Plaidoyer pour une protection sociale mondiale

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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L'affiche du CNCD illustrée par Kroll.

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L’Article 22 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) affirme déjà que : « Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays. »

Une déclaration n’a d’autre valeur que morale mais elle sert de fondement à des textes juridiques votés par des institutions internationales et des parlements nationaux. Pourtant, cela ne suffit aux yeux de plusieurs mouvements sociaux et citoyens.  Ils constatent que les trois quarts de la population n’ont pas accès à des systèmes de protection sociale compréhensifs et la moitié de la population mondiale n’a pas de protection sociale du tout. De plus, l’inégalité, la précarité et la vulnérabilité augmentent un peu partout dans le monde.

 C’est ainsi que naquit l’initiative de rédiger une « Charte mondiale sur les droits à la  protection sociale ». Cela s’est passé lors du Forum des Peuples Asie-Europe (AEPF) en juillet 2016, à Ulaan Baator, Mongolie.

Il ne s’agit pas de remplacer mais de renforcer ce qui existe déjà, à savoir le Pacte International sur les droits économiques et sociaux et plusieurs autres traités et conventions aux niveaux régionaux. Les porteurs de ce projet veulent aboutir à une protection sociale « universelle et transformatrice ».

Ils considèrent en effet que l’actuelle  Recommandation de l’OIT (Organisation internationale du Travail) sur les Socles de Protection Sociale est plutôt minimaliste. Ils y décèlent « certaines caractéristiques de l’approche néolibérale de la protection sociale. Elle est largement en faveur de l’économie », disent-ils.

Leur objectif principal est de « promouvoir une nouvelle philosophie de la protection sociale, au-delà des droits traditionnels, englobant les besoins environnementaux et réduisant l’écart inacceptable entre la production et la reproduction. » La protection sociale, selon eux,  « est un commun qui émerge des actions démocratiques et participatives des citoyens qui ont des revendications à l’égard des autorités publiques. » Elle ne peut être un mécanisme de protection du système économique dominant mais elle doit être « transformatrice », à savoir « contribuer à un meilleur système de production et à la soutenabilité de la vie. Nous voyons la protection sociale comme un effort démocratique et collectif pour donner à tous et à toutes une vie en dignité. » Là, on rejoint les articles de la DUDH fondatrice de notre morale universelle.

A réfléchir et à discuter par tous les mouvements sociaux qui travaillent pour la justice sociale et la solidarité,  en ces temps troublés où les attaques contre les systèmes de sécurité sociale se multiplient même dans les pays riches comme les nôtres.

Voici les principes essentiels de ce projet de Charte universelle :

1. Intégrer le droit à la protection sociale à la législation et les lois nationales

Les autorités nationales ont la première responsabilité de garantir la protection sociale. Celle-ci devra être basée sur les droits et organisée dans un but non lucratif. Tous les pays doivent ratifier et respecter les traités y afférents et intégrer le droit à la protection sociale à leurs lois nationales

2. Respecter les normes fondamentales du travail et éliminer toutes les discriminations

Les systèmes de protection sociale doivent comprendre les normes fondamentales du travail de l’OIT, un niveau adéquat de salaires décents, ainsi que des niveaux de revenu minimum. Ils devront éliminer toutes les discriminations basées sur le genre, la race, l’ethnicité, la nationalité, la religion et l’orientation sexuelle. Elles devront inclure un ensemble de services sociaux, tels que le droit à l’eau, à l’éducation, aux transports en commun, à l’énergie et à la communication au logement, à la formation professionnelle, etc.

3. Garantir des mécanismes de financement basés sur la solidarité pour une protection sociale universelle

Même les pays les plus pauvres peuvent se permettre une protection sociale à condition d’avoir la volonté politique. Les ressources nécessaires pour un système de protection sociale bien développée devront être procurées par les niveaux national et international. Cependant, des politiques fiscales injustes, aux niveaux national et international réduisent la capacité des pays d’investir dans la protection sociale et les services sociaux essentiels. Davantage de coopération internationale sera nécessaire pour mettre fin à ces tendances destructives.

4. Impliquer les citoyens et les mouvements sociaux dans le développement et la gouvernance des systèmes de protection sociale

La conception, le développement, le contrôle et l’évaluation des politiques nationales et internationales de protection sociale devront faire l’objet d’un processus participatif, inclusif et démocratique. Les organisations sociales, tels les syndicats, les mutuelles pour la santé basées sur la solidarité, les organisations des paysans, des petites entreprises, du secteur informel et des travailleurs du secteur domestique savent mieux que quiconque ce que sont les besoins réels des gens. Un dialogue social structurel peut contribuer à créer un support public aux systèmes de protection sociale.

5. Suivre des politiques cohérentes pour renforcer la protection sociale aux niveaux national, régional et international

La protection sociale fait partie du processus de reproduction et ne peut être dissociée du processus de production, les deux étant orientés vers la soutenabilité de la vie. Par conséquent, les politiques publiques dans tous les secteurs ont un effet sur la capacité des pays de construire des systèmes de protection sociale englobant et universels, tels que les politiques environnementales et agricoles, les accords de libre-échange et d’investissement, etc. Les organisations financières et la coopération internationale en général ont une responsabilité énorme pour faciliter la tâche des Etats de procurer une protection sociale à tous/toutes.

- Les personnes qui ont travaillé à cette initiative sont (en leur nom personnel et par ordre alphabétique) : Maris de la Cruz, Manila, Network for Transformative Social Protection; Armando De Negri, Sao Paulo, Forum social mondial sur la Santé et la Sécurité sociale; Koen De Tavernier, Brussels, Solidarité mondiale; Tina Ebro, Manila, Network for Transformative Social Protection; Chandan Kumar, New Delhi, Action Aid India; Meena Menon, New Delhi, chercheure; Francine Mestrum, Brussels, Global Social Justice; Lidi Nacpil, Manila, Alliance contre les Inégalités.

Qu’en est-il en Belgique ?

Voyez cette vidéo produite par le CNCD : « Providence, notre protection sociale en jeu ».  Et la campagne lancée par le CNCD et plusieurs ONG et syndicats. Plus de 1,5 million de personnes vivent chez nous dans la pauvreté. Appel est donc lancé auprès des décideurs politiques belges pour renforcer la protection sociale. « Ils doivent plaider activement pour un pacte européen harmonisant les systèmes de protection sociale vers le haut. Ils doivent enfin s’assurer que les accords de commerce et d’investissement internationaux, les traités fiscaux et les conditionnalités des institutions financières internationales n’affaiblissent ni n’empêchent le développement de la protection sociale ».

http://www.bienvenueaprovidence.com/DOCU/providence-docu.html

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