Banqueroute

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Trois siècles plus tard, est-on à la veille d'une banqueroute? Portrait de John Law peint par Balthazar peu avant 1720

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La première banqueroute monstrueuse de l’histoire est celle de Law. Elle résume parfaitement les dangers de la spéculation. En soi l’idée était excellente, et d’ailleurs elle s’imposa: recourir au papier monnaie plutôt qu’à l’étalon or. À la mort de Louis XIV, la nécessité d’apurer une situation financière critique y avait contribué. Un mouvement de panique provoqua l’effondrement du système en 1720. Pourquoi ce rappel historique? Parce que cette semaine, l’action Facebook – pardon, Meta – a plongé et qu’elle n’a pas été la seule à être écornée: le scandale Orpea a eu le même effet. Qu’il s’agisse d’un résultat décevant – une stagnation – ou d’une condamnation morale. Plus que jamais, le monde de l’économie repose sur la psychologie de bazar et l’hypocrisie moralisatrice.

C’est extrêmement dangereux et renforcé par cette croyance assez nouvelle, en tout cas dans sa généralisation, que le bénéfice naît de la plus-value plutôt que du rapport lui-même. Les rentiers, jadis, achetaient des valeurs de bon père de famille. C’était une part des bénéfices qui était distribuée aux actionnaires. Bien sûr, les perspectives quant à l’ampleur des bénéfices influençaient les cours. Mais pas avec une telle versatilité, sauf en cas de panique absolue, qui ont marqué les crises absolues comme depuis l’effondrement du système de Law. Le plus pittoresque est de noter que ce que les riches du XVIIIème siècle réclamaient, c’était qu’on leur rende leur or. C’est-à-dire somme toute un métal dont la valeur elle-même est fixée par l’air du temps et l’âge du capitaine...

L’économie mondiale, dès lors, vit perpétuellement dans une cavalerie qui risque fort de terminer dans le ravin quand les chevaux échappent à tout contrôle. En général, on s’en fout parce qu’une inflation de nature entropique, aussi inévitable que les principes de la thermodynamique, satisfait tout le monde. La moindre accélération de cette inflation, comme c’est le cas actuellement, et l’attelage peut devenir fou. Or clairement la planète ne peut pas continuer dans cette voie car les ressources naturelles s’épuisent. L’énergie va être de plus en plus chère et les métaux, minerais et autres réserves de matières premières vont se raréfier.

La solution est bien connue encore que complexe à mettre en œuvre: taxer la spéculation par exemple en décourageant les plus-values scandaleuses, qui parfois (demandez aux traders) peuvent se faire en quelques millisecondes, taxer les transactions elles-mêmes de façon minime mais constante, repenser la fiscalité qui touche plus le travail que le capital volatil, etc. Le problème est qu’à chaque révolution industrielle, le législateur est un coup en retard. Il y a vingt-cinq ans, beaucoup prédisaient que l’internet n’allait jamais prendre car il n’y avait pas moyen de le rendre rentable. On a vu. Et aujourd’hui, on essaie de courir derrière les Gafam qui, n’en doutez pas, sont bien plus tristes des chutes boursières que des amendes européennes...

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