Ces jeunes qui fabriquent notre avenir

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Un petit condensé de Fabrique de Soi à Tubize. Photo Gabrielle Lefèvre

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Ces enfants, ces jeunes nous regardent avec humour et tendresse. Ils partagent avec nous leurs créations solitaires et collectives, leurs coup de gueule, leurs déclarations d’amour à la vie, à la fraternité, à l’égalité. Quinze ans qu’à La Fabrique de Soi, se tissent des liens forts entre jeunes et éducateurs, artistes, parents et amis de ce service local de Laïcité Brabant wallon. Quinze ans de pépites d’art issues de la créativité d’enfants, d’ados qui ne se sentaient plus bien dans l’école ni  dans ce monde trop dur pour certains. Alors, avec l’équipe de la Fabrique de Soi, ils se créent de nouveaux liens avec la société en explorant par la création artistique des thèmes parfois très complexes comme l’amitié, l’adolescence, l’environnement, les solidarités, les migrations. Et puis, ils osent exposer cela aux parents, aux amis. Ils se recréent dans le regard des visiteurs des expositions. Ils enrichissent ceux qui viennent les voir grâce à leurs messages ludiques, colorés, impertinents, libres.

C’est bien cela le but de l’équipe de la Fabrique de Soi : privilégier « l’entraide, la coopération, l’expression et l’autonomisation de chacun dans le respect de ses potentialités », ainsi que l’écrit Anne Beghin, coordinatrice de cette association nichée à Tubize.

Quinze ans, cela vaut une compilation des œuvres des jeunes titrée « Quand les jeunes s’expriment », « La créativité et l’expression au service de l’émancipation », émaillées de textes de professeurs, de philosophes, d’artistes. Parmi eux, Bernard De Vos, délégué général aux droits de l’enfant souligne : « Mais le regard original que ces jeunes portent sur notre monde, naturellement et sans censure, fournit aussi des pistes originales pour un monde plus humain et plus juste. »

Et pourtant, ils s’engagent !

Les jeunes vont-ils changer le monde ? Nombre d’adultes et personnes âgées déplorent un apparent manque d’engagement des jeunes notamment en politique et de collaboration avec les actions sociales et solidaires lancées par diverses associations. Et pourtant, les jeunes s’engagent. Mais autrement que les plus anciens. La démonstration nous est donnée par Annabelle Duaut dans le « Calepin » de septembre 2018 édité par Laïcité Brabant wallon ». Elle y compile plusieurs études réalisées ces dernières années. Et oui, on constate que 90% des répondants n’ont pas confiance en la politique. Et on les comprend vu la complexité des problèmes et l’opacité du fonctionnement. La révélation des problèmes et scandales divers est le signe d’une plus grande transparence du fonctionnement du système politique et cela devrait réjouir tous les démocrates. En attendant, cela a drainé le vote des jeunes vers des partis comme Ecolo et le PTB, annonçant qu’ils veulent faire de la politique « autrement ».

Cela démontre ce que les études révèlent : les jeunes suivent de près ce qui se passe dans la cité en pianotant sur leurs smartphones et en échangeant des infos sur leurs réseaux divers. « 20% d’entre eux se prononcent de façon positive et volontariste en ce qui concerne la mobilisation pour une cause », analyse l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la jeunesse (OEJAJ) sur base de deux enquêtes réalisées auprès des 12-16 ans et des plus de 18 ans. 60% des jeunes estiment cependant que se mobiliser est respectable mais chacun doit rester libre de s’engager ou non. Notons que les filles sont plus enclines à s’engager concrètement que les garçons.

Et s’engager, c’est d’abord parler autour de soi des actions d’engagement, signer des pétitions, en faire ses études ou son métier, participer aux actions d’un groupe, essayer de convaincre des inconnus, aller manifester, donner de l’argent. Pour chaque action proposée, au moins 25% des jeunes se disent prêts à se mobiliser, surtout s’il s’agit d’en parler autour de soi et beaucoup moins s’il s’agit de manifester. Pour eux, l’engagement ne se fait pas en marchant dans les rues  mais en tweetant (et autres messageries), en pratiquant de la solidarité et du caritatif, en participant à des organisations de jeunesse et même, pour 7% d’entre eux, en se syndiquant ou en s’affiliant à un parti politique. Les jeunes veulent du concret, du ponctuel et zappent d’un engagement à l’autre selon leur révolte, leur sensibilité, leurs rêves du moment. Ils polémiquent sur le net, signent des pétitions, discutent et critiquent les « fake news ». Bref, ils incarnent l’ère du cybermilitantisme et s’investissent dans la sphère associative et notamment, en Belgique, dans les mouvements de jeunesse. Ils s’engagent comme bénévoles dans des actions sociales, beaucoup aident des proches en situation de dépendance, ils se mobilisent pour le climat.

Il nous faut donc changer notre regard sur ces jeunes et reconnaître leurs nouvelles formes d’action dans la société. Nous en avions déjà donné un aperçu avec l’étude sur les jeunes philanthropes, qui recoupe assez bien les constats des études présentées par Annabelle Duaut dans « Calepin ». La complémentarité des engagements, la coopération entre formes anciennes et traditionnelles de mobilisation représentent l’avenir de nos luttes pour un monde plus juste et solidaire.

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Dossier Jeunes et engagement, Calepin n°91, septembre 2018. Ed. Laïcité Brabant wallon.

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