Le jeu de cette famille

Pasta

Par | Penseur libre |
le
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Lecture 7 min.

Dans la famille Michel, je choisis Mathieu.
La rumeur laisse entendre qu’on ne savait pas trop qu’en faire de çui-là. Vous savez comment ça va avec les fils de famille qui glandent par exemple comme président du Collège provincial du Brabant wallon. Le patriarche du clan aurait pensé, dit-on, à lui mettre la pression pour qu’il s’engage dans la Légion étrangère.
La limite d’âge était malheureusement passée.
Fallait trouver autre chose.
La tribu ayant des copains au gouvernement, se dit-il dans des officines politiciennes, on lui a trouvé un boulot de secrétaire d’Etat.
Ça a un peu surpris tout le monde. Personne n’aurait pensé qu’il puisse faire secrétaire d’Etat. Mais quand il s’agit de rendre service, les amis politiques savent être généreux. La rumeur est tenace.
Restait-il encore un placard pas trop rempli, personne d’autre à caser dans l’intérêt des familles ? Ni vu ni connu, j’t’embrouille, un coup de balai dans les coins, un coup d’éponge sur les vitres, hop ! Deux tréteaux, une planche, ça vous fait un bureau ? En politique tout est possible.
Cependant, même dans un espace réduit, c’est un chouette boulot Secrétaire d’Etat. Y a la retraite et du crédit chez l’épicier. Parfois, on a des remarques de la plèbe jalouse et médisante, vous savez comment ça va avec la populace, mais si on la ramène pas trop, c’est peinard, personne ne parle de vous.
Ça fait que le voilà, notre Mathieu, très satisfait d’être secrétaire d’Etat du « digital ». Ses collègues n’ont pas relevé l’incongruité parce qu’il est très gentil, jamais un mot au-dessus de l’autre et pas fier avec l’ouvrier. Ce qui, nous dit-on, ne les empêche pas d’avoir un sourire en coin dès qu’il a le dos tourné : Il ne sait même pas que c’est du « numérique » qu’il est secrétaire d’Etat, ricanent les dénigreurs systématiques. Secrétaire d’Etat du « digital », s’obstine-t-il à dire! Hi! hi! Normal : d’aucuns, des malveillants, affirment qu’il ne sait taper qu’avec un doigt sur le clavier de son smartphone.
Quoiqu’il en soit, ça lui a donné une idée qu’il exprime dans La Libre Belgique du 21/09/21 : il veut faire de la Belgique une « Smart nation ». Une « smart nation » personne ne sait ce que c’est, sauf lui. Et encore...
« Le projet smart nation est davantage un état d’esprit qu’un plan ou une stratégie(...) il repose sur des convergences (compliquées à établir dans un pays comme la Belgique mais indispensables) de l’ambition et de l’inclusion. Quand on aime son territoire, les acteurs ont tout intérêt à travailler ensemble. Mon combat n’est pas d’imposer un logo “smart nation” aux régions ou à qui que ce soit, mais de bosser ensemble pour faire de la Belgique un pays plus efficace, plus ambitieux, grâce au digital »
Le citoyen lambda pourrait penser que ça ou les vastes étendues du désert du Kalahari c’est kif-kif du point de vue contenu.
Attention ! Ne pas se fier aux apparences ! Sous ce souffle d’indigence se cache probablement un immense terrain de spéculations ésotériques ou philosophiques.
Un secrétaire d’Etat, c’est quand même pas un poivrot au comptoir d’un bistrot, non ?     

Soyons sérieux. Prenez la Bible et autres livres sacrés. On tombe souvent sur des passages qui contiennent tellement rien qu’on se dit : « C’est pas possible, dans un livre sacré, qu’un tel vide (“de telles niaiseries” pour les mécréants) soit possible; cette vacuité n’est qu’apparente, elle doit forcément vouloir dire quelque chose. Quelque chose qui me dépasse puisque je suis un pauvre ignare fermé aux spéculations intellectuelles de haut niveau. Alors démarre la quête du sens.
Là, deux écoles.
1) Ceux qui se disent : “Bon, je vais me remettre à Gaston Lagaffe, là, y a pas de vide, je comprends tout et au moins je rigole”
2) Ceux, sérieux comme un secrétaire d’Etat, qui finissent par trouver. Ils y arrivent toujours, ça rate jamais. Ils trouvent des trucs qu’aucun humain normal n’aurait jamais envisagés. Même Darwin n’y retrouverait pas son singe. Du coup, on est tellement épastrouillé devant tant de contorsions qu’on les prend au sérieux. Même si au fond du fond on n’a toujours rien compris. Mais on est reconnaissant à l’artiste pour l’effort. Et puis on peut le citer dans les conversations entre amis, on passe alors pour un grand érudit, un fin connaisseur des affaires divines.
Et c’est ainsi que le vide devient plein.
Comme Grand Nouilleux de Belgique, je confirme : Le Monstre en Spaghetti Volant existe, justement parce qu’on ne peut pas prouver qu’il n’existe pas ! Ça n’a l’air rien, mais c’est une sacrée mise en abyme.
Notez qu’il n’y a pas que les livres sacrés. Vous pouvez essayer avec René Guenon ou Oswald Wiertz.
Vous ne connaissez pas ?
Tssss ! Vous ne serez jamais francs-maçons.


Revenons à nos moutons sous les placards.

En politique, c’est pas ce qu’on fait vraiment qui compte, mais ce qu’on dit qu’on fait. Ou qu’on va faire.
Attention, toutefois. Laisser cet aimable Mathieu taper avec un doigt sur son smartphone à longueur de journée, comme disent les méchants sans cervelle, risquait d’être un peu ennuyeux, voire humiliant à terme. On lui a trouvé d’autres activités pour meubler ses longues heures de bureau avant qu’un drame ne se produise.
Il est aussi secrétaire d’Etat à la simplification administrative. Bien vu ! Pour un homme tout simple comme lui c’est la bonne personne au bon endroit.
“Mais c’est pas tout ! mais c’est pas tout ! mais c’est pas tout !” comme chantait Bourvil dans “La tactique du gendarme”.
Pour le même salaire, Mathieu Michel est trois fois secrétaire d’Etat ! C’est pas du dévouement au bien public ça ?
Il est également secrétaire d’Etat à la vie privée.
La vie privée de quoi ?
En tout cas, pas de secrétaire d’Etat.
Et puis, pour un libéral, tout ce qui relève du privé est bon à prendre.
Et dire qu’il cumulait toutes ces charges dans la plus grande discrétion, sans moufter, sans ameuter la presse. Une ascèse, presque.
Et tout à coup, surprise ! Voilà, faut-il croire, que ça lui taquine l’ego qu’on ne parle jamais de lui, que la presse ne lui demande rien.
C’est le métier qui rentre, voilà tout.
La Libre Belgique lui a donné un coup de main.
Journaliste, c’est un sacerdoce.
Remplir une page avec rien, faut du métier ! Heureusement, il y a la photo qui prend de la place.
Trêve de persiflage. Il y a sans doute derrière tout ça le désir secret de laisser une empreinte dans la vie politique du pays.
Dans un prochain gouvernement, encore plus marqué par la verdurisation de la fraude fiscale, entre autres, il nous revient des pipelettes et autres langues de putes des milieux politiques, que Georges-Louis Bouchez-double, chef des libéraux plus verts que ça j’ai pas, verrait bien contre le gaspillage des matières premières Mathieu Michel carrément ministre du redressement des clous tordus. Encore des commérages !
Que le Monstre en Spaghetti Volant vous touche de son appendice nouilleux
Ramen.

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