Le paradoxe de Calvin

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Par | Journaliste |
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Jean Calvin à l'âge de 53 ans. Gravure de René Boyvin.

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Notre liberté c’est notre soumission totale à dieu, disait Calvin. Un discours que l’on entend parmi les plus radicalisés des religions, et notamment parmi les intégristes musulmans violents. Car cette pensée de Calvin est vieille comme le monde : la religion arme de pouvoir, c’est bien connu.

Dominique Ziegler, écrivain et dramaturge suisse, s’est plongé dans l’âme de ce théologien intransigeant du XVIème siècle et a produit un livret interpellant : « Calvin. Un monologue ». Il imagine l’homme érudit, le protestant strict, l’homme de pouvoir soumettant toute une ville à sa loi religieuse, le père aussi, qui pleure son  petit enfant Jacques.

Calvin raconte sa tristesse mais aussi sa croyance absolue en la prédestination : tout est écrit, tout est prévu par dieu. Rien ne sert de pleurer. Il faut obéir aux signes de dieu. Il faut prier, tout le temps. Toute la vie est prière et repentance d’être humain coupable du péché originel. L’homme doit donc être éduqué (conditionné) par la seule lecture des livres saints et ses passions doivent être bridées. Pas de danse, pas de séduction, pas de coquetterie, pas de fêtes… Seuls comptent le travail et la prière.

Et Calvin se montre impitoyable envers ceux qui osent contester sa vision de la foi protestante : il fait exécuter Michel Servet, médecin espagnol et théologien qui conteste l’essence divine de Jésus et la Trinité. Il sera brûlé vif en 1553.

Pour Calvin, nous sommes libres, car nous pouvons distinguer le bien du mal. Mais, écrit Dominique Ziegler, « pour que cette liberté ait un sens, il nous faut nous soumettre. Complètement. Absolument. Sans le moindre atome de compromission. Tous ensembles unis dans la soumission à Dieu, nous pouvons transformer l’histoire de ce monde. »

Le même paradoxe est utilisé dans de nombreuses sectes, dans de nombreux groupes en lutte contre les mécanismes laïcs, démocratiques de nos sociétés sécularisées.

On retrouve cela dans « La route du levant », une pièce de Dominique Ziegler qui met en scène un djihadiste de Daesh, un jeune Français face à un policier âgé, roublard qui l’interroge sur sa vie, ses voyages, ses amis. Il finit par lui faire avouer qu’il est un « émir » de Daesh. Un dialogue hallucinant qui dépeint tellement bien l’absolue certitude qui motive ces jeunes, pas nécessairement paumés, mais en quête d’un absolu qu’ils pensent trouver dans le martyre. La finale nous glace le sang !

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Nous avons été scotchés pendant le déroulement de cette pièce, au Théâtre National grâce à la performance des deux acteurs Jean-Pierre Baudson et Gregory Carnoli. C’était une création du Théâtre de l’Ancre à Charleroi et une mise en scène de Jean-Michel Van den Eeyden. Espérons que cette pièce tournera encore en Wallonie-Bruxelles. (G.L.)

 

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