Calmes et frais
enfants enfants les nuits sont brèves
il faut rêver les plus longs rêves
nous étions quatre pauvres zigues
portés par les grandes musiques
de films à spectacles inouïs
les longs jours d'hiver presque enfouis
dans les salles noires où bruissait
la rumeur de l'enfant qui sait
et qui se tortille le cou
quand les après-midi secouent
leur triste manteau fait de pluie
on aurait dit qu'en pleine nuit
luisaient faussement les beaux jours
des ciels empourprés de l'amour
enfants enfants les nuits sont brèves
il faut rêver les plus longs rêves
perdus dans les vents de l'automne
et leur murmure monotone
et les nuées d'oiseaux du Sud
nous étions marins des Bermudes
des pays chauds et dans nos yeux
une lueur disait le feu
éclatant du cul de midi
des après-midi interdits
aux portes ouvertes des chansons
sur les bateaux dans les prisons
les ruelles noyées de cris
de rayons brûlants étourdies
enfants enfants les nuits sont brèves
il faut rêver les plus longs rêves
dans les collines qu’est-ce qui fait
les chameaux râler sous leur faix
les ânes exprimer leur pauvre âme
dans le lointain les cerfs qui brament
on entendait le vent frotter
les feuillages roux de l'été
et on rêvait distraitement
on rêve parfois comme on ment
dans la fraîcheur de nos visages
d'enfants tricheurs et d'enfants sages
nous étions calmes calmes et frais
étant de ceux que rien n'effraie
enfants enfants les nuits sont brèves
il faut rêver les plus longs rêves
la peau de nos joues douce douce
où quelques poils timides poussent
comme la paume de nos mains
les lèvres amoureuses enfin
de mots muets pourtant humains
appris hier redits demain
et nous courions sans regrets
sans honte sans peur sans secret
au milieu des fleurs piquantes
du jasmin et de la lavande
dans le pas des matins pointus
et la brume des rêves tus
enfants enfants les nuits sont brèves
il faut rêver les plus longs rêves
et à la saveur de citron
de pain de savon qui sent bon
et à la peau d'un lézard vert
allongé comme l'univers
à la beauté des arbres bleus
la beauté qui vit dans les yeux
et des gens qui dansaient pieds nus
d'étranges pays revenus
entre les hauts nuages roses
les buissons de buis et de roses
c'étaient des rêves sans valeur
et qu'importaient le jour et l'heure
enfants enfants les nuits sont brèves
il faut rêver les plus longs rêves
de ceux qu'on trouve par hasard
sur les bancs des salles de gare
aux tables des cafés la nuit
où rôde le chien de l'ennui
mais rien ne pouvait nous distraire
de ces balades pied à terre
de ces ficelles de bonheur
ces clous de battement de cœur
alors nous mettions nos capuches
enfoncions les mains dans les poches
nous fermions nos yeux de merluches
sur le décor des villes moches
enfants enfants les nuits sont brèves
il faut rêver les plus longs rêves
des gens cachés dans leurs serments
dans leurs allures de faux amants
de pauvres hères de tristes fous
qui semblaient galoper partout
comme un rêve dévisagé
par les yeux d'un sommeil léger
à la première lueur du jour
qui commence dans les faubourgs
des enfants en flagrant déni
délit de rêve et de folie
comme au calme s'ouvre un bateau
soudain retrouvé par les eaux
enfants enfants les nuits sont brèves
il faut rêver les plus longs rêves
comme un sonore feu follet
les musiques nous révélaient
la terre et les eaux et le monde
et qu'elle est ronde ronde ronde
j'entends chanter dans l'air glacé
l'espoir et le désir d'aimer
j'entends les opéras secrets
des gens seuls qui se trouvent laids
qui regardent aux cafés les mains
des amants admirés en vain
et des femmes drôles qui rient
des femmes vives sans mari
enfants enfants les nuits sont brèves
il faut rêver les plus longs rêves
ils tournent ce qui les abîme
vers le silence du grand abîme
ils font les longs jours les nuits brèves
des rêves des rêves des rêves
enfants enfants vos rêves lièvres
un beau jour vous viendront aux lèvres
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