La marche du citoyen vers le politique

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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La République française s’est mise en marche, mais avec qui et vers où ? L’histoire le dira. Ce qui est certain, c’est qu’on assiste à une étape décisive d’un processus qui mûrit depuis de nombreuses années déjà : la marche de citoyens qui se sont indignés, qui rêvent d’un autre monde possible, qui affrontent Wall Street, qui se tiennent debout des nuits entières avant de se mettre en marche.

Un mouvement que nous connaissons bien en Belgique francophone avec les alternatives wallonnes et bruxelloises (http://www.saw-b.be), avec les mouvements tiers-mondistes qui ont analysé la mondialisation néolibérale et mobilisent les citoyens contre son emprise sur le monde économique, avec l’apport des syndicats qui luttent à la fois à l’échelle locale et européenne, ce qui est épuisant mais essentiel. Bref : ces « mouvements sociaux et citoyens », une appellation que nous préférons à celle, plus vague et ambigüe de « société civile », qui prennent part, concrètement, à la vie politique.

C’est bien ce que souligne sans cesse Paul Magnette, ministre-président de la Wallonie, un bel exemple pour le nouveau président français lorsqu’il s’agit d’associer les citoyens à la politique : dans son livre « CETA, quand l’Europe déraille », il détaille comment « la mobilisation large d’une société civile, entendue et portée par son Parlement et son gouvernement, peut forcer les institutions européennes à sortir de leur routine et ouvrir un dialogue ». « La Wallonie n’a pas cherché cet affrontement mais elle a entendu les craintes légitimes d’une société civile active et a respecté les droits d’un Parlement. Elle ne s’est pas battue pour des intérêts locaux mais pour des principes et toute l’Europe bénéficiera des concessions qui lui ont été faites ». Rappelons que ces négociations ont abouti à un texte interprétatif et juridiquement contraignant qui précise et corrige le traité sur des questions essentielles. Des mouvements sociaux et citoyens ont participé à ce travail démocratique en informant les parlementaires, en analysant avec eux les aspects les plus techniques de ces dossiers terriblement complexes et opaques. (1)

Emmanuel Macron pourrait s’inspirer de cet exemple de « marche républicaine » vers plus de justice sociale et économique qui ne peut que grandir une Europe rénovée. Lui et de nombreux jeunes qui ont constitué son mouvement.

Le défi est immense. Il suppose que, en Europe, les forces politiques progressistes se rénovent elles-aussi, qu’elles retrouvent le dialogue avec les citoyens et notamment les syndicats (qui doivent eux-mêmes se moderniser et s’épauler dans les luttes sociales à l’échelle européenne et même mondiales autant que locales).

Ainsi que l’explique le philosophe et analyste politique Vincent de Coorebyter (ULB) : « la fraction la plus dynamique et la plus inventive de la société concurrence en quelque sorte le monde politique… Tout en restant en marge du système. » « La double logique des mouvements citoyens pose problème. Ils sont prêts à sacrifier du temps et de l’énergie à chercher des synthèses improbables. Sans volonté de réinvestir la politique. Ces pratiques alternatives peuvent s’avérer efficaces, mais jusqu’à un certain point car elles n’agissent pas au cœur du système. » (2)

« Engagez-vous », disait Stéphane Hessel, chantre de l’indignation constructive. C’est le moment : la politique en a besoin.

1. Paul Magnette. « CETA. Quand l’Europe déraille ». Luc Pire éditions. 2017

2. « La fin de la démocratie », Alain Eraly, Vincent de Coorebyter. Entretien : Philippe Engels et Quentin Noirfalisse. Médor n°6. Printemps 2017.

Vox populi…

Souvenez-vous : une initiative citoyenne européenne « Stop TTIP » avait recueilli plus de 3 millions de signatures dans divers pays européens. La Commission européenne avait refusé d’enregistrer cette ICE, en 2014, et cela en pleine négociation du projet de traité transatlantique avec les Etats-Unis. Le Tribunal de l’Union européenne vient d’annuler cette décision de la Commission. « Cette proposition ne constitue pas une immixtion inadmissible dans le déroulement de la procédure législative, mais le déclenchement légitime d’un débat démocratique en temps utile », résume le tribunal.

Merci à la justice de reconnaître la vox populi qui, dans ce cas, n’avait rien de « populiste » au sens négatif du terme.

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