Le mythe de la dette

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Qu'est-ce qui fait la valeur d'un trésor? Et à quoi sert-il quand il ne sert... à rien? Photo © Jean Rebuffat

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“Quoi qu’il en coûte”. La formule est célèbre: elle a été prononcée par le président de la République française, Emmanuel Macron, au début de la crise sanitaire, voici un an et demi. Les belles résolutions amenant l’austérité ont été balayées par la pandémie. Les aides ont été massives aux secteurs touchés. Cela s’appelle de la redistribution, de la solidarité, de la justice, ce qu’on voudra, mais bien peu ont souligné à l’époque que les incantations néolibérales, qui faisaient office de dogme, avaient fait l’unanimité, ou presque, contre elles. Il est normal que les pouvoirs publics jouent leur rôle, on l’avait presque oublié, entre les 3% maximum du déficit et les ceintures budgétaires serrées autant que faire se peut (et même un peu plus).

Voici cependant que la situation sanitaire se normalise. On en arrive donc au fameux monde d’après, dont on peut se demander, en effet, s’il sera si différent de celui d’avant. À ne prendre que l’exemple du télétravail, on perçoit bien que celui-ci, même s’il est bon pour la planète, n’a jamais été considéré que comme une solution de secours. Beaucoup crient sur la société du contrôle (le passe, les incitations à la vaccination) mais qui se rend compte que c’est précisément pour avoir un contrôle visuel sur leurs travailleurs que les employeurs les préfèrent à proximité? Certes, il y a eu des aménagements qui vont un peu résister de ci de là mais les vieux réflexes sont solides et on le voit aussi dans les débats sur la sortie de crise. La croissance est de retour, faut-il dès lors aussitôt en profiter pour en revenir à l’austérité, ou au contraire, investir massivement, notamment par l’emprunt, pour financer la transition écologique, par exemple, en profitant des taux bas qui pourraient certes ne pas stagner si l’inflation repartait à cause de la surchauffe?

On n’évitera pas le débat sur l’emprunt, tant décrié à droite (sauf s’il s’agit de sauver des banques). L’idée d’un fardeau insupportable pour les générations ultérieures est un mythe. L’histoire nous prouve que tous les régimes, depuis au moins un bon millénaire, ont vécu en s’endettant. Ce qui important, ce n’est pas d’être en mesure de rembourser, en réalité; c’est de montrer que ce remboursement est possible... même s’il n’a jamais lieu. Tout le monde sait que l’économie est aussi et peut-être avant tout basée sur des sentiments et des attitudes: la confiance, l’appât du gain, l’anticipation, le flair, etc. Une bonne nouvelle et l’action s’envole; une mauvaise, elle s’écrase. Évidemment, il ne faut pas faire n’importe quoi et pousser jusqu’à l’absurde l’usage de la planche à billets: là aussi, l’histoire montre depuis Law que c’est une très mauvaise idée. Un peu de pluie irrigue; le déluge inonde et détruit. Cependant, il ne viendrait à personne l’idée de prétendre qu’avant d’acheter une maison, il faut disposer de toute la somme nécessaire à l’achat. Investir pour se préparer un avenir, c’est aussi non seulement assurer le sien, mais par ricochet, et pas du tout par ruissellement (les premiers de cordée sont pingres, en général), c’est également participer à la prospérité générale. Dès lors la question des générations futures serait plutôt de savoir si les décisions urgentes qu’il faut prendre quant à l’avenir de la planète leur permettront d’y survivre... La dette, dans cette perspective, n’est qu’un détail dont elles se moqueront bien face à la possible tragédie qu’on leur prépare.

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