Le prêt.

Allo, allo, quelle nouvelle

Par | Penseur libre |
le
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Lecture 4 min.

Il a perdu son boulot le mois précédent parce que la multinationale qui l’employait restructure. Et ce mois-ci ; il n’a pas été payé. Logique mais cruel. Son compte en banque est au plus mal. Son code comporte plus de chiffres que son compte. Le manque d’argent est si criant qu’il décide de ne pas faire de courses au supermarché ce mois-ci et d’alimenter sa famille avec des boîtes de conserve qu’il avait gardées en réserve au cas où. Les enfants n’y ont vu que du feu.
- Chouette ! Des raviolis !
Sa femme est moins joyeuse : « Encore du thon. ».

Le lundi matin, il prend le bus pour aller pointer au bureau de chômage. Dans le bus, le chauffeur et les voyageurs lui tirent la gueule. Certains lui tournent même le dos. Il se demande ce qu’on lui reproche. Le chômage ? Il est loin d’être seul dans ce cas. Pour éviter le mécontentement des voyageurs, il avance jusqu’au fond du bus. C’est là que sont assis le Roi et le premier ministre. Ils ont tous les deux des têtes d’enterrement.
- Quelque chose ne va pas ? demande-t-il naïvement.
- Non, çà ne va pas, Monsieur. Depuis un mois, vous n’avez rien consommé. Les finances de l’Etat dépendent de votre consommation. Si vous ne dépensez rien, l’Etat ne gagne rien. Et l’Etat doit acheter des avions de combat.
- De plus, c’est l’Etat qui vous paie puisque vous êtes au chômage. Vous coûtez à l’état et vous ne lui rapportez rien. Reconnaissez qu’il y a un problème.
Il reconnait.
- Un Etat sans avion de combat est en mauvais état, déclare encore le premier ministre.
- Vous savez combien çà coûte un avion de combat ?
Il l’ignore.
- Mais, c’est que … tente-t-il d’expliquer.
- Si vous ne consommez rien. Comment voulez-vous que le pays se redresse ?
- Et le PIB ? Vous avez pensé au PIB ? lui demande encore le Roi.
Le PIB. Il est forcé de reconnaître qu’il n’y a pas pensé du tout.
Dans le bus, des passagers mécontents grommèlent et font des remarques sur son égoïsme. On lui jette des regards assassins. Il aimerait expliquer qu’il a perdu son travail mais il sent bien que ce serait inutile, que tous les passagers du bus, la ville entière, le pays, ont déjà une opinion sur son compte.

Ce soir, c’est thon et ravioli.
- Encore, dit sa femme qui voit bien que la famille s’approche dangereusement du précipice.
- Super ! s’écrient les gosses qui ne le voient pas.
- Papa, demain, il me faudra de l’argent pour la cantine.

Il ne répond rien et pas seulement parce qu’il a la bouche pleine de thon. La réserve de boîtes de conserve diminue sérieusement. Et l’argent de la cantine ! Comment faire ? L’inquiétude le réveille en pleine nuit. S’il ne paie pas la cantine, les enseignants et les enfants de l’école sauront que ses enfants sont pauvres. On est vraiment pauvre quand on est incapable de cacher qu’on est pauvre. Ce constat fait fuir le sommeil définitivement. Il se lève et parcourt l’appartement de long en large. Une idée ! Il lui faut une idée !

Ses pas le conduisent à la chambre des gamins. Eux, au moins, ils dorment. Il pénètre dans la chambre en silence. Sur une étagère se trouve la tirelire des gamins en forme de cochon. Ils lui ont dit pourquoi ils économisent mais il a oublié. Un jouet probablement ou un jeu vidéo. Il s’empare du cochon et sort. Attention aux bruits des pièces. En pleine nuit, sur la table de la cuisine, il compte l’argent de ses gosses et respire. Il y en a assez pour faire quelques courses et pour deux, trois jours de cantine.
Le lendemain, il donne l’argent de la cantine aux enfants et s'en va au supermarché.
- Je suis heureuse de vous revoir, lui dit la caissière. Ca fait longtemps.

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Le lendemain quand il pénètre dans le bus, il est accueilli en héros. Des femmes sexy l’embrassent sur les lèvres et des hommes lui tapent dans le dos comme s’ils le connaissaient depuis toujours.
- Hourra !
- Hourra !
- Bravo ! Du fond du bus, le Roi et le Premier ministre s’avancent vers lui.
- Je savais que je pouvais vous faire confiance lui dit le Roi, ému en l’embrassant
- Tu vois que tu peux quand tu veux ! déclare le Premier Ministre.

Devant tant de ferveur, il se sent mal à l’aise mais il a rejoint le clan des consommateurs et c’est bon.

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