Les élections désenchantées

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Photo © Jean-Frédéric Hanssens

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En théorie rien n'est mieux qu'une élection. C'est la clef de voûte de ce système dont on dit qu'il est le pire, à l'exception de tous les autres: la démocratie. Mais le système tourne en rond. Les élections font peur aux élus, les élections ennuient les électeurs. Six exemples au menu de la semaine: la Belgique, la France, les États-Unis, l'Autriche, l'Espagne et l'Italie.

Certes tous ces exemples ne sont-ils pas du même niveau. Allons des plus petits aux plus grands. En Italie, c'est la maire de Rome, Virginia Raggi, élue triomphalement, qui voit désormais de très près la différence entre la théorie et la pratique: elle ne trouve même pas du personnel pour l'épauler et trouve une majorité d'ennemis dans son parti, le mouvement populiste cinq étoiles. Comme quoi on peut obtenir les deux tiers des voix et n'en rien pouvoir faire. En Belgique, le patron du parti le plus puissant, Bart De Wever, annonce une sorte de chantage sous la forme d'une alternative étrange, qui par parenthèse démontre le côté hétéroclite de son mouvement, constatation valable également pour les cinq étoiles italiennes: si l'électeur l'oblige à parler avec le PS, il ressortira son programme communautaire; sinon, il poursuivra la politique très droitière actuelle. On le voit: l'un des problèmes des élections, c'est que l'enjeu est simplifié.

En Autriche, on reporte le troisième tour, en fait la répétition du deuxième tour de l'élection présidentielle qui a vu s'opposer un candidat de la droite extrême, pour rester euphémique, Norbert Hofer, et un improbable écologiste, Alexander Van der Bellen, qui l'avait emporté de tellement peu que le moindre prétexte avait bien entendu suffi pour annuler le résultat. Le luxe de précautions est tel qu'on a dû retarder au 4 décembre la réélection pour une affaire de qualité technique de la colle des bulletins de vote par correspondance... Depuis les fiches bombées de l'élection Bush-Gore aux États-Unis, on n'avait plus vu ça. L'un des problèmes des élections, c'est que l'erreur est humaine et que si l'on considère la marge d'erreur à un pour cent mille, si c'est cet électeur là qui est décisif, rien ne va plus.

En Espagne, la chambre est introuvable. Comme les délais pour former une majorité sont fixés et assez brefs, l'effet pervers est saisissant: au lieu de faire pression sur les responsables politiques pour trouver une solution, cette hâte a déjà amené à revoter pour rien et cela risque de se reproduire. Le recours à l'électeur finit par être une porte de sortie pour les élus et être ressenti comme une punition par le citoyen de base. L'Espagne est en affaires courantes et regarde le record belge en se demandant si la précaution prise pour éviter l'écueil ne va pas y amener le pays. La démocratie est parfois absurde, outre d'être tatillonne et simpliste, mais là où l'on se pose le plus de questions, c'est en France et en Amérique. Là, le pouvoir est incarné en un seul être: le président (jusqu'ici, pas de présidente...). Et les opinions publiques y ont le sentiment que les finalistes ne sont pas ceux dont ils rêvent. Or pourtant les candidats ne sont plus autoproclamés mais déjà choisis à la base par leur camp. Ni Trump ni Clinton, ni Sarkozy ni Hollande: il y a quelque chose qui fonctionne mal et qui aboutit à finalement voter contre le candidat le plus détestable (dans ce cas, Clinton contre Trump et Hollande contre Sarkozy, ai-je besoin de le préciser!). La démocratie est extrêmement frustrante et à celles et ceux qui sont tentés par le politique du pire, Virginia Razzi est là pour démontrer qu'en effet, la politique du pire, elle est encore pire que la politique.

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