Les poussières de la chute du mur

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Capture d'écran du site ina.fr. Le début du concert improvisé passa en direct et de manière impromptue durant le journal télévisé de 13 heures sur France 2 le 11 novembre 1989.

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La manie des chiffres ronds poussant naturellement le monde à se pencher sur ce qui s'est penché le 9 novembre 1989, la chute du mur de Berlin, voici trente ans, occupe une bonne place dans les médias, et à juste titre, car ce fut un événement historique symbolique, qui cristallisa une situation qui pourtant n'était pas née de la veille.

Cette folle soirée avait été précédée d'événements qui n'ont pas la même acuité dans le souvenir des contemporains mais qui l'ont rendue possible, à commencer par cette première déchirure dans le rideau de fer commise à la frontière austro-hongroise. La Hongrie commença à démanteler celui-ci le 2 mai 1989, suite à un accord avec l’Autriche passé le 13 février de cette même année. Les ressortissants est-allemands qui tentent de franchir la frontière ne sont plus remis aux autorités de la RDA. C'est le début d'un flux qui va s'amplifier considérablement, encouragé en sous-main par la RFA qui alloue des crédits à la Hongrie. Deux cent mille Est-Allemands passèrent leurs vacances d'été, en 1989, en Hongrie, et une partie importante d'entre eux ne rentrèrent jamais à domicile. À Budapest, à Prague et à Varsovie, des citoyens est-allemands se réfugient à l'ambassade ouest-allemande par centaines. L'hémorragie est désormais considérable et s'accroît chaque mois (en octobre 1989, 57.000 citoyens est-allemands arrivèrent en RFA) tandis qu'en Allemagne de l'Est et dans les pays frères, comme il était dit à l'époque, les pouvoirs en place sont débordés par des manifestations bien plus impressionnantes que celles qui avaient secoué la Pologne au début de la décennie, avant la reprise en main de Jaruzelski. Tout cela sans que Moscou, où Mikhaïl Gorbatchev laisse faire, n'intervienne le moins du monde.

En réalité, la marée montait et ce qui s'est passé le 9 novembre 1989 fut la rupture symbolique de la digue à l'endroit où elle était la plus visible.

Incrédule d'abord et rapidement enchanté, le monde libre pensa que la démocratie allait s'installer partout et qu'une nouvelle ère pouvait s'installer. Il est vrai qu'il n'y eut plus jamais d'intervention soviétique, que les précédents hongrois ou tchécoslovaque avaient fait redouter, et qu'il n'y en aurait plus jamais, et pour cause: l'URSS n'allait survivre que deux ans à cet instant jubilatoire. Mais pour le reste, les espoirs d'un mieux général, dans un monde unipolaire et ultralibéral, ont été copieusement douchés. Et si l'image de Mstislav Rostropovitch jouant devant le mur en déconstruction est et reste belle, si les moments d'espoir valent la peine d'être rappelés et si l'on peut légitimement se réjouir de la chute d'un totalitarisme, l'histoire nous a aussi remis en mémoire, cette fois-là, qu'elle n'est jamais finie, hélas, et que ceux qui pensaient comme Rostropovitch que le communisme à la soviétique était là pour mille ans, s'ils se trompaient, ont aussi dans les yeux la poussière rémanente de la chute de ce mur qui leur fait pleurer les illusions perdues d'un monde qui serait à la fois libre et juste.

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