Du trans au post jusqu’à l’hyper humanisme

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Les avancées technologiques et les spéculations sur le devenir même de l’être humain rivalisent de vitesse dans le monde entier. Qui sommes-nous à l’ère des robots, de l’intelligence artificielle, de notre réduction à des « ressources  humaines » ou un « capital humain » ? Une réification (chosification) du corps nous transforme-t-elle en valeur d’échange et non plus en valeur d’usage, ainsi que l’analyse Marx ? Nous qui sommes en perpétuelle transformation, ne risquons-nous pas de devenir quelque chose de statique, de fixe comme un robot, comme un ordinateur ? Serait-cela la victoire sur la mort ?

Ce sont quelques interrogations qui agitent les cénacles philosophiques, éthiques, scientifiques et qui sont analysées en long et en large par Gilbert Hottois, Jean-Noël Missa et Laurence Perbal dans une indispensable « Encyclopédie du trans/posthumanisme », « L’humain et ses préfixes ».  (1)

Rassurez-vous : c’est lisible par l’humaniste non scientifique et cela alimente parfaitement le grand débat qui agite nos sociétés.

En résumé : les progrès de la médecine amènent à une transformation de l’être humain et en un humain amélioré et plus seulement réparé. Etre « trans », c‘est cela : améliorer et augmenter certaines capacités humaines. On aboutirait alors à une sorte de « post »-humanisme  à savoir des post-humains qui nous seraient devenus étrangers par rapport à notre nature humaine. C’est l’ambiguïté terrible qui est illustrée par le livre de SF de Philippe K. Dick « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? », écrit en 1966 et magnifiquement transposé au cinéma par Ridley Scott en 1982 sous le titre de « Blade Runner ». (2)

Les androïdes sont-ils capables d’aimer, de rêver comme les humains d’origine ? Comment distinguer qui est humain, qui est androïde ? Peut-on les tuer comme des animaux ?

Le post humanisme : risque de rupture

Alors que le « trans » implique un passage vers quelque chose d’autre, toujours humain en le transcendant, le « post » implique une rupture. Il y aurait deux voies : l’une irait vers la transformation biophysique de l’être humain grâce aux technologies du vivant (biotechnologie, génétique, neuroscience) alliées ou non aux technologies prothétiques (celles des prothèses) et cybernétiques (nanosciences, biotechnologie/médecine, technosciences cognitive et informatique).

La seconde voie est celle de l’intelligence artificielle qui deviendrait de plus en plus indépendante de l’homme au risque même de s’y substituer. C’est ce qu’on nomme la Singularité. L’apparition de la conscience artificielle et d’intelligences artificielles supérieures, plus puissantes que l’intelligence humaine.  Et l’on aboutit à ce qui a déjà été largement illustré dans la SF : des robots conscients prenant la relève des êtres humains et des personnalités humaines transférées dans des ordinateurs. Une post-humanité héritière de notre humanité mais débarrassée des contraintes biologiques.

Comment allons-nous bidouiller toutes ces données dans un nouvel humanisme du XXIème et du XXIIème siècle ? C’est à présent qu’il faut y réfléchir et proposer aux législateurs la meilleure manière de continuer à vivre en sociétés humaines avec des corps humains même transformés dans un esprit de solidarité, d’amour humaniste pour les autres. Car le plus grand péril à surmonter est le fractionnement de la société entre gens riches capables de s’offrir les plus enthousiasmantes technologies les transformant en surhumains, genre Rolls-Royce humaines, face à une masse de gens pauvres, « chosifiés », travailleurs robotisés servant ce modèle élitiste et gardés par des robots policiers et militaires matant toutes les rébellions, étouffant toutes exigences de justice sociale.

Partisan du transhumanisme éthique, Charles Susanne préfère croire aux progrès en terme sociaux : « améliorer les conditions sociales, l’organisation de l’enseignement, de l’éducation, et des relations humaines, promouvoir les connaissances scientifiques de l’être humain et de l’environnement et donc promouvoir uniquement des progrès en termes sociaux ne s’oppose pas à une vision transhumaniste d’amélioration de l’être humain par les sciences et les technologies. » (3)

Alors vient l’hyper humanisme

Et si la manière de sortir de ces voies périlleuses de transformation profonde de l’humanité ne serait pas l’hyper humanisme, une nouvelle dimension de l’humanité « dans l'intelligence collective basée sur le partage et l'empathie ». Telle est la vision de Joël de Rosnay : grâce aux smartphones, à l'intelligence artificielle et aux réseaux sociaux, émerge une « intelligence collective augmentée » qui va engendrer un hyper humanisme, bien préférable, selon lui, au cauchemar transhumaniste de la Silicon Valley. (4)

« Aujourd'hui, ce potentiel est occulté par la concurrence, la compétition, la volonté de pouvoir... Mais l'empathie, l'altruisme, la reconnaissance de la diversité, le partage, l'art, l'amour... permettraient de faire émerger cette nouvelle espèce humaine. », disait-il en 2016.

Dans son livre « Je cherche à comprendre », il décrypte les perspectives que nous offrent les robots et l’intelligence artificielle. Ceux-ci vont étendre considérablement les possibilités du cerveau humain tout en transformant notre relation au travail. Les outils numériques et les automatismes sont aussi adaptables au corps humain. Une symbiose qui fait de  l’homme un « outil connecté et augmenté ». Est-ce un défi pour l’emploi ? « Au boulot les robots ! » répond-il. Selon lui, ces techniques libéreront notre cerveau de tâches de routine, lui donnant ainsi des degrés de liberté pour des activités de communication et de création. Le risque étant que des monopoles pourraient contrôler la toile qui se tisse sur toute la planète. Il se prononce donc contre l’« ubérisation » du système.

L’hyper humanisme, conclut-il, fera de l’homme le véritable créateur de son avenir, une tâche collective qui pourrait être une véritable œuvre d’art. : « On ne le construit pas tout seul ! Le plus important est ce qu’on fait ensemble, en empruntant des directions vers lesquelles on veut aller et qui respectent des valeurs humaines traditionnelles : l’humanisme, la liberté, l’écoute des autres, l’altruisme, l’empathie, la générosité et la solidarité. On les voit d’ailleurs monter progressivement grâce à la mise en relation des individus, à travers les réseaux sociaux, les voyages, la multiplication des sites Web… Tout ceci contribue à rapprocher les idées des gens. Construire un futur souhaitable, c’est la possibilité de communiquer, de partager et d’être solidaire, pour aller vers de grandes valeurs qui ont construit l’humanité en allant vers le positif plus que la guerre et la souffrance. »

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En attendant ces lendemains qui chantent, ce sont les bruits de bottes, les bombes qui tombent sur des enfants et le massacre de la nature qui prédominent. Aux citoyens interconnectés de promouvoir un véritable progrès de l’humanité.

 

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