Les prix fous de l'énergie conduisent au désespoir social

Chemins de traverse

Par | Journaliste |
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A l'ULB, la conférence suivie de questions allait au coeur de l'urgence sociale.(PH ELL)

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Au soir de la grève générale de ce 9 novembre se tenait dans une salle de l'ULB une conférence suivie d'un débat sur le thème de "Tous pauvres, demain?". La Fédération des Restos du Coeur de Belgique, en organisant cette réflexion de groupe, placait l'urgence sociale en pleine lumière, dans la foulée de l'actualité du covid et de la crise énergétique consécutive à la guerre en Ukraine et à la non-maîtrise de l'énergie par les pouvoirs publics. Le même soir, à la télévision, la RTBF consacrait l'émission "Investigation" aux dégâts humains générés par le coût démentiel de l'énergie. Malika Attar, en s'imprégnant de la réalité quotidienne du CPAS de Charleroi, aura montré que les gens sont à bout de nerfs et que les services publics craignent d'être dépassés malgré les efforts des travailleurs sociaux, eux-mêmes en voie de s'épuiser. Face à la hausse vertigineuse du coût du chauffage et de l'éclairage, le peuple se sent bien seul. Il attend que le politique intervienne pour freiner une dérive qui mène tout droit au désespoir, au-delà du courage des gens victimes de la hausse du coût de la vie. Sans rien pouvoir faire pour résister. 

Tant à l'ULB qu'à la télévision s'affirmait la pertinence de la question, à savoir "serons-nous tous pauvres demain?" Lors de la conférence qui se tenait à Bruxelles, le président de la fédération des Restos du Coeur, Jean-Gérard Closset, a montré que l'association sort la tête du guidon. Où va-t-on? Certes, les acteurs du terrain associatif effectuent une tâche dont il serait tragique de se passer, mais ce travail de première ligne ne donne-t-il pas au politique un argument pour économiser le financement d'un plan majeur destiné à revenir à plus de justice pour les moins nantis? Christine Mahy, au nom du Réseau wallon de la lutte contre la pauvreté, partageait cette crainte. Personne ne conteste que la sécurité sociale belge constitue toujours un rempart contre la précarité, mais ce rempart s'effrite et finira par se crevasser si une forte volonté politique ne s'impose pas. 

Dans la salle, à l'ULB, un travailleur du CPAS de Bruxelles a rappelé qu'une personne sur trois vit à la limite de la précarité ou dans la pauvreté. En wallonie, dit Christine Mahy, c'est aujourd'hui une personne sur quatre. Les deux intervenants voient ces chiffres gonfler. Jusqu'au jour où une majorité de citoyens n'aura plus les moyens d'accéder à un logement sain, à une nourriture de qualité, à un enseignement accessible à tous. Il semblerait qu'une partie des élues et élus ne prennent pas assez conscience de la tragédie qui se déroule. Peut-être parce qu'elle n'est pas encore assez visible, sauf si on prend le temps de s'arrêter et de réfléchir. Dans un monde où la solidarité s'estompe, quand l'individualisme est prôné par la puissance écrasante du profit à tout prix, au moins la solitude est-elle battue en brêche, en Belgique encore, tant par des associations que des organismes publics comme les CPAS.   

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La nuance s'impose. Il n'est pas questiion de dire que les pouvoirs publics ne font rien. Des gestes sont posés. Des budgets dédiés. La montée de la précarité est étudiée, analysée, traduite en chiffres. L'état est désargenté. En crise lui aussi. Mais un pays ce sont d'abord des gens. Et personne ne devrait devenir ce que l'on appelle un citoyen de seconde zone. Alors, que faire? Revoir la fiscalité, donner du travail permettant de vivre debout, redistribuer en tenant compte des urgences? Individualiser les droits sociaux, donner un accès automatique à ces droits serait déjà un début mais on en est loin. Bien des policiers sont fatigués de recenser les cohabitants pour que l'on puisse diminuer leurs allocations.  

Pour comprendre cette urgence plus que jamais il faut être sur le terrain, d'abord, établir une cartographgie du problème ensuite. Faire que les chiffres ne mentent pas. Il faut  se placer dans la file d'un resto du coeur, un midi, pour rencontrer la solitude éprouvée par la personne en proie à la précarité dans une société qui consomme toujours à outrance, malgré la crise du climat. Ne jamais oublier que les personnes affrontant la précarité sont celles qui polluent le moins, car consommant peu, forcément. Un jour quand nous serons presque tous pauvres sauf les plus grands nantis vivant hors sol, il nous faudra alors écouter celles et ceux qui ont appris à survivre, même frappés par une crise qui défie la raison des chiffres les plus froids. 

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