Dope

Pasta

Par | Penseur libre |
le

Dessin de Wich

commentaires 0 Partager
Lecture 7 min.

Comme beaucoup de mes amis et connaissances, je suis accro à un puissant psychotrope : l’alcool. Oh ! certes, dans des proportions modestes : jamais avant dix-neuf heures et pas plus de deux canettes. Trois, voire quatre les jours de fête. Si, si.
Jusqu’il y a peu, toujours selon le même horaire j’en consommais un plus virulent : à base de raisin. Certes, dans des proportions qui altéraient peu mes comportements quotidiens plutôt paisibles ; et comme la consommation en était et en est toujours parfaitement légale, je ne me suis jamais trouvé dans la situation de détrousser quelqu’un pour avoir de quoi me payer ma dose. Et puis faut pas exagérer le danger : un Brouille-Ménage à 13 %, c’est tout de même 87% d’un inoffensif liquide. Dites-moi si je me trompe.
Je ne dois pas non plus raser les murs ou passer par des circuits compliqués, voire dangereux, pour me la procurer, ma dose.
Mieux : la consommation publique ou privée, entre amis ou lors de rassemblements publics de cette came n’est nullement découragée par les autorités, voire permet aux associations souvent impécunieuses d’améliorer leur trésorerie. Ce qui sera le cas le 11 novembre prochain à la gare de Watermael lors de la fête d’Entre Les Lignes. Amis légalement toxicos, (ou abstinents, personne n'est parfait) soyez les bienvenus ! venez P.I.A.Fer -Participer Insuffisamment Aux Frais- avec nous.
D’autre part, les trafiquants de ces substances, connus sous d’affectueuses appellations telles que viticulteurs, négociants en vins et spiritueux, etc., sont tenus par les autorités comme d’honnêtes citoyens, parfaitement fréquentables.
Pourtant, l’alcool est loin d’être une innocente dope, ses méfaits produisent des dégâts considérablement nocifs pour la santé, la vie sociale et affective des personnes ou des familles, ne parlons pas de la Sécu, n’épargne aucune catégorie sociale dès que l’on dépasse une certaine quantité, laquelle est variable selon les personnes et le degré de fermentation du breuvage.
Ceci pour parler uniquement des aspects physiologiquement nuisibles. Quand la morale s’en mêle, ça devient encore pire. C’est le diable ! (Encore que chez les cathos, pour la bonne marche de l’enfumoir, le curé s’autorise un p’tit coup de jaja, assimilé au sang du prophète, rien que ça !)
La morale, dans le passé, a tenté d’éradiquer le fléau par la prohibition de tout ce qui pouvait ressemblait au résultat de la fermentation de produits pourtant parfaitement naturels. Comme chacun sait, aux Etats-Unis qui éclairent le monde, entre les années 1920 à 30 le succès fut éclatant !
Comme le disait un humoriste américain de l’époque « La prohibition, c’est pas grave, tant qu’on a du whisky. » (citation approximative).
En effet, non seulement elle ne diminua en rien la consommation d’alcool, mais contribua à le rendre encore plus dangereux, car non contrôlé. En plus de ses nuisances propres, y furent ajoutées celles des trafiquants, pas regardants sur la pureté du produit du moment que ça faisait rentrer encore plus de thunes.  Cerise dans le Kirsh : ce fut la période de gloire des diverses maffias, avec son lot de corruption des autorités, police, élus, magistrats... Et elles sont toujours là, ces maffias, recyclées dans des activités toujours aussi sympathiques, plus d’autres d’aspects extérieurs d’allure parfaitement légale. Sauf quand on creuse.
Bref, le remède s’est avéré pire que le mal.
Tout le monde le sait.
Ça n’empêche que cette semaine la police fédérale claironne à tout va d’avoir démantelé un redoutable réseau de trafiquants à Bruxelles et peu avant à Liège : ça n’avait rien du bricolage : labos multiples, bien planqués, performants, grosses bagnoles, pognon en veux-tu en voilà, et des armes... la parfaite panoplie des caïds, pas des branleurs qui cultivent du haschisch dans leur grenier.
Le chef des flics fédéraux dit pourtant que ses services manquent de moyens, qu’il faudrait voir que le gouvernement allonge un peu la monnaie pour faire encore mieux.
Sur qu’il arrivera toujours à faire mieux, mais les truands l’auront devancé et toute cette belle oseille utilisée pour mettre au trou des petites mains n’aura pas servi à grand-chose, car pendant les perquises la consommation continue. Prend même de l’ampleur (Vive l’ampleur ! comme disaient les grognards à Waterloo), de même que la violence et la corruption qui vont avec.
La violence, tant que les malfrats s’éliminent entre eux, d’accord, c’est pas des manières, mais, perso, ça ne m’arrache pas une larme.
La corruption, c’est nettement plus gênant : ça concerne tout le monde, vous moi, car se sont des institutions, des entreprises, qui alors mettent les mains dans le cambouis. En effet, pour prendre une telle dimension la clandestinité obligée du trafic a besoin que les empêcheurs potentiels de faire des affaires en rond regardent ailleurs quand il le faut, soient un peu distraits au moment où ils pourraient intervenir, ne s’aperçoivent pas qu’on utilise leur matériel, leurs bâtiments à d’autres fins que celles d’origine.
De plus, les milliards que rapporte le marché clandestin se blanchissent dans des entreprises diverses, d’un aspect tout à fait propre sur elles, mais aux mains des mafias. Un vrai bonheur notamment pour les trafics d’armes (pas les pistolets à bouchon! du lourd, pour la guerre) dont les États qui les fabriquent ne se plaignent pas. (Voir le livre d’Alain Labrousse « La drogue, l’argent et les armes)
Mais voilà. Les citoyens honnêtes exigent qu’on mette fin à la drogue. Parce que ça fait pleurer le Petit Jésus ? Parce que c'est immoral! la revoilou la morale!

Bien entendu, pas question de toucher aux produits du terroir qui ont le même effet nocif que la coke, ou l’héro quand on en abuse. Les pages et les rubriques faits-divers de la presse gribouillée, gesticulée ou bafouillée nous apprennent régulièrement de quoi sont capables nos ivrognes tout ce qu’il y a de plus légaux. La justice généralement les punit pour leurs actes, mais pour la picole les invite à se faire soigner. Hé oui ! ça peut se soigner. Les résultats ne sont pas forcément mirobolants, mais enfin on en aide certains à s’en sortir.
L’abus de drogue (pour faire court), quelle que soit sa forme est un problème humain d’ordre psychologique et social, il existe depuis la nuit des temps, mais c’est rien que du malheur. Aussi bien pour le dopé que son entourage. En mettant en cabane les consommateurs qui n’ont rien fait d’autre qu'en posséder, on ne fait qu’ajouter du malheur au malheur. Vouloir arrêter le trafic et la truanderie qui va avec, c’est comme vouloir vider la mer avec une petite cuillère.
Alors Onc’ Michel, si on a bien compris tu es pour la libération totale de toutes les drogues ?
Ouaip, gamins!
Rhôôôôôô !
Naturellement il y faudra quelques réglementations. Comme pour la gnole et ses environs immédiats. Laisser la dope sans contrôle aux labos pharmaceutiques, ça ne ferait que changer de maffias. Mais ça mettrait réellement en difficulté les autres (ne nous inquiétons pas trop, elles trouveront de quoi se recycler). En tout cas, il n’y a aucune raison que ça augmente pas le nombre de camés. L’alcool « libre » n’a pas fait exploser le nombre de poivrots; ils auront du nanan de bonne qualité pour un prix abordable qui ne les conduira pas à estranciner les petits vieux sans défense, comme moi, au coin des rues, ça diluera les bandes dans les cités, ça fera rentrer du blé dans les caisses de l’Etat qui crie famine. Comme pour le Tutues et autres Brouilles-ménages, il prélèvera une taxe. Et puis peut-être que ça préserverait ce qu’il reste de la crédibilité des institutions et autres lieux dits de pouvoir privé ou public.
Elle serait pas belle la vie ?
Y a pu qu’à.
Que le Monstre en Spaghetti Volant vous touche de son appendice nouilleux.
Ramen.

Il semble que vous appréciez cet article

Notre site est gratuit, mais coûte de l’argent. Aidez-nous à maintenir notre indépendance avec un micropaiement.

Merci !

commentaires 0 Partager

Inscrivez-vous à notre infolettre pour rester informé.

Chaque samedi le meilleur de la semaine.

/ Du même auteur /

Toutes les billets

/ Commentaires /

Avant de commencer…

Bienvenue dans l'espace de discussion qu'Entreleslignes met à disposition.

Nous favorisons le débat ouvert et respectueux. Les contributions doivent respecter les limites de la liberté d'expression, sous peine de non-publication. Les propos tenus peuvent engager juridiquement. 

Pour en savoir plus, cliquez ici.

Cet espace nécessite de s’identifier

Créer votre compte J’ai déjà un compte