L’appareil photo

Tout a commencé au moment de mon retour de l’hôpital après l’accident.

Ma femme était présente mais je sentais qu’elle n’était pas là. A sa place, on aurait dit une machine qui répondait machinalement à mes questions, mes baisers, mes caresses. Elle vivait avec moi mais n’était plus présente. Pour en avoir la certitude, j’ai installé dans le salon un appareil photo qui se déclenche au moindre mouvement. L’appareil est utilisé par les naturalistes, les gardes forestiers et les chercheurs en biodiversité pour capturer d’éventuelles images de loups ou d’autres animaux sauvages dans nos forêts. Il ne s’agissait pas de l’espionner mais de photographier notre vie quotidienne après l’accident. J’ai agi avec elle comme je l’avais toujours fait depuis que nous vivions ensemble. Je la couvrais de fleurs et de baisers, de caresses et de cadeaux et des amis nous ont rendu visite. Les photographies n’auraient rien d’artificiel et d’immoral. Je désirais seulement dresser le portrait de notre vie commune depuis l’accident. Après un mois, je développai avidement les photographies prises par l’appareil. Sur tous les clichés, j’étais seul.