Pouic

Allo, allo, quelle nouvelle

Par | Penseur libre |
le
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Lecture 3 min.

Il se demande parfois si ce n’est pas lui qui et à l’origine du phénomène. Tout avait commencé un dimanche matin quand elle s’était mise à pleurer sans raison. Non, finalement pas sans raison. Elle pleurait à cause du temps qui passe, du temps passé, du mauvais temps. Elle pleurait, recroquevillée sur elle-même. Ses larmes lui coulaient dessus. Pour la consoler, il aurait pu la prendre dans ses bras, lui caresser les cheveux et lui parler tendrement à l’oreille mais pour la prendre dans ses bras, il aurait dû se lever et contourner la table. Pas envie. Trop loin, trop long, son café aurait refroidi. Il choisit la solution de facilité et lui dit : « Rien n’est grave puisque je t’aime ».C’était simple, veule, facile et passe-partout. Pas besoin de se lever. Il suffit de jeter les mots à l’autre bout de la table comme de miettes de pain aux oiseaux et l’affaire est faite. Elle répondit mécaniquement à travers ses larmes : « Moi aussi, je t’aime. ». Ils venaient, sans le savoir, de gaspiller des mots que plus jamais, ils ne pourraient prononcer. L’usage de la parole s'était transformé en fusil à un coup, un fusil impossible à recharger même quand on croit posséder plein de balles dans son chargeur. Dans l’après-midi, après avoir fait l’amour, lui prit l’envie de lui dire « Je t’aime » en lui caressant le dos alors qu’elle somnolait sur lui mais « Pouic », rien ne sortit de sa bouche. Comme si quelque chose venait de se bloquer dans le grand ordinateur qui contrôle l’univers. Le bug. Désormais, il était devenu impossible de répéter les mots déjà prononcés.

Le soir même, ils étaient invités chez des amis. La maîtresse de maison a voulu leur parler de Wax, la série géniale qu’il faut absolument avoir vu, surtout la saison 3. Le problème, c’est qu’elle en avait déjà parlé à midi avec d’autres amis.

- Quoi ! Vous n’avez jamais vu Wax ? Ce n’est pas possible ! Il faut absolument que vous regardiez la saison 3. Vous allez adoorer ! Nous, on ne rate aucun épisode !

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Alors, le soir, quand elle a voulu reparler de Wax à ses hôtes du soir, Pouic, elle ne prononça aucun mot. Son silence ne l’inquiéta pas. Elle mit son mutisme sur le compte d’une fatigue passagère causée par les courses pour le dîner, la cuisine, le plan de table et cette soirée ennuyeuse et ratée qui se traînait. Ah, si elle avait pu parler de Wax !

Dès le lendemain, le phénomène prit des proportions gigantesques. Les présentateurs des journaux télévisés de 9h, de 13h et même du 20 heures habitués à répéter quotidiennement les mêmes mots restèrent muets. Pouic. On n’entendit plus non plus les hommes et les femmes politiques qui répètent inlassablement que, dans notre pays, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde mais qu’on peut la créer très facilement ici avec quelques mesures fermes et injustes. Les politiques, pouic. Le mal se propagea aussi rapidement que la peste. Il finit par contaminer des gens qui croyaient pouvoir y échapper comme les petits auteurs de nouvelles qui Pouic.

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