Sahara occidental – Maroc: une victoire du droit international

Zooms curieux

Par | Journaliste |
le

Un thriller captivant qui révèle les atrocités de l'occupation marocaine du Sahara Occidental.

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Sale temps pour le roi du Maroc, son gouvernement et pour la Commission européenne: le Tribunal de la Cour de Justice de l’Union européenne vient de rappeler que l’exploitation des ressources naturelles d’un peuple et le business qui s’ensuit ne peuvent se faire sans le consentement de ce peuple. Les petits arrangements juteux entre la Commission européenne et le Maroc doivent se plier aux règles du droit international qui protège les droits des peuples ainsi que des Etats à la justice, à la paix, à la dignité.

En 73 pages très denses, l’arrêt du Tribunal est impitoyable pour l’accord d’association qui lie l’UE au Maroc sur le dos du peuple sahraoui dont le territoire, le Sahara occidental, est occupé par le régime marocain et ce depuis 1975.  (1) Et quand on dit « occupé », il faut préciser que le Maroc a chassé une partie de la population sahraouie vers l’Algérie. Ils sont 175.000 à vivre dans des camps de réfugiés dépendant entièrement de l’aide internationale et de celle des Algériens. L’autre partie, soit 700.000 personnes, est dans sa grande majorité, reléguée dans des quartiers de villes et de villages gardés par des militaires, sans droit à des emplois convenables, sans recours possible contre le vol de leurs terres, de leurs demeures, de leurs ressources naturelles. Une population réprimée durement et qui clame sans cesse son droit à l’autodétermination, pourtant reconnu par les Nations Unies qui placent le Sahara Occidental dans la liste des « territoires non autonomes » au sein de la Commission de décolonisation de l’ONU. D’ailleurs, on qualifie souvent le Sahara Occidental de « dernière colonie d’Afrique ».

Entre les deux populations, le Maroc a érigé un gigantesque mur de sable, miné abondamment afin d’empêcher les Sahraouis de se rejoindre, sur le modèle de la barrière minée qui empêche les familles coréennes de se revoir.

C’est que ce territoire regorge de richesses : les phosphates, les ressources halieutiques, le tourisme du surf, le sable qui est pompé en grande quantité pour renforcer les plages des Iles Canaries, le sel que nous utilisons sur nos routes lorsqu’il neige, les melons et tomates que nous consommons comme marocains alors qu’ils sont volés aux Sahraouis et sont cultivés grâce à l’eau volée dans les nappes phréatiques. Le tout pour le plus grand bénéfice des hommes d’affaires marocains et pour le roi lui-même, avec la complicité de firmes étrangères, sans retombées financières pour la population sahraouie.

Condamnés en 2016 et 2018, l’UE et le Maroc avaient revu leur mauvaise copie en imaginant un mécanisme de consultation des autorités locales installées par le Maroc et des ONG ainsi que des opérateurs économiques locaux qui ne représentent qu’eux-mêmes et non le peuple sahraoui. Celui-ci est juridiquement et politiquement représenté par le Front Polisario qui a instauré la République Arabe Sahraouie Démocratique, reconnue par l’Union Africaine, mais pas par le Maroc, bien évidemment. 

Alors que nos représentants politiques ferment les yeux sur ces spoliations afin de continuer des relations commerciales profitables pour nous et pour la nomenklatura marocaine, le Tribunal européen impose à l’Union européenne de se conformer au droit international. Le business ne peut primer le droit des peuples à l’autodétermination qui leur permet de bénéficier de leurs ressources naturelles.

Immédiatement après cet arrêt, le haut représentant de l’Europe aux affaires étrangères Josep Borrell a tenu à rassurer ses amis marocains en disant que cela n’entraverait pas les excellentes relations existantes entre ce pays et l’UE. Personne n’est opposé à de telles relations économiques, encore faut-il qu’elles se passent dans le cadre du droit. L’UE ferait bien de faire pression sur l’Etat marocain afin qu’il se conforme aux résolutions des Nations Unies et cesse enfin d’empêcher la tenue du référendum d’autodétermination des Sahraouis. Cela permettrait aux entreprises européennes de poursuivre et de développer leurs relations économiques avec le Maroc et avec le Sahara occidental, en toute sécurité juridique.

En attendant, les entreprises transnationales, françaises notamment (car la France soutient quasi inconditionnellement le Maroc), doivent à présent faire très attention à leurs activités en territoire occupé du Sahara occidental, qui pourraient être qualifiées de complicité de pillage des ressources naturelles, de complicité avec le crime de colonisation par peuplement (en aidant le Maroc à transférer de la main d’œuvre marocaine dans les territoires occupés).

Avec cet arrêt du Tribunal européen, les plaintes risquent de se multiplier, ce qui n’est pas bon pour les affaires. (2)

« La dernière poignée de sable »

Afin de se rendre compte du vécu des populations sahraouies sous occupation marocaine, impossible à découvrir car le Maroc empêche toute visite et enquête journalistique, rien de tel qu’un bon polar politique : « La dernière poignée de sable » retrace l’enquête d’un ethnologue travaillant pour la Mission des Nations Unies pour l’organisation du référendum au Sahara Occidental (Minurso) et qui cherche à savoir qui a assassiné son ami, membre éminent de cette Mission. Qu’a t’il découvert des agissements de l’occupant marocain qu’il faille taire à tout prix ? L’autrice connaît admirablement le milieu des Nations Unies, son mode de fonctionnement sur place, son impuissance aussi. Elle nous fait découvrir ces hommes et femmes sahraouis qui se battent pour leur liberté, encourant discriminations, emprisonnements, mauvais traitements, tortures et assassinats. Toutes choses documentées dans les rapports officiels que tout le monde peut consulter mais qui prennent sens et sentiments au travers des aventures de l’ethnologue enquêteur.

La conclusion de ce roman est bien celle que l’on souhaite au peuple sahraoui qui a choisi la voie pacifique pour faire reconnaître ses droits. (3)

  1. Arrêt du tribunal :  https://curia.europa.eu/juris/documents.jsf?num=T-279/19

L'analyse de François Dubuisson:

https://cdi.ulb.ac.be/sahara-occidental-francois-dubuisson-nous-livre-son-analyse-concernant-la-derniere-decision-du-tribunal-de-lunion-europeenne/

2. « Crime de colonisation par peuplement ». Etude de cas sur les activités économiques des entreprises françaises au Sahara Occidental. Antoine Quéré. APSO Editions. (APSO = Amis du Peuple du Sahara Occidental), http://ap-so.blogspot.com/

3. Ursula A. « La dernière poignée de sable ». APSO Editions. 2020. apsoeditions@gmail.com

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