmes de voir sans être vues et de ces portes finement sculptées. Les étages de ces maisons sont très hiérarchisées. Le rez-de-chaussée est réservé aux domestiques ainsi qu’au stockage de la nourriture. Les étages supérieurs sont habités par les femmes et les enfants.

Le dernier niveau est celui du chef de famille qui trône dans sa Mouffredge, la pièce réservée aux réceptions où les invités participent à la séance du qat. C’est un arbre qui peut atteindre six mètres, originaire du pays et dont la mastication des feuilles qui contiennent de la cathinone, proche de l’amphétamine, fait oublier la faim et la fatigue. On le retrouve au Kenya, à Madagascar et en Ethiopie. Sa prolifération se justifie par l’abandon progressif de la culture du café, dont le Yémen était le principal exportateur au début du XVI ème siècle. La ville portuaire de Moka (Al Mukha) détenait d’ailleurs le monopole du commerce de café vers l’Europe à cette époque.

Dans les années 50, les cours du café devenant très fluctuants, les propriétaires étant payés avec des mois de retard, ceux-ci se sont tournés progressivement vers la culture du qat dont la récolte quotidienne des feuilles est vendue le jour même sur les marchés et procure donc un revenu immédiat. Si bien qu’aujourd’hui sa culture représente 1/20 de la superficie cultivable du pays et procure selon la banque mondiale 25% du PIB et 16% des emplois.

Au détour d’une ruelle, nous nous laissons d’ailleurs littéralement happer par un Yéménite qui nous invite au sixième étage de sa splendide maison. Assis à même le sol il nous présente quelques feuilles de qat ainsi qu’une bouteille de coca dont il a percé au préalable la capsule d’un petit trou par lequel il glisse une paille. La séance débute par l’arrachage des feuilles de la branche une à une et de former entre la gencive et la joue une petite boulette qu’il nous invite à humecter avec un peu de coca cola. Commence alors une lente extraction du suc de la feuille par pression musculaire de la boulette. Je regarde Christine qui a une joue enflée comme une balle de ping pong. Je m’imagine être dans le même cas. Au bout d’un quart d’heure, les battements cardiaques s’accélèrent, une impression d’euphorie me gagne, j’ai la sensation que mes neurones s’activent démesurément. La conversation s’engage, d’abord en anglais international mais bien vite nous avons l’impression de parler couramment l’arabe avec les quelques mots que nous avions appris avant notre départ.

Au bout deux heures trente, nous avons le sentiment mutuel d’avoir abordé tous les problèmes de la planète et de connaître toute la problématique entre le Nord et le Sud du pays. Notre hôte, pour qui il s’agit d’un rite quotidien et dont les effets sur son organisme sont probablement moins violents, nous invite de manière très prévenante et avec beaucoup de tact à le suivre jusqu’au pas de la porte de sa demeure. Il nous souhaite un bon voyage. On ne peut s’empêcher de penser que si ça se passe comme ça dans tout le pays, nous n’échapperons pas, à notre retour, à une séance de désintoxication.

Nous sommes en fin de journée, la lumière rougeoyante vient lécher les maisons tours donnant tout son éclat à la ville. Ce n’est pas pour rien qu’elle a été classée en 1984 au patrimoine mondial de l’Unesco. Nous déambulons le nez en l’air, mais la foule compacte dans les ruelles du souk nous fait vite baisser la tête. Ce qui se passe en bas, si j’ose dire, nous titille les narines tant les odeurs d’épices dégagent les parfums délicieux de l’Orient. Nous avons la furtive impression d’évoluer en dehors du temps, aidés certainement par la sève de qat qui coule dans nos veines et qui nous fait oublier la fatigue du voyage. Nous déambulons dans ce dédale de ruelles qui doit compter, dit-on, près de 1.500 échoppes.

On y trouve, outre toutes les épices et le qat évidemment, du henné, des parfums, des galettes de sucre, café, sorgho, fruits et légumes de toutes sortes, confiseries, gâteaux sucrés, vendeurs ambulants de fleurs de jasmin, artisans forgerons, cordonniers, serruriers, joailliers…

Les métiers sont regroupés par ruelle comme les couturiers et leurs longs métrages de tissus sombres pour la confection de la Sitara qui recouvre le corps des femmes de la tête aux pieds et de la puberté à la mort, sans compter le Marmoukh qui dissimule leur visage. Notre attention est attirée soudainement par les artisans vendeurs d’armes à feu et de Djambia. On y trouve de tout, du pistolet au revolver, du fusils de chasse au vieux fusil de guerre, en passant par le riot gun et la kalachnikov, l’arme la plus vendue, nous le constaterons de visu.

Quant à la Djambia qui est le poignard courbe Yéménite, il est le principal élément de parure de l’homme, dès sa puberté, comme signe de virilité. Il est porté devant, sur le bas-ventre. Sa décoration, la qualité du fourreau et son manche déterminent le niveau de rang et de classe de l’homme qui le porte. Une djambia peut se négocier ainsi plusieurs centaines de milliers de dollars, voire jusqu’à un million. Lors de notre promenade découverte, nous traversons des jardins, véritables oasis de verdures en pleine médina.

De retour à l’hôtel, nous marquons notre impatience de partir à la découverte du pays qui nous semble déjà fascinant. Le soir, nous rencontrons deux coopérants dans un petit resto-poulets. Ils nous confirment que les touristes se comptent sur les dix doigts de la main.

Sur la place, au petit matin, Christine négocie le prix pour embarquer dans un taxi service qui doit nous mener dans le sud ouest,vers Jibla puis Taiz, non loin de la frontière avec le sud et enfin sur la côte de la mer rouge dans le petit port d’ Al-Khawka. Nous sommes serrés comme des sardines à bord d’une Peugeot 404 break surchargée.

La route sinueuse serpente dans la montagne au beau milieu de paysages surprenants, de flancs de collines couvertes de cultures en terrasses où le moindre espace libre est exploité par le qat, par des vergers, des plantations de légumes, du café, de la luzerne, du millet,des lentilles. Des paysans s’activent avec des moyens d’un autre âge mais tellement bien adaptés à la morphologie de ce décor escarpé. Anes ou bœufs tirant des charrues à versoir pour retourner la terre, rien n’est mécanisé ici.

Aux sommets nichent les villages accrochés aux pitons rocheux, quand ce ne sont pas des citadelles aux murs impressionnants qui défient les lois de la physique et de l’architecture. Combien de fois n’ai-je pas voulu faire arrêter la voiture pour fixer sur la pellicule ces fourmis évoluant sur ces remarquables champs étagés suspendus aux pentes montagneuses dans ce paysage étourdissant. Arrivés dans un petit village sur l’heure du midi, nous en profitons pour marcher un peu dans les ruelles. Des jeunes filles coiffées de Gargoush, un capuchon coloré qu’elles portent jusqu’à leur mariage, ça peut-être à l’âge de dix ans, nous accompagnent un peu interloquées par notre présence dans ce lieu perdu.

En soirée, la voiture nous dépose aux environs de Dhamar dans un véritable nid d’aigle. Nous cherchons un guesthouse. Il n’aura pas fallu 10 minutes pour que nous soyons accostés et invités à loger dans une famille. La maison se situe au sommet du village. Le chef de famille nous invite sur le toit pour y admirer le paysage grandiose. Un vieux tank d’origine américaine se trouve un peu en contrebas dans sa propriété. Quand je l’interroge, il me fait savoir qu’il est un haut gradé de l’armée Yéménite à la retraite. Cette machine de guerre lui appartient. Nous ne saurons jamais s’il était encore en état de marche, mais il semble dissuasif, planté là au pied de la falaise. Il me demandera de ne pas le prendre en photo.

Nous sommes invités à participer au repas, un peu inquiets par la présence de son père atteint de tuberculose, nous dira-t-il, et qui mange dans le plat commun. Indépendamment de ce fait qui ne nous ouvre pas l’appétit, la cuisine yéménite des hauts plateaux ne remporte pas nos faveurs. Avant de les quitter, je fais une photo de la famille sur fond de Kalachnikov accrochée au mur.

Nous reprenons la route cette fois à bord d’une Land Cruiser FJ55 long chassis qui nous mènera jusqu’à Taiz. A chaque entrée et sortie de village, un barrage policier contrôle chaque véhicule. Au fur et à mesure que nous approchons de la frontière qui sépare les deux Yemen, la nervosité se fait de plus en plus perceptible et les contrôles deviennent très tâtillons. On nous met en garde contre les risques d’accrochages réguliers entre les deux armées.

Taiz est la deuxième ville du Yémen et est dominée par la Jabel Saber qui culmine à 3.000 mètres. Nous marchons sur une petite route en terre en direction d’un fundouck (petit hôtel), quand, une fois de plus une voiture s’arrête à notre hauteur. L’homme nous propose de monter à bord de sa Toyota blanche flambant neuve. A peine assis, nous grelottons. Il doit y avoir une différence d’au moins 15 °C par rapport à la température extérieure. Il refuse de nous conduire au funduck et insiste pour nous amener chez lui. Une maison moderne, aux murs immaculés de blanc et située sur les hauteurs avec au pied, la ville de Taiz.

Intérieur nouveau riche, style Saoudien avec tout le confort moderne. On n’échappe pas à la séance de qat. C’est aussi l’occasion rêvée de nous décrasser convenablement et de reprendre des forces avec le repas qu’il a voulu aux goûts des hôtels internationaux, rien qu’à notre intention. Requinqués après une nuit de sommeil réparateur et propres comme des sous neufs, nous le remercions chaleureusement et reprenons la route vers Zabid.
Située à 25km de la mer Rouge, la ville, fondée en 819 était un fief de la pensée de l’islam et des sciences avec son université et ses savants reconnus dans tout le monde arabe. On dit même qu’elle serait le berceau de l’algèbre. Elle fut la troisième ville sainte d’Arabie et un centre commercial de première importance entre l’Afrique orientale et l’Asie, ce qui explique aussi la présence d’une communauté d’origine indienne. De son passé glorieux, ne subsistent que les 86 mosquées et son ensemble architectural homogène dont une vaste citadelle et des remparts enveloppant la vielle ville.

Les maisons sont faites de briques cuites recouvertes de stuc blanchi aux formes géométriques très prononcées. Au cours de notre découverte de la ville, nous sommes invités par des enfants à boire le café. Normal au Yémen, d’autant que la ville portuaire de Mukha (anciennement Moka) ne se trouve qu’à 140 km au sud. Nous découvrons le style architectural intérieur, totalement différent du style rencontré dans la partie montagneuse du pays. Elle est typique de la Tihama, cette étroite zone côtière et très chaude qui s’étend jusqu’en Arabie Saoudite. La maison dispose d’une cour intérieure entourée de petites bâtisses de terre crue et de toitures en chaume. De nombreuses niches creusées dans les murs alternent avec des placards en bois ciselé. Certains chercheurs attribuent ce style à l’influence indienne surtout originaire du Gujarât, très présente à l’époque de l’apogée de Zabid.

Nous constatons que beaucoup de femmes et de jeunes filles ne sont pas voilées et habillées de vêtements colorés. L’explication donnée n’est autre que l’excision, pratique largement répandue en Ethiopie toute proche.

Nous quittons la ville et ses habitants, dont le dépaysement est total par rapport aux régions que nous venons de traverser.
Assis à l’arrière d’un pick-up, les cheveux au vent chaud, nous atteignons, par la piste, Al Khawka. Petit port de pêche et chantier artisanal de construction et de réparation de boutres et de petites barques allongées, appelée houris. En fait nous revenons sur nos pas, direction le sud à 70 km. On nous l’a conseillé et nous ne le regrettons pas. Les pêcheurs sont accueillants, palmiers et sable fin comme décor, le lieu est reposant et dépaysant. Nous trouvons un funduck rudimentaire, tellement sommaire que des poules traversent ce qui nous sert de chambre. Au « bar » du coin, un homme nous accoste et nous propose de loger chez lui. Le tenancier nous dit, avec un large sourire, que nous allons loger dans son harem. Aussitôt dit, aussitôt fait, nos sacs sont embarqués dans son 4X4 et nous nous retrouvons dans sa propriété à un bon quart d’heure de piste du centre ville. Dans sa vaste cour intérieure, des lits hauts sur pied avec des sommiers tressés nous attendent. Ereinté par le voyage et la chaleur, je m’y allonge sans attendre pour piquer une petite sieste réparatrice. Plein d’attention, notre hôte me passe autour du cou un collier de fleurs de jasmin. Christine en recevra un également. Ce qui nous étonne, c’est l’absence de femmes. Il n’y a que des hommes pour servir le repas et nous mangeons entourés de jeunes hommes. Nous sommes conviés à une fête, mais voyant notre état de fatigue, le maître des lieux n’insiste pas.

Au matin, les yeux encore bouffis, notre homme nous propose de faire une balade en bord de mer jusqu’à la palmeraie toute proche. Christine devient de plus en plus nerveuse. Elle est systématiquement laissée à l ‘écart et personne ne lui adresse la parole.
Il me montre comment à dix mètres du rivage, en creusant avec ses mains dans le sable, on trouve de l’eau douce. Nous pénétrons dans la palmeraie et il me prend la main en marchant. Flash-back. Le harem et le sourire du tenancier de bar, les jeunes hommes, la fête, pas de femmes… Mon rial vient de tomber. Pas de chance. Je lui explique avec diplomatie que je ne suis pas gay, même s’il est mignon. Pas facile de lui faire comprendre tout ça avec l’espoir qu’il nous ramène chez lui sans faire d’histoire. Yes ! Ca marche.

Nous passons l’après midi auprès des artisans du petit chantier naval, dont l’un deux me propose de bourrer avec du chanvre torsadé les interstices de l’houris qui est en fin de chantier. En les regardant travailler, nous avons l’impression de vivre hors du temps, tellement loin de toute modernité. En fin de journée, notre menu se composera de poissons grillés fraîchement pêchés dans la mer Rouge.

De Hodeidah à Saada

Hudayda est la plus grande cité portuaire et la deuxième ville du pays. La chaleur y est suffocante et le taux d’humidité avoisine les 90%. Hormis l’ambiance du port où se négocient, dorades, raies, roussettes, requins etc…

Nous ne nous y sommes pas attardés, d’autant que nous avons été convoqués au commissariat de police pour y être entendus à propos de nos intentions de voyage. Avant de partir, j'avais oublié de faire supprimer la mention de journaliste sur mon passeport.

Nous étions huit dans ce petit 4X4 Suzuki

Nous avons repris la route vers le nord puis traversé le massif montagneux pour arriver à Amran, située à 46km au nord de Sanaa. Pour poursuivre vers le nord et atteindre Saada à la frontière saoudienne, il faut disposer d’autorisations délivrées à Sanaa. En effet, nous entrons dans des zones tribales dont la route marque approximativement la frontière entre les Bakil à l’est et les Hashed à l’ouest. Ces deux grandes tribus restent fidèles au dogme Zaydite ainsi qu’aux coutumes et valeurs bédouines. Autrement dit, elles restent très distantes du pouvoir central de Sanaa. La fidélité au Cheikh reste prioritaire.

On assiste donc régulièrement à des échauffourées et des règlements de comptes entre tribus. Dans le nord, les armes à feu règnent en maître avec une nette prédilection pour la Kalachnikov. Nous n’avons pas le courage de retourner à Sanaa pour obtenir cette autorisation et décidons de poursuivre notre route. Nous faisons halte à Huth, un charmant petit village, situé au cœur de la tribu des Hashed et de son cheik Al Ahmar (le rouge). Nous sommes une fois de plus invités à passer la nuit chez l’habitant. Un sacré buveur de whisky que celui-là. Au petit déjeuner, il s’est déjà enfilé au moins deux verres. Il tient à nous montrer sa région à bord de son tout terrain. Christine et moi ne sommes pas vraiment en confiance à le voir tituber à 9h du matin. Il nous fait découvrir de magnifiques petits recoins du paysage. Une rivières se faufilant entre les rochers, plus loin une piscine naturelle. C’est à ce moment qu’il propose à Christine de tirer avec son pistolet mauser. Je décline également la proposition. Déposé simplement sur le tableau de bord, je me décide à le tenir en main pour éviter tout danger.

Il nous fait au passage une démonstration de sa prouesse à gravir une pente abrupte. Ce qu’il réussit à faire de justesse, même avec un tel taux d’alcoolémie. A présent, c’est carrément un filet de sueur froide qui coule sur nos visages. Il ne manquait plus qu’une petite séance de qat pour couronner la journée. Nous reprenons la route dont le paysage change radicalement. Des à pics nous passons à des plateaux de couleur ocre et plutôt austères. Des constructions en pierre de plusieurs étages, nous passons à une architecture de maisons basses en terre et pisé. La technique de construction est le zabur. Un mélange de terre et de paille dont on fait des boudins que l’on superpose. L’épaisseur des murs est d’environ 1mètre à la base et s’amincit vers le sommet des murs de l’habitation. Le tour des fenêtres et le sommet des murs sont souvent recouverts de plâtre.

Nous arrivons à Saada en fin d’après-midi. A peine nos sacs déposés dans un funduck, nous faisons le tour de la ville sur les remparts qui ont conservé leurs tours de guet et leurs créneaux. La vue sur la vielle ville y est surprenante.
Saada étant l‘ancienne capitale du zaïdisme, nous sortons de l’enceinte pour visiter le plus vaste cimetière zaydite du Yémen, quand une rafale de détonations nous fait plonger la tête la première dans le sable. Nous entendons alors des rires d’enfants ravis de l’effet que leurs pétards chinois ont eu sur nous.

En matinée, nous visitons le souk, très surprenant. Nous rencontrons autant d‘échoppes de victuailles que celles qui vendent des armes à feu de tous calibres et de toutes munitions. D’énormes liasses de billets passent de mains en mains. Ici, c’est la loi des tribus qui prédomine. Inutile de vous dire que prendre des photos de ce trafic au grand jour n’est pas apprécié. Nous sommes étonnés d’apprendre que beaucoup de commerçants juifs font du commerce dans la région.

Fin d’après-midi, nous négocions longuement pour trouver un 4X4 collectif qui puisse nous ramener à Sanaa. Finalement c’est un gamin de 14 ans à peine qui prend les commandes du véhicule chargé à ras bord. Heureusement pour nous tous, il n’a pas la taille suffisante pour rouler pied au plancher. Nous arriverons à l’aube dans la capitale, après avoir avalé les 250 km qui nous séparent de Saada.
Que de rencontres, de souvenirs, de paysages si variés, d’architectures remarquables. On se dit, au vu des événements que vit le Yémen aujourd’hui, que nous avons eu beaucoup de chance de visiter le pays de la reine de Saba en 1979 durant quatre semaines.
Mais aujourd’hui, dans ce pays en guerre, que sont devenus toutes les familles de ceux qui nous ont accueillis chaleureusement et généreusement, à l’image de l’hospitalité arabe, sans rien demander en retour ?

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Texte et photos : Jean Frédéric Hanssens

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<p>Sanaa</p><p>Sanaa</p><p>Nettoyeuses venues des bords de la mer Rouge pour nettoyer la capitale</p><p>Nettoyeuse venue des bords de la mer Rouge pour nettoyer la capitale</p><p>Sanaa</p><p>Sanaa</p><p>A une trentaine de km de Sanaa</p><p>Sur un marché à Sanaa</p><p>A une centaine de km au nord de Sanaa</p><p>Dans le petit village de Huth vers le nord. Il m'était interdit de photographier des femmes sans l'autorisation du mari. Celle-ci est une photo volée avec la complicité des deux jeunes filles.</p><p>Dans le petit village de Huth vers le nord.</p><p>A Jibla vers le sud.</p><p>A Jibla vers le sud.</p><p>A la frontière Saoudienne.</p><p>A Sanaa</p><p>En direction de la mer Rouge</p><p>A 70 km de Sanaa vers la frontière Saoudienne</p><p>De retour de la frontère Saoudienne vers Sanaa.</p><p>Sur la route en prevenance de la frontière Saoudienne vers Sanna</p><p>Sur la route en prevenance de la frontière Saoudienne vers Sanna</p><p>Vers le nord en direction de la frontière Saoudienne.</p><p>Saada à la frontère de l'Arabie Saoudite</p><p>Au bord de la mer Rouge, Zabid</p><p>Au bord de la mer Rouge, Zabid</p><p>A une cinquantaine de km de Sanaa vers l'Arabie Saoudite</p><p>A une cinquantaine de km de Sanaa vers l'Arabie Saoudite</p><p>Vers le sud en direction de la mer Rouge</p><p>Vers le sud en direction de la mer Rouge</p><p>Dans un petit village de montagne en direction de la mer Rouge</p>
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