Habiter, c’est un droit

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Manifestation pour le droit au logement à Bruxelles, Place du Jeu de Balle, en mars 2023. Photo G.L.

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« Simona, Jules, Sofie ou Mohammed… Autant de façons d’habiter la ville, de subir ou de résister, de survivre ou de s’adapter. »

Voici un événement qui résume parfaitement l’action et la philosophie du Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat (RBDH), qui célébrera le 30 mai, son 25è anniversaire. Mais avant cela, ce 24 avril, à COOP, il propose aux citoyens une expérience d’empathie avec des personnes confrontées au mal logement, et ce dans le cadre d’une installation itinérante. A travers ces témoignages, on peut mieux « appréhender les enjeux sociétaux et les changements qui modifient lentement mais profondément notre capitale. Ils et elles témoignent, se confient, partagent leur expérience. », explique le RBDH.
Par l’audio, sont traduits de façon plus humaine les chiffres, statistiques ou autres données cartographiées de l’état du logement à Bruxelles aujourd’hui. «Nous ne vous parlerons pas de 5.313 personnes sans abri mais de Jean-Michel. Il ne s’agit pas de 8.300 logements déclarés insalubres mais de l’appartement de Simona… » https://fb.me/e/6tbs1FgYu

La dynamique d’une soixantaine d’associations

Voilà une belle façon de découvrir cet ensemble d’une soixantaine d’associations qui, chacune avec sa vision, son expertise, son innovation sociale et son dynamisme, essaient d’apporter des solutions à ce grand problème qu’est le logement décent pour les Bruxellois. http://rbdh-bbrow.be/membres/

Il est enthousiasmant de constater le dynamisme, l’intelligence, la jeunesse des membres de ces diverses associations qui trouvent au RBDH une plateforme de réunion, d’expression, de confrontation des idées et des pratiques sur le terrain afin d’introduire un meilleur plaidoyer auprès des pouvoirs publics.

La preuve, période électorale oblige, son Mémorandum 2024 où l’on rappelle les fondamentaux de la crise du logement, touchant principalement les 60 % de Bruxellois qui sont locataires dans un parc de logements vieillissants et sont confrontés à des loyers sans cesse en hausse. Pour les plus pauvres, les loyers représentent jusqu’à 70 % de leur budget. La moyenne est de 35 % . Les risques d’endettement, d’exclusion sociale, d’effet sur la santé, croissent. La pénurie de logement social est telle que cette option ne suffit plus depuis des décennies et qu’il faut envisager une large panoplie de mesures visant à maîtriser les loyers, à améliorer les logements, à aider les locataires les plus démunis notamment par le bais des agences immobilières sociales, à loger les sans abris...

Un mémorandum en dix points

Voici les dix points fondamentaux analysés par les 61 organisations membres du RBDH et proposés aux pouvoirs publics.

- Le droit à un revenu décent pour toutes et tous. Cela suppose l’augmentation des revenus les plus bas ; la suppression du statut de cohabitant ; la réforme de la fiscalité immobilière à savoir la taxation des loyers réels.

- La baisse des loyers car ils ont augmenté de 20 % et dix ans. Cela doit s’accompagner de mesures régionales qui découragent les pratiques spéculatives.

- Création d’une banque-carrefour des logements où l’on pourrait rassembler toutes les informations sur les logements consultables pour un candidat locataire ou acquéreur: loyer (réel et indicatif), superficie, année de construction, certificat PEB, contrats de bail enregistré, etc.

- Une ville durable qui profite à toutes et tous. Mais l’efficacité énergétique devenue obligatoire ne peut produire une flambée des loyers et les risques d’éviction des locataires.

- Du logement social en nombre. Or, on n’en produit que 200 par an alors que des dizaines de milliers de familles sont en demande. Une des mesures serait la mobilisation des terrains publics pour y construire prioritairement du logement social. La promotion immobilière privée, qui construit plusieurs milliers de logements par an, doit être mieux encadrée et contrainte à produire aussi du logement social, que ce soit en construction neuve et en reconversion du bâti existant. Parallèlement, il faut rénover et améliorer énergétiquement le patrimoine social existant : 23.000 logements sociaux sont trop énergivores et 7 % sont inhabitables.

- Régularisation des personnes sans-papiers. Ils seraient 112.000 en Belgique dont environ la moitié à Bruxelles et confrontés à une politique de non-accueil scandaleuse et inhumaine. Pour eux, une régularisation collective s’impose ainsi que l’adoption de critères de régularisation clairs, équitables et permanents.

- Fin du sans-abrisme. En 2022, 7.134 personnes sans-abri et mal logées ont été recensées à Bruxelles (4 fois plus qu’en 2008!) Le RBDH plaide pour l’instauration - à titre transitoire - d’un quota d’attributions prioritaires dans le logement social et les autres parcs publics. De plus, l’ensemble des AIS (agences immobilières sociales, gérant du patrimoine privé) devrait conventionner en faveur des publics les plus précaires. Il s’agit d’un défi humanitaire à relever d’urgence.

- Pour une justice plus accessible et plus juste. Il est très difficile pour un locataire démuni de faire valoir ses droits en justice de paix. Le RBDH plaide donc pour que l’on autorise les associations à assister les locataires en justice ce qui réduirait le nombre de jugements par défaut. Quant aux baux à loyer, les décisions de justice sont prises par un juge unique. Il faudrait s’inspirer du modèle paritaire en cours dans les tribunaux du travail.

- Lutter contre le non-recours aux droits sociaux. Il semble que plus de 50 % des ayants droits ne demandent pas leur revenu d’intégration sociale, par manque d’information et par manque d’accès aux services publics. Il faut donc une simplification administrative, l’automatisation des droits, le renforcement des guichets physiques et des services téléphoniques de qualité.

- Stop à la précarisation de l’associatif. On le voit, les associations remplissent un rôle social indispensable et complémentaire de celui des services publics. Or, elles sont de plus en plus précarisées : les subsides structurels ne couvrent pas toujours les salaires et les subsidiations à court terme ainsi que le financements à coups d’appels à projet forcent les associations à s’adapter aux priorités imposées par les pouvoirs publics et à se mettre en concurrence entre elles. Soutenir cette expertise et ces actions des associations renforce la justice sociale et pose l’effectivité des droits au centre du débat citoyen.

Notre urbanité

Nous voilà donc en plein exercice d’« urbanité ». Ce terme, nous l’avons évoqué dans notre précédent article sur l’histoire d’Inter-Environnement Bruxelles. Voici comment il est expliqué par René Schoonbrodt et Luc Maréchal dans leur essai « La ville, même petite » :

« Existe-t-il des formes de villes qui produisent des effets démocratiques, qui donnent du pouvoir aux habitants au-delà des inégalités de formation et de fortune ? {…} Certaines formes de ville sont-elles plus que d’autres susceptibles d’aider au dépassement des handicaps économiques et sociaux qui excluent une partie importante de la population de toute maîtrise sur elle-même et sur la société ? {…} Cette recherche de la liberté et de l’égalité suscite des conflits qui traversent la société globale et qui ont pour objet la ville elle-même. Mais la gestion des conflits est « urbaine » quand elle respecte les droits d’autrui. Dans la ville, l’éthique des conflits grands et petits s’appelle l’urbanité. »

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- René Schoonbrodt, Luc Maréchal. « La ville, même petite ». Bruxelles. Editions Labor (Quartier libre). 2002.

https://www.entreleslignes.be/humeurs/inter-environnement-bruxelles-50-ans-de-luttes-des-habitants/

Le 24 avril, Infirmiers de rue présente des outils pédagogiques en lien avec le sans-abrisme.


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