Une ortie au soleil

Chemins de traverse

Par | Journaliste |
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Une trouée de lumière à travers les arbres éclaire la plante sauvage. Photo © .Marcel Leroy

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Moins de dix mots, tracés sur un mur des hauteurs de la ville de Thuin, font que des gens s'arrêtent parfois le temps de les voir. Quand on lève le regard, se détache ce message d'avant l'épidémie. En phase pourtant avec ce que nous vivons depuis le printemps. "L'OMBRE N'A PAS ENCORE ETENDU SON EMPRISE SUR NOS ESPERANCES" est-il écrit. Pas de signature. Hormis le souvenir estompé d'une initiative du centre culturel, pour "Fluide", exposition d'art contemporain liée à la  ville batelière.

Pédalant vers le haut de la cité, j'essaie de mémoriser ce message. Le procédé me ramène à ces bouteilles à la mer que nous espérions voir flotter dans les vagues, enfants, à la mer du Nord. Que voulait nous dire la personne qui a écrit ces mots? "Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir", comme dit le vieux dicton populaire? La volonté de sourire, je la retrouve en allant dire bonjour à une dame dont l'âge n'a pas terni l'éclat de la jeunesse. Confinement... "Tu sais, on a connu la guerre, les V2, les bombes", dit-elle du haut de sa fenêtre au fils qui la salue, du jardin de la résidence.  

Le vélo file sur le chemin  de halage. Le soleil joue avec le courant. Les pêcheurs sont de retour. "Salut!" Je me retourne sur les deux filles que je viens de dépasser. Mélanie De Biasio, grande chanteuse de blues, rêve de chanter. Tous ses concerts sont annulés. Elle cherche à puiser dans le temps retenu des notes de musique. On bavarde un peu. Piétons et cyclistes se croisent. Tout est calme. Les "Bonjour" fusent. Malgré le poids de l'épidémie, la vie s'exprime. Il me semble que les gens sont plus proches, moins indifférents. Il me semble, pas de certitude. 

Deux jours plus tard, il est 17 heures, sur une route où le trafic s'accentue. Le volume du bruit des voitures indique le début du déconfinement.Deux semaines plus tôt, sur ce chemin, en pleine crise,  on entendait chanter les oiseaux. Soudain, un  poids-lourd déboule, ferraillant, muraille devant le vélo. Une bagnole le suit, appels de phares. Et je ressens malgré moi une forme de fureur. En quelques semaines, tout avait ralenti. Un certain monde reprend sa marche, forcément. Forcément.  

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A la maison, je laisse le vélo pour aller dans le bois. Le chemin tracé par les piétons, quelques chevaux et des VTT à travers le feuillage semble tracé dans un univers parallèle.  Des plantes d'une grande beauté jaillissent de toutes parts. On va doucement vers l'été. Dans un rayon de soleil, une ortie très haute, isolée, capte la lumière et me reviennent les mots tracés sur le mur, sur les hauteurs de Thuin. "L'ombre n'a pas encore étendu son emprise sur nos espérances".

Thuin. Sur l'éperon rocheux, au-dessus de la Sambre, le beffroi domine la vallée. Sous la rangée d'arbres, des lettres monumentales, en rouge, difficiles à percevoir sur cette image, poussent le passant à s'interroger sur le présent. Photo © .Marcel Leroy

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