T comme télévision et comme temps

Par Théophraste !

Par | Journaliste |
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La télévision, une fenêtre ouverte sur le monde, mais attention aux volets ! Dessin © Anne-Catherine Van Santen. Publié dans l’agenda 2008 de l’AJP.

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Lecture 4 min.

La télévision a provoqué une mutation importante dans la manière de pratiquer le journalisme. Cette chronique n’est pas destinée à raconter l’histoire foisonnante et passionnante de la télévision. Quantité d’ouvrages existent à ce sujet. Voici simplement quelques sujets de réflexion à partager avec tous ceux que cela intéresse.

Une première constatation est que les journalistes, rédacteurs et photographes, plutôt solitaires lors de leurs reportages destinés à la presse écrite, ont travaillé en équipe, sur le terrain et en studio, avec des caméramans et des preneurs de sons, des monteurs et autres techniciens finalisant leurs séquences et reportages. Cela signifie une belle stimulation entre les membres de l’équipe mais aussi une plus grande difficulté dans la manière de travailler sur le terrain. Cela provoque aussi une plus grande visibilité pour le public qui considère que le journalisme est surtout télévisuel (les « grands médias de masse ») et se détourne de la presse écrite, pourtant référence importante pour les journalistes TV ! La concurrence entre les deux systèmes d’information reste vive alors qu’elle devrait se transformer en complémentarité. A présent, la presse écrite se lit sur le Web et joue sur les formats radio et TV (podcasts, web TV) en même temps que sur l’écrit.

Deuxième remarque : l’image est devenue l’information principale, expliquée, décryptée par le journaliste s’il en avait le temps. Auparavant, ces journalistes ne se mettaient pas en scène comme c’est la mode actuellement. Ils s’effaçaient devant les événements, les faits, les personnages interviewés afin que le public ne soit pas distrait par l’attitude, le visage, l’habillement des journalistes.

L’image était la réalité et le journaliste en attestait. Cette crédibilité s’est amenuisée au fil des évolutions techniques permettant des coupures, des sélections, des transformations des images. L’authenticité des images voyageant dans le monde entier à la vitesse du numérique n’est plus garantie que par un nouveau devoir du journaliste TV : vérifier l’origine, l’intégrité des images, dénoncer les utilisations mensongères d’images d’archives, les fabrications d’images avec des éléments épars et qui illustrent de fausses informations.

Troisième constatation : l’image TV n’est plus nécessairement la réalité, elle est devenue l’outil privilégié des fausses nouvelles, des propagandes en tout genre. L’importance phénoménale de la télévision en fait la cible des prises de pouvoir soit pour servir des intérêts économiques, soit pour asseoir des pouvoirs militaires, dictatoriaux, ou les deux ! Les journalistes de télévision sont les premières cibles des ennemis d’une démocratie participative telle que nous l’entendons en Belgique. D’où l’importance politique fondamentale de maintenir une télévision de service public, offrant aux citoyens une information à la fois objective et outil de citoyenneté.

Quatrième réflexion : la prédominance de l’image télévisée a créé un journalisme de l’émotion plus que de la réflexion critique. Le grand défi actuel des télévisions est de redonner sa crédibilité à l’image captée, sélectionnée, travaillée par des journalistes qui appliquent les strictes règles du métier et les expliquent au public.  

Temps rime avec urgence. C’est à la fois une drogue et un piège. C’est pourtant le quotidien des journalistes qui doivent faire la course avec l’information immédiate. Mais pourquoi ? Ce reliquat de l’histoire de la presse n’a plus la même importance avec la généralisation de l’accès à internet. Il n’est plus aussi important pour nous d’être les plus rapides ; il nous faut être à la pointe de l’information fiable, vérifiée, contrôlée. La seule crédible par rapport aux rumeurs qui envahissent le paysage virtuel d’internet. L’immédiateté est un piège, l’image l’a bien démontré. L’urgence est une fausse valeur. Ce qui compte c’est l’efficacité, la crédibilité. Reprenons le temps de bien faire notre métier. Apprenons au public que c’est dans son intérêt. Qu’il vaut mieux faire confiance à des médias qui livrent une information recoupée, mise en perspective, qui aide les gens à se retrouver sur la ligne du temps et dans l’enchaînement des causalités. Des médias qui ouvrent le dialogue entre personnes ne pensant pas de la même manière. L’information n’est pas de fournir au public ce qu’il pense mais lui donner des informations qu’il prend le temps de penser.

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