Charleroi et la fresque monumentale de Camus

Chemins de traverse

Par | Journaliste |
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Cette reproduction de la fresque de Gustave Camus rappelle que l'oeuvre majeure du peintre belge était dédiée au travail. Le photographe Paul Catoir, chargé d'une mission photographique sur la métamorphose de la Ville-Basse à Charleroi, a publié un livre où des ouvriers du gigantesque chantier de la décennie 2010 rejoignent les personnages imaginés par l'artiste à la demande de la Ville, en 1963. L'oeuvre s'inscrit dans la mémoire collective d'une époque. Photo ML.

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Quelle sera la destination de la fresque monumentale du peintre Gustave Camus, sauvée in extremis de la destruction lors du grand chantier qui a remodelé la Ville-Basse de Charleroi, autour du complexe commercial Rive Gauche? Remettre l'oeuvre en présence du grand public est le rêve de la Société royale d'archéologie, d'histoire et de paléontologie de Charleroi. Pour Jean-Louis Greffe, qui préside l'association, il s'agit de poursuivre le sauvetage orchestré par son prédécesseur, Claude Vael. Inscrit dans l'atelier de restauration de l'Académie les Beaux-Arts de Charleroi, M. Vael, épaulé par des étudiants, aura réussi voici quelques années à récupérer l'oeuvre qui a survécu et nécessite toujours d'être restaurée. 

Cette aventure à la Indiana Jones mérite un flash back...

C'est en 1963 qu''à la demande de la Ville de Charleroi, Gustave Camus réalisa ce qui est considéré par certains spécialistes comme son chef-d'oeuvre. Cette fresque haute de 3 m et longue de 9 dominait la salle principale de la Bourse de Commerce sise au Passage de la Bourse, galerie classée reliant désormais la rue du Collège au complexe Rive Gauche. Un lieu aujourdhui fréquenté par des millions de visiteurs. Le promoteur du projet immobilier qui aura remodelé le bas de la ville, voyait arriver le moment où les engins mécaniques s'attaqueraient au bâtiment. Après la Bourse, le lieu avait abrité le centre de la RTBF. Dont les visiteurs étaient impressionnés par la fresque et ses personnages d'une intense humanité et ses couleurs solaires.

A ce stade des travaux, faute d'informations, il semblait impossible, en raison du coût de l'opération, de sauver la fresque. On croyait dur comme fer qu'elle était intégrée au mur. D'où la décision de la Ville désargentée de renoncer à engager des millions d'euros. Vint à passer  le président de la Société royale d'archéologie, féru d'oeuvres d'art. Il examina la fresque, se hasarda avec mille précautions à vérifier comment elle tenait au mur et découvrit que la peinture était appliquée sur une forte toile elle-même collée sur le mur. Appelant des étudiants à la rescousse, alors que les pioches étaient prêtes à entrer en action, il forma un "commando" qui réussit à extraire l'oeuvre mnumentale de l'édifice voué à la démolition.

Le promoteur, fidèle à sa promesse, céda la propriété de la peinture à la société d'archéologie. Celle-ci, qui avait engagé déjà des dépenses, chargea ensuite deux restauratrices de préserver la peinture dont la toile était  alourdie par des gravats. Selon plusieurs expertises, il faudrait 100.000 euros pour une restauration complète. Depuis lors, la toile est entreposée au Musée des Beaux-Arts de la Ville. Suite à une intervention au conseil communal, le bourgmestre a précisé que la réalité du budget ne permettait pas cette dépense mais qu'avec des subsides complémentaires, il serait possible d'y arriver et, par la suite, de trouver un lieu où exposer la fresque.

Au moment où la peinture risquait de disparaître, des voix s'étaient exprimées pour rappeler sa valeur en tant qu'élément du patrimoine s'inscrivant dans la mémoire de Charleroi et l'histoire de l'art. Maxime Longrée, le directeur de l'Académie des Beaux-Arts de Charleroi, dans une note passionnante, rappelle que la fresque et ses sept personnages sur fond de décor wallon, peut être considérée comme un des sommets de l'expression de Camus. Né à Châtelet en 1914, décédé en 1984, anobli baron, Gustave Camus fut en 1951 le lauréat du Prix de la Jeune peinture belge. Professeur à l'Académie des Beaux-Arts de Mons  il en sera plus tard le directeur. Lors de l'Expo 58, il figurait parmi les artistes chargés de représener l'art belge contemporain à la Biennale de Venise. Puis il entra à l'Académie royale des Sciences, des Beaux-Arts et des Lettres. 

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Pour avoir rencontré Gustave Camus dans les années 70, me revient le souvenir d'un personnage qui en imposait. Il était alors un des membres du groupe Hainaut 5, dont la démarche témoignait d'une époque. Quasiment au même moment, il s'engagea dans la démarche rebelle de Maka, aux côtés  de Michel Jamsin, Christian Leroy, Jean-Marie Molle, Calisto Peretti, Jacques Ransy, Charles Szymkowicz et Yvon Vandycke. Issu de l'"Aca" de Mons, ce groupe revendiquait la plus large liberté d'expression, et le faisait savoir avec un certain fracas. Aujourd'hui, que dirait Gustave Camus de la saga qu'entraîne sa fresque géante? Aurait-il ce sourire discrètement amusé qu'il lui arrivait de laisser échapper? Chi lo sa?  Tout est à puiser dans le message de l'oeuvre en sommeil, et en quête de public.      

 

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