Ras El Hanout : une recette épicée !

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Des créations originales, burlesques et émouvantes. Photo © Ras El Hanout ASBL

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Bruxelles, station de métro Comte de Flandre, là où volent les « Icare » de l’artiste Paul Van Hoeydonck, comme des explorateurs de l’espace-temps vers une planète inconnue ou, tout simplement, vers notre terre et ses humains, vers ce quartier, Molenbeek, condensé de vie bruxelloise. De beaux espaces piétonniers à la sortie de cette station permettent aux enfants de jouer, de se promener à vélo en toute sécurité. Des jeunes papotent, des femmes se pressent avec leurs cabas et les poussettes où rêvent des enfants. L’heure est calme, le rush de l’heure de pointe est passé.

Direction rue de la Prospérité, comme un souhait que tous partagent. Là se trouve l’Athénée royal Serge Creuz, dans une école datant de 1920 à la belle architecture de briques aux couleurs douces. Un panneau détaille les possibilités offertes aux enfants dont 99% sont d’origine étrangère avec un grand nombre de primo-arrivants, à savoir des migrants et des réfugiés. Cet Athénée porte le nom d’un artiste-peintre né à Molenbeek, Serge Creuz, que nous avons connu lorsqu’il illustrait de dessins et de caricatures l’hebdomadaire politique « Pourquoi Pas ? », puis lorsqu’il a inauguré la Maison du Spectacle - La Bellone, rue de Flandre, qui abrite notamment d’importantes archives sur les arts du spectacle.

Le chemin se poursuit rue du Maroquin, un mot qui fait penser à ces beaux objets en peau de chèvre, tannés, décorés, teintés richement au point de servir de porte-documents pour les riches et devenu synonyme de portefeuille ministériel. Un mot qui, prononcé, donne « marocain » à savoir la nationalité partagée d’une importante partie de cette population de Molenbeek.

 Dans cette rue, débouche la rue du Ruisseau et voilà l’Epicerie, centre éducatif et culturel, animé par la troupe théâtrale portant le nom de ce bouquet d’épices qui fleurent bon le Maghreb : Ras El Hanout. Un mélange savoureux mais aussi une synthèse de notre court périple dans les noms des rues, croisant des passants et riverains d’origines diverses et dans l’évocation de Serge Creuz, artiste. L’ambiance est souriante et sereine. Les enfants apprécient les boissons sucrées et les mamans en longs vêtements et foulards papotent tandis que d’élégants jeunes gens bavardent en attendant la présentation de la saison théâtrale. La présidente, Inès Bouzid, se félicite de l’aide des pouvoirs publics qui ont permis à la troupe de devenir propriétaire de cet endroit. Le directeur artistique Haouach, tout souriant, arbore les armes de la culture et de l’humour qui servent à la troupe pour lutter contre les injustices et créer un monde meilleur. La saison 2019-2020 est intitulée « Ressentir, Dire, Agir » : « contre le fatalisme », « pour se reconnecter à l’humain », car « tout le monde a une fibre d’artiste », dit-il, c’est ainsi que « le théâtre-action produit de petits changements individuels qui peuvent apporter de grands changements à la société ».

Ce qui est une autre manière de dire ce qu’exprimait le dramaturge brésilien Augusto Boal, en exergue du programme : « Nous sommes tous des acteurs : être citoyens, ce n’est pas vivre en société, c’est la changer. » Cette citation résume la pensée remarquable de cet artiste qui fut aussi homme politique et un homme de théâtre rebelle contre la dictature, un théâtre social contre les oppressions diverses.

Le mixte de spectacles qui nous fut proposé ensuite provoqua des moments d’humour, de rires, d’émotions, de dénonciations d’injustices et de discriminations, de participation du public lors de scènes de théâtre-action… On a ri à l’évocation du pèlerinage à la Mecque dans lequel un jeune doit s’embarquer contre son gré car il doit accompagner sa maman. On est ému des querelles entre frères et sœurs, des confidences des femmes musulmanes. On s’indigne en riant lors d’un entretien d’embauche où le public statue sur la discrimination après avoir entendu un représentant d’UNIA nous expliquer ce que sont les discriminations. Ou encore lorsqu’une maman se présente chez le prof avec son fils qui a presque tout raté. Et le public de suggérer ce que devrait être la réaction du prof mais aussi l’attitude de la maman. Et les séances d’impro auxquelles participent des adultes mais aussi, et avec talent, des enfants !

Et l’on sort de ce mélange drolatique avec plus de sagesse, avec confiance en cette jeunesse qui change le monde…

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https://ras-el-hanout.be/

 

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