Mémoires de la peur

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Une évocation poignante des emprisonnements sous la dictature du général Pinochet au Chili après le coup d'Etat de 1973.

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Il nous faut nous souvenir que les dictatures ne sont jamais loin, que rien n’est jamais acquis… Aujourd’hui, le Chili est divisé entre un candidat président de gauche et un autre de droite extrême. Le vote des citoyens tranchera mais les plaies du passé sont toujours vives, qui divisent cette population marquée par une longue dictature soutenue par les Etats-Unis et les pays occidentaux hostiles à toute émancipation des tutelles coloniales et économiques.

Sergio Rojas Fernandez présentait son livre « Mémoires de la peur » à l’Hôtel de Ville de Bruxelles, symbole de liberté. Il témoignait du « vécu du peuple victime du fascisme, ce fascisme qui se trouve à nouveau à la porte du Chili. Jamais je n’aurais pensé cela », dit-il. En 1973, lors du coup d’Etat du général Pinochet contre le président Salvador Allende, tout ce qui comptait comme militants de gauche, syndicalistes, artistes libres, protecteurs des droits humains ont été traqués, emprisonnés, torturés, massacrés. Sergio Rojas était parmi eux. « En prison, nous pensions qu’il n’y aurait plus jamais cela car c’est néfaste à l’humanité. Et maintenant, les droits des femmes sont à nouveau attaqués, on veut les renvoyer au foyer, soumises au diktat des hommes. Je pense à la force de ces jeunes qui ont donné leur vie pour une société meilleure, celle du respect de l’autre, ouverte telle que la voulait Salvador Allende. Merci à ces camarades. »

Sergio Rojas nous explique son livre : « tout ce qui est écrit est vrai. En prison, nous avions réuni de petits groupes de réflexion, nous parlions de l’avenir. Puis, certains d’entre nous ont été libérés et expulsés du pays grâce à la pression internationale. Ce livre est aussi une manière de dire merci à la Belgique et aux organisations solidaires qui nous ont sauvés, nous et nos familles. »

Ce livre est émouvant, poignant. Il décrit les conditions atroces de détention dans diverses prisons et camps de concentration du Chili. Il a aussi été écrit en hommage à l’épouse de Sergio Rojas, une femme courageuse, une mère aimante avec laquelle il a pu poursuivre en exil à Bruxelles l’action sociale, syndicale, politique entamée au Chili.

« A présent, insiste Sergio Rojas, les progressistes doivent apprendre à parler au futur. Nous avons créé un Collectif Mémoire de l’exil chilien, car se souvenir est un devoir citoyen, car il ne faut jamais oublier ce qui s’est passé. Or, les mots sont éternels. »

Ce livre est donc un socle pour la mémoire et l’action des citoyens, nombreux, qui se sentent héritiers de Salvador Allende, un homme, un président hors du commun qui, le premier, a affronté l’énorme pouvoir des Etats-Unis et sa machine économique ultra libérale, rappelle Pierre Galand qui fut le principal coordinateur de l’accueil des réfugiés chiliens en Belgique et de l’aide à la résistance chilienne contre la dictature. « Salvador Allende a été éliminé au lendemain de son discours aux Nations Unies dans lequel il expliquait comment le peuple doit se réapproprier ses richesses. C’est signer son arrêt de mort et celui de l’Unité Populaire. Le 11 septembre 1973 fut un énorme choc contre les démocraties du monde. Dès le lendemain, arrivaient en Belgique, grâce à la ligne quotidienne de la Sabena, les premiers réfugiés de la dictature : des Haïtiens, des Argentins, des Uruguayens qui avaient déjà fui les dictatures dans leurs pays, suivis des Chiliens. »

Et Pierre Galand d’appeler à recréer un vaste front démocratique à l’occasion des cinquante ans du coup d’Etat, le 11 septembre 2023. Car il ne suffit pas de commémorer la lutte du peuple chilien, « il faut actualiser le message d’Allende dans nos sociétés et dans les luttes actuelles de solidarité. »

  • Sergio Rojas Fernandez. « Mémoires de la peur ». Edité par l’auteur. 2020.
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