Une idée encore neuve

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Métaphore de la fugacité et de la fragilité, la bulle de savon... Photo © Jean Rebuffat

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On dit partout que le Covid-19 est le fossoyeur de l'économie et c'est évidemment une cause mais ce n'est pas la seule, loin s'en faut. Comme dans toutes les crises, d'ailleurs, il y a des gagnants et donc des secteurs en expansion qui embauchent. L'emploi, par essence, est labile, ce qui est souligné par les employeurs et ce qui a provoqué bien sûr en réaction toute une série de mesures destinées à protéger tant soit peu les travailleurs. L'emploi est labile pour toute une série de raisons, certaines bonnes, d'autres mauvaises (voire scandaleuses). On notera qu'il y a toujours un effet retard, un temps de latence, entre la constatation d'une crise sectorielle et les adaptations nécessaires, que la cause de la crise, du reste, soit un déclin intrinsèque ou le désir de plaire aux actionnaires et de s'enrichir.

Les drames personnels sont immenses et il n'est pas question ici de les minimiser. La fin du mois est plus proche que la fin du monde. Cependant on regarde s'effondrer des pans entiers de l'économie comme on regarde la banquise disparaître et les eaux monter. Le premier réflexe est celui de la digue. On subventionne. Il est amusant de souligner que les détracteurs des pouvoirs publics, jugés inefficaces, lourds, bureaucratiques, bref accusés de tous les maux, sont généralement les premiers à s'adresser à eux quand tout va mal. Le problème est que ce qu'on ne parviendra jamais à faire, c'est ressusciter ce qui est mort. En prolongeant ce qui est moribond, on transforme en agonie style Franco des disparitions ou des diminutions inévitables. Les employeurs agitent alors, pour obtenir des aides publiques, le spectre des emplois à sauver. Les bénéfices et les plus-values s'envolant, à la solidarité de prendre le relais! Tout le monde sait, cependant, que pas plus que les téléphones à manivelle n'ont survécu au XXème siècle, les moteurs thermiques ne survivront au XXIème. Tout le monde se doute que des secteurs comme l'aviation ou la construction navale sont surdimensionnés. Que faire, alors? Certes aider les gens mais aussi réfléchir à plus long terme que la fin de la crise. Bien des citoyen.ne.s, aujourd'hui, n'aspirent qu'à une chose: que tout recommence comme avant. Ce n'est pourtant pas possible. Pour deux raisons majeures. La première, les faits sont têtus et la planète reste en grand danger global. La crise sanitaire a démontré par l'absurde que dès que nos excès s'amenuisent, la Terre se porte mieux. Il faudra bien, qu'on le veuille ou non, se souvenir de cette priorité qui durera infiniment plus longtemps qu'un confinement. Dans cet esprit, il vaudrait peut-être mieux cesser de construire des paquebots de croisière (ce n'est qu'un exemple) même si cela donne du travail à quatre mille personnes pendant cinq ans. On a raison d'insister: pour l'attribution d'un marché, il ne faut pas se baser seulement sur le moindre prix mais aussi sur l'empreinte écologique et le caractère éthique. Et cela rejoint la seconde raison: on sent bien qu'une partie de plus en plus grande de l'opinion publique souhaite de vrais changements. Les injustices du monde et les injures à la nature sont de plus en plus ressenties, confusément ou précisément. Ce n'est pas tant de lendemains qui chantent dont l'humanité a besoin mais de perspectives qui ne soient pas toutes sombres. Les rêves d'avant-hier, aujourd'hui, il faut les repenser, ce qui ne veut pas dire les mépriser ou les oublier. Mais la croissance économique n'a pas abouti à la croissance du bonheur. C'est Saint-Just qui disait que le bonheur était une idée neuve en Europe. Elle n'est donc pas si vieille. L'objectif reste bon mais on ne s'y est pas pris de la façon la plus adéquate – et à présent, au lieu de nous lamenter sur ce qui nous arrive et sur où nous en sommes, nous devrions profiter du choc qui nous a arrêtés pour en adopter une plus juste et plus efficace. Certains diront que c'est échanger le grand soir contre une bonne journée. Mais le grand soir au crépuscule de l'humanité a-t-il encore un sens?

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