De l'art planétaire du grand écart

J'avais l'intention, cette semaine, de commenter dans l'actualité les grands écarts en me concentrant sur la Belgique et la France, mais (mondialisation, quand tu nous tiens) Harvey me contraint aussi à passer par le Texas.

Je ne ferai que passer, d'ailleurs, comme le président des États-Unis lui-même, la casquette et le drapeau texan en moins. Donald Trump, ce héraut du climato-scepticisme, a atterri à Corpus Christi, soucieux de montrer combien compatissant et empathique il était, à l'inverse de son lointain prédécesseur, George W. Bush, que Katrina n'avait pas ébranlé. Je ne sais pas si c'est le nom de cette ville, Corpus Christi, qui faisait espérer un miracle au 45ème Potus, mais le voir débarquer (le mot m'a échappé) m'a fait penser à Champignac-en-Cambrousse et à son inénarrable maire. Évitons les raccourcis, Harvey n'est pas la conséquence directe de la sortie américaine des accords de Paris à la Cop 21, mais comment ne pas comprendre que ces images spectaculaires sont en passe de se banaliser parce que les phénomènes météorologiques extrêmes s'amplifient? Et qu'ils mettent en péril la prospérité américaine elle-même? Les exploitations pétrolières du Texas sont à l'arrêt, les dégâts sont gigantesques, les risques de pollution sont terribles et les alligators sortent de leurs eaux calmes à la recherche d'abris en hauteur. Le conseil des autorités est de les laisser tranquilles.

C'est la nature qui se venge, diront certains, en proie à cette téléologie qui prête des sentiments humains à des phénomènes indifférents. Elle s'en fiche bien, la nature; elle fait ce que les lois de la physique et de la chimie lui dictent. Elle n'a pas choisi Houston comme symbole, pas plus que Dieu n'a frappé cette ville parce que Mme le maire est homosexuelle. Cette idée de punition, divine ou naturelle, est en fait très utile: elle dispense de réfléchir aux vraies causes et aux solutions praticables et elle exonère finalement l'homme de sa responsabilité. On peut donc continuer comme avant.

Continuer comme avant, c'est exactement ce que vont faire les gouvernements de la Région de Bruxelles-capitale et de la Communauté française de Belgique, puisque si ce Donald Trump du pauvre qu'est Benoît Lutgen a bien réussi à renverser la majorité en Wallonie, il a fait pschitt partout ailleurs. Comme ces trois gouvernements d'entités fédérées sont liés, qu'on le veuille ou non, les numéros d'équilibristes et d'acrobates qu'on nous annonce vont ravir les tenants du surréalisme belge. Et dans le rôle du clown triste, Lutgen est assez réussi. C'est la faute à Défi, clame-t-il, s'attaquant à encore plus petit que lui (mais peut-être plus pour très longtemps).

Continuer comme avant, c'est exactement ce que prétend ne plus vouloir faire le président de la République française. Du haut de l'Olympe, Jupiter tonne. De Gaulle les prenait pour des veaux; Macron, pour des moutons. Il n'a pas encore perçu qu'il n'a été élu comme son prédécesseur que par défaut, parce qu'il représentait la moins mauvaise des solutions. Il pense que le troupeau va suivre son berger. Or sa politique est en effet ni à gauche ni à droite et encore moins au centre, c'est-à-dire nulle part; il la veut et de gauche et de droite; grand écart, là encore. Le problème est que jusqu'ici, elle ressemble au célèbre pâté d'alouette qui contenait 50% d'alouette: un cheval, une alouette...