Libramont-Matadi avec Stanislas Barberian

Chemins de traverse

Par | Journaliste |
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Pour construire ses romans, Francis Groff mène d'abord une enquête serrée sur les lieux. Ici, l'écrivain à la Royal Enfield 650 se trouve devant le bateau de Stanley, au chantier naval Chanic, le long du fleuve Congo, dans la baie de Ngaliema, à l'ouest de Kinshasa. C'est du vécu. (Photo archives F.Gr.)

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Lecture 3 min.

Pour la sixième enquête de Stanislas Barberian, Francis Groff emmène ses lecteurs au-delà de la frontière, en République Démocratique du Congo. De Libramont à Kinshasa et Matadi, "La Piste congolaise" avance à coups de plume sergent-major dans la jungle des mémoires, s'insère entre les pages des atlas oubliés et nous plonge dans l'Afrique d'aujourd'hui, avec ses trésors et ses drames, ses déchirures et ses lumières. On se demandait ce que Groff dénicherait comme intrigue en revenant dans les traces du  limier-bouquiniste amoureux de sa Facel-Vega et de Martine, libraire à Bruxelles. Cet épisode, car on pense à une série en suivant le fil des romans du Carolo, est plus jubilatoire encore que les autres. Balancé sur ce ton qui caractérise l'auteur, entre description mlinutieuse et humour tendance british. A travers le réalisme de ces histoires transparaît une perception hors des rails. Groff lèverait-il un coin du voile en plaçant ce proverbe africain en exergue du livre: "Tout a une fin, sauf la banane qui en a deux"?

Barberian se rend à Libramont. Où on lui confie la mission de trouver un acquéreur pour un coffret en bois précieux contenant un carnet et une fiole de verre épais. L'héritier de ce souvenir provenant du Frère Justin Gillet, originaire de Paliseul, est retrouvé mort, assassiné dans son chalet ardennais. Le bouquiniste cherchera la vérité comme une aiguille dans une botte de foin. Avec lui on apprend que Justin Gillet a créé le jardin tropical de Kisantu, situé sur la route qui va de Matadi à Kinshasa. On se balade dans Matonge à Bruxelles. Croise Baudelaire et Verlaine. Déguste des fettucine al vongole et des boulets liégeois sauce lapin, rencontre un journaliste d'investigation à Kinshasa. Le tableau est coloré, vibrant, précis, truffé d'informations. Le charme des romans de Groff réside dans cette manière unique de faufiler la fiction dans un tissu serré de faits observés sur le terrain avec une patience d'entomologiste.

En quelques mots il nous emmène des petites routes champêtres de la province de Luxembourg à la démesure bariolée de Kinshasa, 17 millions d'âmes regroupées "dans une cuvette entourée de collines de sable et de terre". Il est question de religion, de politique, d'histoire, de destinées. On visite le MNRDC (Musée National de la République Démocratique du Congo) et aborde entre mille autres thèmes, la question fondamentale de la restitution des oeuvres d'art ramenées en Europe durant les années de la colonisation. On apprend que la construction de la ligne de chemin de fer Matadi-Kinshasa aura coûté de nombreuses vies. Tout s'enchaîne,en ouvrant le coffret retrouvé avec son carnet et la fiole de verre, Barberian s'imprègne de l'humanité d'un pays si loin et si proche pourtant. 

Les gens dont les premières lectures furent les aventures de Bob Morane, de Maigret, d'Hercule Poirot, de Michel Strogoff ou du comte de Monte-Cristo ont l'impression de se replonger dans ces univers au côté "cabinet de curiosités" en suivant la piste de Stanislas Barberian. Léger, concentré, passionné, le bouquiniste bourlingueur sait que nous le prenons en filature mais fait semblant de rien. Il s'ingénierait à nous révéler l'envers de décors que l'on croirait connus. Grâce à lui devant une petite boutique à l'air étrange et à la vitrine pareille à un livre on restera fasciné peut-être par une photo ancienne dont on sonderait la vérité des visages qui s'effacent inexorablement. 

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"La Piste congolaise" par Francis Groff. Editions Weyrich, collection Noir Corbeau, couverture jaune banane, 232 pages en technicolor sur écran large.        

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