Intérêt général et loi du marché

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Photo récente © Jean Rebuffat d'une Mini à l'époque où elle ne pesait que deux tiers de tonne et ne mesurait que trois mètres. Aujourd'hui, question poids, c'est le double et question taille, c'est le tiers en plus.

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Ainsi donc, la mutation vers l’automobile à moteur électrique est-elle engagée. Elle a ses adversaires et ses partisans. Les uns disent qu’elle est chère et que sa fabrication est désastreuse pour l’environnement. Les autres répondent que la priorité est d’arrêter l’orgie de dioxyde de carbone, que cette nécessité est aussi une demande pressante des populations urbaines et que de toute façon, construire une automobile a un coût élevé en matière environnementale. Quant aux aspects sociaux, ils opposent une fois de plus fin du mois et fin du monde: dans les zones rurales mal desservies par les transports publics, la voiture peut être une nécessité et ce sont les plus pauvres qui roulent dans de vieux véhicules.

On peut imaginer une autre opposition, celle qui oppose la loi du marché à l’intérêt général. Qui vend les voitures électriques? Principalement les grands groupes automobiles classiques avec une concurrence de quelques constructeurs émergents, américains ou chinois. Quel est leur but? Sauver la planète ou gagner de l’argent? La réponse est évidente. Et qu’est-ce qui rapporte le plus? Des véhicules lourds, suréquipés, de grande taille et chatouillant agréablement l’ego des acheteurs. Autrement dit, l’électrification du parc automobile – solution dont on peut raisonnablement estimer qu’elle est certes nécessaire mais probablement transitoire, un peu comme la prolongation des réacteurs nucléaires – commence par le haut de gamme, plus rémunérateur. Durant toute son évolution, l’automobile a d’ailleurs manifesté la tendance systématique au toujours plus et à la dérive vers le haut. Les constructeurs disent qu’ils produisent les autos qu’on leur demande, feignant d’oublier la puissance du marketing. Ce qu’ils vendent est aussi ce qu’ils proposent et ce qu’ils donnent envie d’acheter.

Ce qu’il faudrait, ce sont des véhicules légers, faibles consommateurs d’énergie, peu encombrants et sans une autonomie supérieure à 300 ou 350 kilomètres, vendus à des prix raisonnables. Jadis les voitures populaires pesaient nettement moins d’une tonne et il fallait faire le plein souvent; elles ne dépassaient jamais en vitesse de pointe les vitesses maximales permises (quand elles les atteignaient). Il ne s’agit pas d’alimenter quelque nostalgie passéiste, mais plutôt de réfléchir posément. Et d’imaginer par exemple une fiscalité qui n’avantagerait pas les personnes les plus aisées au moment de l’achat et de l’usage d’un gros SUV électrique et qui modulerait les primes en fonction des revenus. C’est en fait le seul levier qui peut réfréner les lois du marché et les contraindre à tenir mieux compte de l’intérêt général.

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