L'harmonica a soufflé "Il Silenzio" pour les mineurs du monde

Chemins de traverse

Par | Journaliste |
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Antonio Sestu raviva la mémoire puis Maurice Limbourg égrena les noms...Photo © Marcel Leroy

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Ce dimanche 1er octobre 2017, à la RTBF, la Une diffusait une émission littéraire au cours de laquelle intervenaient des libraires de pays francophones. Quand l'écrivain Sorj Chalandon parla de son dernier roman,"Le Jour d'Avant" (Grasset) qui évoque la mémoire des mineurs dans la perspective de la tragédie que connut le Nord dans les années 70, l'émotion saturait les ondes. Sorj travaillait à Libération quand il fut envoyé le 27 décembre 1974 à Liévin où 42 mineurs étaient morts suite à un coup de grisou dans la fosse 3 bis. Ce livre passionnera tous ceux et celles qui savent ce que sont les pays des terrils. Grâce à lui, les autres auront peut-être une pensée pour des travailleurs obscurs. Nombre d'écrivains ont évoqué les charbonnages et les ouvriers qui descendaient dans le fond. Mais la mémoire s'en va très vite et le temps des mineurs semble déjà lointain. En Belgique, c'est la catastrophe du Bois du Cazier qui fixe le souvenir. Quand revient le 8 août, au Cazier, un public international écoute dans un grand silence la litanie des 262 noms des victimes. Si Marcinelle a révélé les dangers de la mine alors que l'Europe n'était pas encore créée, l'industrie du charbon a prospéré en prenant des milliers et des milliers de vies et cela continue, en Chine, en Inde, en Ukraine... Aussi n'est-il pas trop tard pour rappeler la cérémonie qui se tint le 7 août, au Bois du Cazier, dans le sanctuaire situé sous le châssis à molettes. C'était à la veille du 8, la date anniversaire de Marcinelle. Antonio Sestu, le Borain qui préside l'association devoir de Mémoire du Fief de Lambrechies (Quaregnon), offrit une plaque commémorative dédiée à toutes les victimes des mines du monde. L'oeuvre  est la cinquantième qui trouve sa place au Cazier, auprès de témoignages d'Italie, d'Allemagne, d'Algérie, de Russie et d'autres pays. Elle porte ce message: "Meurtri dans sa chair, le Borinage se souvient". Antonio rappela que le Fief avait été frappé mortellement trois fois. Le 4 avril 1929, un coup de grisou prit six vies. Les 15 et 17 mai 1934, 57 mineurs, ingénieurs et sauveteurs ne revirent jamais le jour. Des sauveteurs de Marcinelle vinrent à la rescousse et Charleroi soutint le Borinage. Comme les sauveteurs borains furent présents en 1956. Divers témoignages furent exprimés par Robert Lorfèvre, petit-fils de Robert Rochet, mort au Cazier en 56. Puis Angelo Di Rocco salua la mémoire des frères Rocco et Alfredo Di Rocco, ses oncles, morts à Marcinelle. Maurice Limbourg, petit-fils de Henri Limbourg, tombé le 15 mai 1934 au Fief de Lambrechies, égrena pour la première fois au Cazier tous les noms des défunts et le temps était suspendu. On n'oubliera jamais le souffle d'humanité ressenti quand Jacques Stichelbaut, président de l'Amicale des Mineurs de Jumet-Heigne, en habit de mineur, joua "Il Silenzio" à l'harmonica. Les mineurs avaient souvent un harmonica dans leur poche et d'un air ils balayaient les ombres. On pensera à ceux du Fief, en lisant le roman de Sorj Chalandon. A la radio, il disait, d'une voix rauque, que ce qu'il vit, là-bas dans le Nord, le marqua à jamais.  

Jacques Stichelbaut, grand musicien et ancien du charbonnage de Monceau-Fontaine, joua" Il Silenzio" au nom de tous les mineurs du monde et de leurs familles. Photo © Marcel Leroy

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