Le dangereux bruit des bottes

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Cette œuvre de Nicolas Kassatkine montre des pauvres ramassant du charbon affleurant dans le Donbass, mot qui est en réalité l'abréviation de bassin minier du Don. Photo d'une peinture datant de 1897 et libre de droits.

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Les bruits de bottes que l’on entend à la frontière ukrainienne a de quoi faire peur, même si officiellement on négocie. La crise est aussi révélatrice de plusieurs comportements hérités de l’histoire et dont on aurait pu espérer qu’ils ne se répètent pas. Ces comportements sont en outre tous antipathiques, dans les deux camps.

Tout d’abord, observons que les alliances militaires, en général toutes construites sur une rhétorique défensive, finissent toujours par avoir envie de fonctionner, serait-ce pour justifier l’existence des armées. Ensuite, comment ne pas souligner le fumet de bonne vieille guerre froide qui flotte sur cette double séance de musculation? L’Otan, en théorie, était supposée parer la menace soviétique. Quand l’empire soviétique s’est effondré, l’Otan est restée et très rapidement, une bonne partie des anciennes républiques socialistes soviétiques ont rejoint l’Union européenne et/ou l’Otan, amoindrissant l’hinterland de la Russie, la véritable héritière de l’URSS. Tout au long de son histoire, la Russie, quel qu’en fût le régime, a montré une propension évidente à s’assurer d’un confortable glacis qui n’existe plus tellement. Jusqu’ici, à part l’annexion de la Crimée, traditionnellement russe mais devenue ukrainienne après 1917, la Russie, en état de relative faiblesse, a axé une partie de sa diplomatie sur l’appui, dans les ex-républiques, à des dictateurs aux ordres, et à la répression sanglante parfois des tentations sécessionnistes, histoire de sauver ce qui restait comme glacis. Ajoutons que Vladimir Poutine est au pouvoir depuis presque un quart de siècle et que sa conception de la démocratie et du respect des règles est très stalino-tsariste.

L’occident, de son côté, s’est divisé face aux réponses à donner aux périls armés qui menacent la planète, mentant parfois carrément pour justifier des guerres que certains pays menèrent tandis que les autres s’abstinrent. L’Europe reste traumatisée par le syndrome de Munich. Faute de se montrer ferme vis-à-vis d’une menace évidente, on a laissé l’état nazi manger par tranches ses voisins. La tentation est d’autant plus grande de ne pas commettre une nouvelle fois cette erreur qu’elle est avalisée systématiquement au nom de l’histoire. Donc si la menace n’existe pas, à la limite, on la crée, selon le sempiternel principe du chien qu’on accuse de la rage pour pouvoir le noyer.

Remarquons enfin que les médias tombent volontiers dans le manichéisme ancestral et s’interrogent peu sur les nuances nées d’un monde qui a tout de même furieusement changé: les bons sont d’un côté (ici), les autres sont de l’autre (eux et spécialement le méchant Poutine). Ces simplifications outrancières ont souvent préparé psychologiquement les foules à la guerre (quand elles ne les ont pas poussées à la réclamer). Et qu’au bout du compte, la question de savoir qui a commencé devient anecdotique quand la déflagration a lieu: tout le monde a participé. Et là c’est l’inverse des jeux olympiques: non, l’essentiel n’est pas de participer, l’essentiel est d’empêcher de devoir participer. La planète a déjà assez de problèmes comme ça.

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