On ne fait plus d'omelette en cassant les œufs

Poing de vue

Par | Journaliste |
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S'agit-il d'un danger ou d'un délice? Photo © Jean Rebuffat

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L’œuf, cet aliment simple et banal, peu coûteux et savoureux, que l'on peut préparer de tant de façons, est désormais un objet de polémique.

Il faut d'abord circonscrire le problème à sa véritable dimension au niveau de la santé publique. Le produit incriminé, le fipronil, est interdit depuis le début du siècle dans tout ce qui concerne l'alimentation humaine. Voilà qui est dès lors inquiétant, à première vue, une omelette au fipronil! Certes. Mais nous ne retrouvons pas au niveau des scandales à la dioxine ou aux catastrophes de la vache folle. Si le fipronil a été interdit dans l'alimentation humaine, c'est bien en vertu de ce principe de précaution que tout le monde trouve normal mais dont on ne compte plus les effets pervers (il suffit, par exemple, de penser aux adversaires de la vaccination). Le fipronil, à part ça, est toujours utilisé pour éviter que nos animaux de compagnie ne nous amènent puces et poux... Il est donc toujours produit, même s'il est aussi et par ailleurs éminemment suspect dans les hécatombes qui déciment les ruchers. Bref, en d'autres mots, et même en admettant un relatif optimisme de la part des experts, il faudrait avaler au moins une douzaine d’œufs chaque jour durant toute sa vie pour se mettre en péril grave. On objectera que les effets croisés et les effets cumulatifs sont mal connus, c'est vrai et c'est même une raison pour laquelle le produit est proscrit. À titre personnel, j'aime les œufs, j'en cuisine souvent et je suis certainement à ranger parmi les grands consommateurs. Or cette menace ne me fait rien changer à mes habitudes alimentaires. Il est vrai que je consomme principalement des œufs bio ou de poules élevées en plein air (codes 0 ou 1 sur l’œuf), cela limite les risques... et cela me semble plus éthique. Je suis un partisan de la théorie de l'animal heureux. Je ne me sens pas coupable, étant omnivore, de manger des animaux mais cela ne m'empêche pas de les respecter comme êtres vivants et d'estimer normal qu'on leur procure des conditions d'élevage, de vie et d'abattage qui soient dignes.

Mais tout cela n'ôte rien au fond du problème: d'une part, c'est qu'en conscience, il se trouvera toujours quelques margoulins pour se moquer des règles et s'enrichir à moindre effort; de l'autre, c'est que les contrôles sanitaires ne peuvent pas tout et que l'on dénonce à juste titre leur caractère normatif et tatillon qui détruit le patrimoine culturel que forment aussi nos traditions alimentaires (pensons aux produits à base de lait cru). Que cherche-t-on, quand on contrôle un aliment? Des bactéries et des substances potentiellement dangereuses. Mais on ne peut pas les chercher toutes systématiquement! Il faut parfois des contrôles plus poussés pour tomber fortuitement sur des problèmes que celui dont nous parlons.

Mais là où l'on peut agir, c'est certainement dans la manière d'avertir le consommateur. Dans le cas qui nous occupe, le problème a été tu puis minoré, ce qui aboutit à engendrer une méfiance collective générale et contribue à cette décrédibilisation qui frappe les pouvoirs publics, voire alimente les thèses des joyeux complotistes. Et pourtant, on voit bien que les pays concernés – ils sont douze, au dernier comptage, mais la série est en cours – et l'Europe ont réagi assez promptement, mus par l'expérience. En général, c'est en taisant la vérité qu'on ouvre la porte au mensonge et c'est en voulant éviter la panique qu'on la décuple. Et là, l'habitude est tellement ancrée qu'il faudra sans doute encore bien des alertes avant que l'opinion publique ait le sentiment qu'elle est tout simplement et très normalement bien informée.

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