"Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens"

Barcelone vient de s'ajouter à la longue liste des villes victimes du terrorisme aveugle dont, depuis Nice, on sait que la camionnette bélier est devenue l'arme de prédilection. Une ville symbole, certes, mais quelle sera la prochaine étape? Le principe même du terrorisme est une lapalissade: il faut terrifier, terroriser, traumatiser. Les cibles sont de plus en plus variées et de moins en moins déterminées, sauf en France, où le mot d'ordre – pour autant qu'il y en ait un – semble être de viser militaires et policiers.

Mais décrire le principe ne suffit pas. Quel est le but du terroriste? Gardons-nous de toute simplification et méfions-nous des réponses automatiques comme «S'en prendre à notre mode de vie». Il y a certes de cela aussi. L'idéologie islamiste s'appuie sur une vision extrême d'une religion et cette vision théologique totalitaire est en effet à l'opposé de nos valeurs et de notre mode de vie. Elle vise à reconquérir le pouvoir et les territoires. Exactement comme la Reconquista qui a finalement chassé l'islam d'Espagne au XVème siècle. La différence c'est que depuis deux siècles et demi, notre idée de la cité s'est laïcisée. Nous ne voulons plus qu'un dieu quelconque nous dicte quoi que ce soit, qu'il existe ou non, cette question-là devenant de l'ordre du privé.

Le problème vient d'une part que tout le monde, ici même, ne partage pas entièrement cette tendance. Les religions, quelles qu'elles soient, se mêlent de la vie des gens; elles édictent des règles et même quand elles finissent bon gré mal gré par entrer dans le moule du pluralisme et de la tolérance, ce n'est qu'à regret. Pour prendre l'exemple de la religion catholique, pourquoi y a-t-il encore des partis démocrates-chrétiens? Elle a agi comme toujours dans l'histoire de la chrétienté: en s'insérant dans des structures sociales ou mentales existantes. Elle a désormais phagocyté les droits de l'homme qu'elle a si longtemps combattus. Les religions apparaissent comme un recours ou un refuge pour les laissés pour compte, les broyés, les inadaptés d'un système qui proclame l'égalité mais qui ne la pratique qu'imparfaitement: elles leur donnent une reconnaissance, une dignité sociales. À cela s'ajoutent des raisons personnelles. Les situations guerrières ont souvent vu fleurir des héros qui en temps ordinaires auraient été des salauds. Le grand banditisme français a fourni des éléments à la Résistance... Il y a une convergence indéniable entre la déviance sociale, la délinquance et le terrorisme. Penser qu'on peut éradiquer le terrorisme par le fer et le feu est un peu court. Hélas, il est également à craindre que même si nos sociétés proposaient un véritable avenir à tous, cela ne ferait que diminuer sans la supprimer cette tendance à chercher parfois dans l'extrême et la provocation la solution à des frustrations qui peuvent être simplement individuelles. Et la radicalisation offre cet avantage de proposer à celles et ceux qui la choisissent un système valorisant qui en plus leur promet une félicité éternelle. Cette promesse, comme les autres, n'engage que ceux qui y croient, mais étonnez-vous dès lors si le célèbre «Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens» est encore si populaire.