Il n'y a pas de quatrième pouvoir

Poing de vue

Par | Journaliste |
le

Capture d'écran de l'édition en pdf de Libération du 23 septembre

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Je comptais cette semaine consacrer mon édito à cette initiative qu'une centaine d'organes de presse français avait prise: la publication simultanée d'un texte signé par un très large panel de moyens d'information à l'initiative de Charlie Hebdo. Alors même que j'étais dans l'écriture de l'article, une info tombe – celle, rue Nicolas Appert, dans le XIème arrondissement parisien, d'un attentat à la machette perpétré par un auteur identifié et arrêté peu après. Deux collègues, par pure proximité géographique qui les a sans doute assimilés à Charlie, puisque “Premières lignes” occupait et occupe des bureaux dans l'ancien siège de Charlie, ont été blessés.

L'attentat, certes, ne semble pas être autre chose qu'un acte artisanal enclenché, probablement, par la nouvelle publication par l'hebdomadaire martyr de la publication des caricatures de Mahomet et par la fatwa qui s'en est suivie. Il n'en est pas moins grave car il dénote un changement de stratégie terroriste. Il suffit désormais de quelques paroles et il se trouvera toujours bien au moins un fanatique ou un illuminé pour essayer de l'appliquer. Al Qaida et ses succursales vont de revers en revers mais le ventre est encore fécond d'où a surgi cette bête immonde-là.

Aux lâches qui disent que Charlie l'a bien cherché, tout de même, permettez-nous de répondre qu'ils parlent comme ces vieux machistes excusant le viol d'une jeune femme à cause de sa tenue. Oui, chers confrères, vous avez raison de le rappeler, la liberté d'expression n'est pas un luxe mais un droit limité uniquement par la loi – et cette liberté inclut le blasphème que rien ne réprime dans nos sociétés démocratiques. Il

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Non, nous, journalistes, ne sommes pas “le quatrième pouvoir”, selon une expression consacrée et tarte à la crème qu'on a trop lu dans les éditos de la semaine, dont on se demande s'ils visaient à vendre la copie ou à répondre à un besoin d’auto-glorification: juste des citoyens comme devraient l'être tous les citoyens, pas des chevaliers blancs ou des supermans, des gens ordinaires dont la finalité n'est pas d'exercer un pouvoir mais de les observer, tous les trois, législatif, judiciaire et surtout exécutif, dont il est clair qu'en réalité, c'est lui qui est prépondérant. À qui dans la profession se pousse du col et veut faire plus important qu'il n'est, apprenons que c'est une chance pour eux, d'ailleurs. Car si la presse était un pouvoir, qui lui aurait conféré celui qu'elle revendique? Qui la contrôlerait? Probablement celui qui lui aurait concédé ce droit – et c'est ainsi que dans les régimes forts s'installe la soumission.

En réalité il ne faut pas confondre les genres. Ce n'est tant la presse ou les journalistes qui comptent, ce sont les véhicules; le principe moteur, c'est la liberté d'expression qui permet à l'esprit libre qui veut critiquer un pouvoir – ou même s'en moquer – de faire connaître son opinion. C'est pourquoi, malgré toutes les horreurs qui s'y véhiculent, et qui parfois transgressent non seulement le bon goût, le respect de l'autre et la tolérance, voire la loi, les réseaux sociaux trouvent dans ce principe une justification éthique. Cette concurrence inédite offusque les journalistes, qui confondent leur métier et la liberté d'expression. Le premier est plus qu'utile, la seconde est indispensable.

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