Imaginer la post-croissance

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Un potager en permaculture. Photo © http://www.permaterre.com/potager-au-mois-juillet-2014/

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Comment imaginer un monde qui ne soit plus basé sur la croissance économique, dogme absolu du capitalisme ? Quel genre de post-croissance ou autre évolution de nos sociétés pouvons-nous envisager, qui intégrerait les défis écologiques, économiques et sociaux ?

Les idées, projets, expériences, réalisations au niveau local et mondial ne manquent pas. Mais comment arriver à créer des transitions entre l’ordre capitaliste d’accumulation des richesses au profit de quelques-uns, dont on voit les limites et la faillite annoncée, et une autre économie basée sur la solidarité, la coopération, l’autonomie (qui n’est pas l’autarcie), au niveau local jusqu’au global ?

De nombreuses pistes de réflexions sont évoquées par Kevin Maréchal, chercheur en économie à l’ULB et à l’ULg. Il vient de publier un livre « Vers une société post-croissance », cosigné avec Isabelle Cassiers et Dominique Méda. Première condition : il nous faut un autre cadre de pensée afin d’explorer une transition polycentrique vers une autre économie, un « entre-deux » entre le public et le privé, le marchand et le non-marchand, le micro et le macro, s’inspirer des sciences du vivant pour sortir du schéma mécaniciste de la prétendue « science » économique et rentrer dans des logiques de causalités circulaires, cumulatives, des propriétés émergentes, tout en déverrouillant nos habitudes et concepts imposés par l’éducation et la culture.

Imaginons une autre économie qui soit écologique, qui se base sur la diversité, par exemple celle des monnaies servant des intérêts divers, et la durabilité. Il nous faut donc répondre à des questions essentielles comme : faut-il créer des emplois ou mieux s’insérer dans les sociétés et les niveaux de vie ? Faut-il chercher des gains de productivité ou la qualité du travail, des revenus ou la satisfaction dans la vie ?

Le travail et sa défense sont au cœur de la réflexion menée par les chercheurs en économie mais aussi et surtout par des syndicalistes.

Les réflexions personnelles de Daniel Richard, secrétaire interprofessionnel de la FGTB de Verviers, tournent autour de l’urgence de changer d’économie carbone et de sauver les terres fertiles. Selon lui, la doctrine économique en vigueur légitimise un système de répartition des richesses au lieu de gérer les allocations de ressources. Or, il y a des besoins sociaux en croissance : accueil de l’enfance, aide aux personnes âgées, etc. Pour cela, il faut des moyens qui, en Belgique, manquent de plus en plus aux pouvoirs publics.  Selon certaines études, les bénéfices des entreprises remontent à plus de 75% vers le capital et non plus vers le travail, ce qui signifie qu’il est impossible de créer des emplois et d’allouer des ressources en fonction des besoins réels. Face à cela, les syndicats sont impuissants.

Par contre, Daniel Richard s’est lancé dans la « sauvegarde des terres fertiles », face à une agriculture qu’il décrit comme une « industrie de plantes malades sur des sols presque morts » ! De nombreux jeunes de la région de Verviers et de Herve se sont lancés dans le maraîchage écologique, les circuits courts de distribution, l’autoproduction et la recréation de lien social ; l’inverse d’une économie financiarisée et mondialisée. Il s’agit là d’un secteur en croissance, créateur d’emplois.

Felipe Van Keirsbilck, secrétaire général de la CNE, rappelle cependant que le rôle des syndicats reste en premier la défense de l’emploi et des salaires. La situation économique très difficile que nous vivons oblige les syndicalistes à se battre sur tous les fronts dans toutes les entreprises où l’on licencie, délocalise, externalise le travail… Défendre les emplois mais lesquels ? « A cause du stress, des burn out, il y a plus de gens qui meurent du travail que du chômage », lance-t-il ! « Le conflit capital/travail n’est pas mort. La politique du président français Macron risque de le mettre à l’abri des regards des institutions qui négocient entre patrons et travailleurs. Le conflit se perpétuera sans règles, sans arbitres, sans possibilité de négociations collectives, ce qui est tout à l’avantage du système capitaliste. »

Quelle alternative à l’action syndicale classique visant à augmenter les salaires ou à résoudre les problèmes des travailleurs ? Felipe Van Keirsbilck répond par la qualité des fonctions collectives. Par exemple, « un Bruxellois qui ne touche que 1500€ net par mois vit une situation très difficile surtout à cause des loyers mais si la gratuité des écoles était réelle, si les crèches, les transports en commun, l’eau étaient moins coûteux, il pourrait vivre une vie sobre et digne. Cela dépend d’une société où les services publics sont financés correctement. Or, nos gouvernements et l’Europe détruisent ces fonctions collectives. » Une autre réponse possible est la multiplication des coopératives qui recréent ce collectif indispensable à une nouvelle économie échappant à la violence du capital.

La transition vers un autre système économique se fait, discrètement, portée par les réseaux des mouvements sociaux et citoyens, par les mouvements altermondialistes et notamment celui des paysans sans terre au Brésil, des agriculteurs en Inde, par d’innombrables coopératives, par des initiatives innovantes en technologies de pointe comme en durabilité écologique…

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Il manque encore la force politique et syndicale pour opérer un réel virage vers une économie de post-croissance visant le bien-être de tous et la survie de la planète.

 

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