La magie des jeux, la manie des dieux

Poing de vue

Par | Journaliste |
le

Capture d'écran du site liberation.fr

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Il n'est un secret pour personne que le sport attire les foules depuis quelque chose comme deux millénaires et demi et il n'est pas anodin que la récolte de médailles de Michaël Phelps a poussé les spécialistes à se souvenir de Léonidas de Rhodes, qui, deux siècles avant l'ère chrétienne, avait amassé douze médailles d'or en quatre olympiades. Qu'il s'agisse de gloire, de spectacle, de guerre sublimée ou d'intérêts économiques, le sport est un phénomène humain majeur qu'il n'est ni vain ni intéressant de décortiquer. Alors que sur les plages françaises, on commençait à proscrire le burqini (ou burkini, l'orthographie varie, c'est la glorieuse incertitude du sport, probablement), à Copacabana s'affrontaient des équipes de beach volley. Et si ce sport connaît son heure de gloire tous les quatre ans, la plastique des joueuses hypersexualisées n'y est pas pour rien. L'image de l'équipe égyptienne, en tenue longue, face aux bikinis allemands, a fait le tour du monde, symbolisant pour les uns (et les unes) l'asservissement de la femme et pour les autres l'esprit de tolérance.

C'est plutôt amusant car si effectivement, la tenue longue a été admise, c'est aussi qu'à Londres, il y a quatre ans, on craignait pour les frimas bien connus de l'été anglais ("You get a tan from standing in the English rain", chantaient les Beatles). La seule exigence est que les deux équipiers portent la même tenue. Et l'on aperçut, c'est l'hiver à Rio, il peut y faire moche, plusieurs équipes d'habitude très court vêtues arriver en vêtements longs, et pas rien que les deux championnes égyptiennes dont peu ont remarqué que si elles portaient bien la même tenue, l'une était voilée et l'autre non, longs cheveux nattés dont s'échappent des méchettes au vent.

La perception que l'on a d'un phénomène dépend bien sûr de ce qui est observé mais aussi de ce que l'on veut voir. Je n'ai pas plus de sympathie pour les tenues style burqini que pour les soutanes ou les cornettes. J'ai toujours envie de demander à celles et ceux qui arborent ostensiblement leur soumission à un culte jusque dans les vêtements si on leur a jamais dit que Dieu n'existe pas. Mais il faudra qu'on m'explique comment distinguer un homme grenouille d'une mère en burkini et aussi pourquoi interdire ce vêtement ridicule, qui ressemble aux maillots de l'époque victorienne, s'il peut au moins éviter à ces dames de se baigner en robe? La plage est un endroit public et j'y vais moi-même souvent en pantalon, question d'éviter de trop m'exposer au soleil... Pourquoi aussi ce recul général de la liberté? Dans les années soixante et soixante-dix, et même encore plus tard, la nudité sur la plage, particulièrement au moment du bain, était sinon générale du moins banale et parfaitement tolérée. J'aime me baigner nu, c'est agréable (vous devriez essayer). On me dira que je fais de la provocation et qu'à l'autre bout de l'échelle, celles qui burkinisent font la même, mais dans l'autre sens. Elles le font d'autant plus volontiers que braver une interdiction pour affirmer sa liberté, même mal comprise, est une vieille tendance de l'humanité. Croire (c'est le mot) qu'on va donner un autre signal que l'exclusion à l'islam avec de telles interdictions est un peu court, jeune homme. Les dieux du stade nous rappellent sans cesse la persistance des vieilles croyances. Combien se signent, regardent le ciel et tendent le doigt vers lui? Combien de commentateurs, pris dans l'émotion de l'instant, ne rendent-ils pas hommage aux disparus en s'exclamant que de là où ils sont, ils observent certainement la course?

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Dieu pourtant est sourd comme un pot. L'arrogance d'un jeune Belge en taekwondo, sorti dès le premier tour, je viens pour l'or et Il va me le donner, devrait le pousser à réfléchir à ce qu'on peut paraphraser Bussy-Rabutin, lequel observait au XVIIème siècle que "Dieu est d'ordinaire avec les gros bataillons contre les petits". Dieu est d'ordinaire avec les meilleurs athlètes contre les plus faibles. Et très indifférent à leur tenue vestimentaire.

 

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