Les colonies israéliennes violent le droit international

Les indignés

Par | Journaliste |
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La colonie Har Homa près de Bethléem en Cisjordanie occupée. Photo © ISM France.org

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Ce 19 novembre 2019, l’administration Trump a déclaré que les colonies israéliennes de peuplement établies dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 et ce qu’on a appelé « la guerre des 6 jours », notamment en Cisjordanie, ne violaient pas le droit international. Une telle affirmation est un déni complet de la réalité juridique, explique Eric David, professeur émérite de droit international public de l’Université libre de Bruxelles.

Pour rappel, le 22 novembre 1967, le Conseil de sécurité votait à l’unanimité de ses 15 membres une résolution demandant textuellement le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit ». C’était la résolution 242 qui, depuis lors, a été inlassablement répétée et rappelée plus d’une centaine de fois par le Conseil de sécurité. Ainsi, encore cette année, le 29 août dernier, à l’occasion du renouvellement du mandat de la FINUL (Force intérimaire des Nations Unies au Liban), le Conseil de sécurité "souligne combien il est important et nécessaire de parvenir à une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, sur le fondement de toutes ses résolutions pertinentes, notamment ses résolutions 242 (1967) du 22 novembre 1967, 338 (1973) du 22 octobre 1973, 1515 (2003) du 19 novembre 2003 et 1850 (2008) du 16 décembre 2008 » (§ 27)

En ce qui concerne plus spécifiquement le phénomène des colonies israéliennes de peuplement, le Conseil de sécurité, en 1980, dans sa résolution 465,

« Considère que toutes les mesures prises par Israël pour modifier le caractère physique, la composition démographique, la structure institutionnelle ou le statut des territoires palestiniens et des autres territoires arabes occupés depuis 1967, y compris Jérusalem, ou de toute partie de ceux-ci n'ont aucune validité en droit et que la politique et les pratiques d'Israël consistant à installer des éléments de sa population et de nouveaux immigrants dans ces territoires constituent une violation flagrante de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre et font en outre gravement obstacle à l’instauration d’une paix d’ensemble, juste et durable au Moyen-Orient ».

Le Conseil de sécurité se réfère dans ce texte à l’art. 49 de la 4e Convention de Genève (CG) de 1949 sur la protection des personnes civiles en temps de guerre qui lie tous les États et qui dispose :

« La Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d'une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle. »

Toutes ces résolutions sont adoptées avec la voix des E.-U. alors qu’ils disposent du droit de veto  au Conseil de sécurité en tant que membre permanent de cet organe (Charte des NU, art. 27, § 3). La Cour internationale de Justice, dans son avis consultatif du 9 juillet 2004 sur « les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé » confirme la règle lorsqu’elle « conclut que les colonies de peuplement installées par Israël dans le territoire palestinien occupé (y compris Jérusalem-Est) l'ont été en méconnaissance du droit international. » (avis, § 120).

Enfin, pas plus tard que le 12 novembre dernier, dans un arrêt qui exige d’indiquer clairement la provenance de produits vendus dans le commerce, à savoir, soit Israël, soit les territoires palestiniens occupés, la Cour de Justice de l’UE déclare : « il importe de souligner que les colonies de peuplement installées dans certains des territoires occupés par l’État d’Israël se caractérisent par la circonstance qu’elles concrétisent une politique de transfert de population menée par cet État en dehors de son territoire, en violation des règles du droit international général humanitaire, telles que codifiées à l’article 49, sixième alinéa, de la convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre […] » (Grande Chambre de la CJUE, aff. C-363/18, § 48)

Si l’implantation des colonies israéliennes de peuplement en Palestine viole donc clairement le droit international, ce n’est pas une simple violation du droit international : c’est un crime de guerre ; l’art. 147 de la 4e CG précitée énumère en effet au nombre des « infractions graves » à cet instrument le « transfert illégal » de population. Plus précisément, L’art. 85, § 4 (a), du 1er Protocole de 1977 additionnel (PA) aux CG de 1949 prévoit que « le transfert par la Puissance occupante d'une partie de sa population civile dans le territoire qu'elle occupe (…) en violation de l'art. 49 de la 4e Convention » est une « infraction grave » audit Protocole. L’art. 85, § 5, du PA I précise, en outre, que « les infractions graves […] doivent être considérées comme des crimes de guerre ». De même, L’art. 8, § 2, b, viii, du Statut de Rome créant la Cour pénale internationale prévoit que « le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe » constitue un des crimes de guerre punissables dans le cadre d’un conflit armé international.

Certes, Israël n’est partie ni au 1er Protocole additionnel précité, ni au Statut de Rome, mais il n’en demeure pas moins que dans tous les États parties à ces instruments, l’implantation de ces colonies est réputée crime de guerre et ceux qui s’y installent contribuent à ce crime et en deviennent complices avec les conséquences pénales que cela implique …

Violation patente du droit international et crime de guerre, mais aussi mutilation gravissime de l’environnement naturel de ce qui reste de la Palestine : lorsqu’on en regarde les photos de ces colonies, on découvre de multiples amoncellements de préfabriqués plus ou moins semblables, une urbanisation sauvage d’un paysage, jadis plein de charme et brutalement défiguré par un immense jeu de Lego en béton. Sans parler des nuisances environnementales graves générées par ces implantations (entre autres, l’utilisation sans vergogne des nappes phréatiques et le rejet insouciant des eaux usées vers les villages palestiniens voisins).

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Confrontés à cette négation brutale de la réalité, les Palestiniens n’ont d’autre choix que de s’accrocher contre vents et marées comme le naufragé à sa bouée et de résister. Résister toujours conformément au droit international et pour le respect intégral de ce dernier.

 

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