Paroles de rue, paroles d'enfance

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Les jeunes veulent, entre autres, des espaces publics plus accueillants. Photo © G.L.

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Ils parlent, ils marchent, ils affichent calicots et cartons colorés avec leurs mots, leurs dessins, leurs slogans. Ce sont les « paroles de rue » des enfants, des jeunes pour le climat. A côté de cela, il y a les paroles inaudibles des exclus du système comme on dit, des enfants, des jeunes jetés dans les rues à cause de la misère, du racisme, de l’exclusion, de la guerre…

La parole a été donnée à ces rejetés de nos sociétés par Dynamo international – Street workers network dans le cadre du Forum International « Paroles de rue », tenu au cœur de l’Europe dans un bâtiment de la Commission européenne. Au plus près donc des décideurs de notre avenir, qu’il s’agisse de notre survie climatique dans quelques années et de la survie immédiate de victimes de la pauvreté.

Ces décideurs entendront-ils ces paroles ?

Les jeunes nous disent comment ils voient les adultes. Si ceux-ci les traitent avec respect, on peut faire évoluer les situations conflictuelles, ensemble. C‘est cela la richesse du débat.

 Ils veulent des espaces publics meilleurs, des lieux où développer l’entraide et la solidarité, des maisons d’accueil pour jeunes, pour sans abri, pour les personnes harcelées.

Ils veulent plus d’infrastructures comme des toilettes publiques, des bancs, des espaces avec jeux comme le ping pong, des fermes urbaines, des potagers, des lieux de sport, le wifi public.

Ils veulent la rénovation de bâtiments inoccupés pour y loger les jeunes sans abri et tous les autres qui manquent de toit.

Ils veulent une sécurité correcte, la même pour tout le monde et pas d’obstacle dans l’espace public sur la manière de vivre sa religion.

Ils veulent améliorer la situation financière des jeunes en difficulté : école gratuite, logements abordables, aides pour affronter le coût de la vie…

« C’est mieux quand on travaille ensemble », conclut une jeune fille, après cette énumération de propositions concrètes par des jeunes qui vivent ou ont vécu la rue.

Quant à ceux qui les aident à sortir de la misère, des périls de la rue, ce sont les travailleurs de rue. Eux aussi, venus de divers pays, ont énuméré leurs propositions, à commencer par la reconnaissance de leur travail qui est essentiel car ils sont les seuls à pouvoir entrer en contact, en toute confiance, avec ces jeunes rétifs, habitués à la dureté des mesures policières et administratives à leur encontre. Ils veulent pouvoir assurer une véritable éducation sociale dans la rue, qu’il y ait des espaces inclusifs et flexibles pour atteindre ces enfants et élaborer un système éducatif différent pour les plus vulnérables. Ils s’érigent contre les discriminations nombreuses qu’ils constatent, y compris sexuelles. Pour eux, il s’agit de promouvoir réellement l’égalité homme/femme.

Les travailleurs de rue soulignent les difficultés croissantes rencontrées par les réfugiés et les migrants tellement vulnérables, surtout en période de pandémie. Ils veulent des services sociaux plus accessibles et pas uniquement virtuellement par connexion numérique. Dans toute l’Europe, ces personnes de la rue ont des droits et il faut encourager les Etats à les reconnaître, à aider plus particulièrement les femmes sans abri, assurer un service logement sans discrimination, aménager les lieux publics pour les jeunes avec un accueil physique et pas dématérialisé, un accès aux sports, à la culture ; et des espaces drogue accueillant les usagers dans leur globalité et pas seulement au niveau médical.

Directeur de Dynamo international, Edwin de Boevé demande que la Charte sociale européenne soit révisée et adaptée d’urgence et que cette même Europe développe une stratégie de communication directe avec les citoyens européens. Les travailleurs de rue de différents pays veulent en effet une politique basée sur les droits humains plutôt que sur l’assistanat. Ce qui signifie qu’il faut mettre fin aux discriminations LBGT+, celles qui frappent les gens du voyage, les Rroms, etc. Les travailleurs de rue se veulent les défenseurs des droits humains que l’Europe devrait concrètement promouvoir. Aux gouvernements de financer les services sociaux. Et pourquoi ne pas envisager l’instauration d’une instance internationale de suivi et d’évaluation des politiques en faveur des enfants et de leurs droits ?  Connaître ces politiques, échanger les expériences serait en effet profitable pour tous partout dans le monde.

Dynamo International recommande donc à l’Europe, aux gouvernements de proposer dans le cadre de la lutte contre la pauvreté un nouveau socle de protection sociale. Un élément essentiel est l’individualisation des droits. Il s’agit aussi d’apporter une dimension plus humaine au Child guarantee de l’Union européenne. Quant au « housing first », à savoir l’insertion dans la société des plus pauvres, en partant d’un logement et avec accompagnement social, ce système a fait ses preuves. A développer donc. Et enfin, Dynamo International demande que l’on reconnaisse mieux les travailleurs de rue, porte-voix des enfants, de milliers de jeunes victimes de trop de violences, d’abandon, de pauvreté, de la drogue, de la traite des êtres humains.

Ces jeunes qui sont, eux-aussi, l’avenir de notre société. Qui, eux-aussi, occupent la rue pour leur survie alors que d’autres y manifestent pour un avenir meilleur avant de regagner leur maison ou leur appartement si sécurisant.

Il n’y a pas de lutte pour le climat sans lutte sociale, sans combat pour l’égalité et la solidarité, pour les droits humains et plus particulièrement les droits des enfants. Ces enfants qui ont droit à l’expression au droit à la participation, soulignait Bernard Devos, Délégué général des droits de l’enfants en Belgique.

C’est avec eux que nous améliorerons notre démocratie, notre vie commune et notre environnement naturel.

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Après le Forum, les travailleurs de rue ont transformé la place Flagey en espace artistico-ludique et rigolard! Photo © Véronique Vercheval.

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