Acquitter Wesphael et condamner les Assises

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Photo © DR / bxl.be -Médias de Bruxelles

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N'en déplaise aux contempteurs des comparaisons sportives, un procès d'assises ressemble à un match de football. Si la défense de l'accusé qui nie tient le coup, le 0-0 final sanctionne une victoire de fait, même avec plusieurs tirs sur le poteau et des penalties non sifflés. C'est exactement ce qui s'est passé à Mons avec l'acquittement au bénéfice du doute de Bernard Wesphael.

Car n'en déplaise cette fois à l'ancien député, qui a répondu: "Non, ce n'est pas au bénéfice du doute" à une consœur de la presse télévisée, ce n'est qu'au bénéfice du doute, en effet, qu'il a été acquitté du meurtre de sa femme. L'arrêt, très bien ficelé, évoque d'un côté les charges plutôt lourdes qui pesaient mais aussi les raisons d'un doute dit raisonnable, toutes issues des erreurs et approximations de l'instruction (y compris les erreurs de traduction) et de l'enquête ainsi que des contradictions (habituelles...) des experts. Aussitôt, tous les observateurs de s'exclamer: "Cet acquittement n'a été possible que grâce à l'oralité des débats!". Et de rompre une lance sur le maintien tant contesté de la cour d'assises qui permet d'aller au fond des débats.

Je partage le premier point de vue. Ma propre et longue expérience du monde judiciaire m'incite à penser que devant un tribunal correctionnel, l'accusé aurait eu moins de chances de s'en sortir. Cela ne veut pas dire que les magistrats professionnels ne sont pas sensibles au doute; j'ai assisté là aussi à des acquittements qui n'étaient pas gagnés d'avance (sinon, d'ailleurs, un non-lieu terminerait l'affaire bien avant le procès). Mais les grands avocats pénalistes savent très bien où sont les brèches dans lesquelles il faut s'insérer et les points où il faut appuyer pour que cela fasse mal. La grandeur et la misère des assises, c'est son côté citoyen. Douze jurés tirés au sort jugent au nom du peuple souverain. C'est une garantie et un risque.

Pour des raisons principalement financières (ces longs procès, de plus en plus longs, d'ailleurs: il y a quarante ans, ils se tenaient généralement en trois jours et une affaire délicate comme celle-ci, en cinq), mais avec des arrière-pensées, on imagine aujourd'hui en Belgique supprimer la cour d'assises, sauf exceptions, en permettant une plus large correctionnalisation des crimes et en alourdissant les peines encourues devant la justice pénale ordinaire. C'est pourquoi le plaidoyer post-Wesphael risque de jouer exactement en sens inverse de ce qui est souhaité. On rejoint les arrière-pensées qui sont plutôt tues: si c'est pour acquitter dans des cas comme celui-là, autant s'en passer.

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Les propres propos de Bernard Wesphael à la sortie de la cour y contribuent. Au lieu de la jouer modeste, l'homme est reparti dans son délire de l'acharnement médiatique et judiciaire alors que ce fut tout l'inverse: il a réellement bénéficié de la présomption d'innocence (il a été libéré après dix mois de détention préventive, ce qui, avec de telles charges, est rare) et a lui-même orchestré avec une maestria d'homme politique sa propre campagne médiatique, longues interviews exclusives et livre quasiment vendu au parvis du palais de justice de Mons. Il en a rajouté une couche qui n'apaisera personne en souhaitant renouer au plus vite avec le fils de la victime. Il aurait mieux fait de se rappeler que le silence est d'or. L'argent de la parole, en ce cas, a une mauvaise odeur.

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