L'adieu de la Wallonie à Paul Furlan

Innombrables, femmes, hommes, enfants, militants, citoyens,  tous ont rendu hommage à Paul Furlan, fauché à soixante ans par le cancer qui n'aura pas eu raison d'un sourire d'adolescent éternel. Pour ses proches, la reconnaissance publique du travail accompli devrait être un baume sur la brûlure du manque. Furlan parti, à Thuin, Charleroi et en autres lieux de Wallonie, reste le sentiment d'un grand vide pour beaucoup de gens de tous les bords. Humble, étonné même de sa  popularité car il se méfiait de la gloriole, ce socialiste militant se caractérisait par sa générosité envers les autres. Il faisait confiance, au risque de se faire mal. Mais il était de cette trempe et rien ne l'aurait contraint à perdre espoir en l'humain. Même après le coup terrible et bas de l'affaire Publifin où, bien qu'il ne soit en rien concerné par ce dossier kafkaïen, il avait eu l'élégance de démissionner, au nom de ses principes, alors qu'il était un ministre des Pouvoirs locaux réputé pour sa clairvoyance. Après cette tempête il a poursuivi son projet, dont il avait fait le titre de son livre, en 2012: "De la Ville aux bassins de vie". Président de Charleroi Métropole Furlan cherchait à harmoniser les rapports d'une terre faite de 30 communes et 600.000 âmes, de  Seneffe à Momignies avec Charleroi au centre. Sa lutte était au plus près du chantier de la ville, premier échelon du pouvoir du peuple. Le plus proche.

Politique de terrain comme il était guide de haute montagne, Furlan savait que l'on ne triche pas quand on s'attaque à une paroi rocheuse. Qu'il faut réfléchir à bien assurer ses prises et baliser son itinéraire, après réflexion. Puis poser un pas devant l'autre et progresser, dans le respect du groupe et du rythme de chacun. Toute personne qui se targue d'être premier de cordée est responsable des personnes qu'il emmène par les sentiers. Ainsi, peut-être, en serait-il de l'engagement politique si décrié aujourd'hui. Trop souvent on l'oublie, elles et ils portent nos voix. Furlan, au nom de cet engagement, généreux par nature, n'aura pas souvent pensé à lui. A ce rêve de jeunesse, à ce goût de se hisser sur les sommets surplombant Chamonix, où il avait rencontré le grand alpiniste Frison-Roche. 

Ce lundi, une de ses filles, au crematorium de Gilly, s'adressant au cercueil où reposait son papa, lui dit être fière de lui et que pour toujours il serait à ses côtés.  A ce moment-là, celles et ceux qui avaient croisé Paul Furlan se sont dit que, de toutes les paroles fortes et sensibles entendues lors des cérémonies c'est peut-être celles-là qui auraient brouillé de larmes timides le sourire de celui qui les suscitait. Derrière son dynamisme et sa faconde, Furlan cachait une forme de pudeur face aux grands sentiments. Ainsi, de son travail il expliquait surtout les efforts pragmatiques. Trop conscient des pièges du quotidien que pour revendiquer les grands principes qui lui procuraient cette énergie empreinte d'un humour loin d'être désenchanté. Dans la vague des hommages, Paul Magnette, qui était son ami, dit qu'auprès de Furlan il avait trouvé un point d'appui dans les moments difficiles. Furlan aura mené son action fondamentale là où il s'était enraciné. Dans la ville de Thuin, perchée sur un rocher au-dessus de la haute Sambre, témoin des générations qui passent, avec leurs brassées de rêves et ce battement des tambours montant vers le beffroi, autant dire des battements de coeur alors qu'approche la Saint-Roch.