Le désir d'être dominé

Poing de vue

Par | Journaliste |
le

Le monde est inquiétant comme une toile de Munch. À quand le cri?... Photo © Jean Rebuffat

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Lecture 2 min.

Un sondage d’opinion, réalisé sur un échantillon assez restreint engendrant une marge d’erreur relativement grande et publié par Le Soir et la RTBF la semaine passée, incite à penser que l’opinion publique belge est dans sa majorité inquiète et inquiétante, prête à mettre son destin dans les mains d’un homme fort, voire à rétablir la peine de mort. Ce repli est perceptible partout en Europe, le royaume du surréalisme ne se distinguant pas beaucoup de ses voisins en la circonstance.

Sans faire plus que mentionner le paradoxe (rouspéter tout le temps et espérer voir arriver un chef du genre ferme ta gueule), il faut bien avouer que le rêve d’une société libre, égale et fraternelle, cette idée du bonheur social dont Saint-Just disait lors de la Révolution qu’elle était neuve en Europe, apparaît encore comme utopique alors qu’on essaie de la mettre en œuvre depuis deux siècles et demi. L’inquiétude générale diffuse est entretenue par la survenue d’événements divers mais effectivement inquiétants, comme une pandémie ou une guerre. Le repli sur soi aboutit vite au manichéisme, même quand il est fantasmé. Les reportages effectués en Alsace, où l’extrême-droite est apparue comme un recours dans des petits patelins charmants où l’on ne croise jamais le moindre immigré, ont bien montré que le sentiment peut être plus fort que la réalité. J’utilise le mot pouvoir car l’inverse est vrai. Où trouve-t-on, d’après le sondage cité, le plus fort pourcentage de gens ouverts et soucieux des valeurs démocratiques? À Bruxelles, où ils sont aussi nombreux que les citoyens tentés par le totalitarisme. C’est que la fréquentation de l’autre est souvent le meilleur moyen de démentir les idées reçues, plus que les exemples de l’histoire ou les déclarations solennelles qui ajoutent à la méfiance de ceux qui n’écoutent pas et qui sont parfois à deux doigts de verser dans l’action violente. Le discours du type «on n’a jamais essayé l’extrême-droite» pullulent parce que les faits historiques sont désincarnés. Comme l’était la bataille de Waterloo au début du XXème siècle, la guerre de 14-18 et ses conséquences ne vivent plus comme des souvenirs personnels dans les générations actuelles, sauf la plus vieille, mais plutôt comme de vagues réminiscences scolaires. Tout cela permet d’ouvrir la voie à un totalitarisme soft dont on peut certes espérer qu’il ne dérivera pas vers le pire – mais on espérait aussi cela du régime de Poutine…

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