« Les droits de l’Homme ne sont pas une politique »

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Mardi 9 octobre

 Il s’appelle Fernando Haddad ; c’est l’ancien maire de Sao Paulo. Il est le candidat de la gauche à l’élection présidentielle brésilienne. Il a remplacé Lula da Silva, l’ancien président, presque au pied levé, celui-ci purgeant une peine de prison. Lula, lors de sa première élection, en 2003, avait déclaré que son premier objectif serait d’éradiquer la pauvreté. « Si, à la fin de mon mandat, tous les Brésiliens pouvaient manger à leur faim, j’estime que j’aurais réussi ma présidence ». Il fut réélu et, la Constitution ne lui permettant plus de se représenter pour un troisième mandat, c’est sa dauphine, Dilma Rousseff, qui poursuivit l’œuvre. Avec succès. Il y a des forces financières qui n’apprécient pas les politiques réduisant les inégalités. Elles s’attaquèrent à Dilma Rousseff qu’elles parvinrent à faire destituer, tandis que sur leur lancée, elles atteignirent Lula. Au moment d’observer l’avenir que va se donner le Brésil, il importe de rappeler ces balises de son histoire récente. Parce que si le 28 octobre, le vainqueur du premier tour l’emporte, le pays le plus important d’Amérique du Sud ne connaîtra pas  une alternative comme les autres. Les pauvres gens, élevés dans leur statut social par Lula et Rousseff, sont en train de se laisser apprivoiser par un dangereux charlatan qui n’use que de mensonges pour les séduire et obtenir leurs suffrages, soutenu par les forces de l’argent partisanes d’un pouvoir puissant à leur service. L’air est connu. Haddad sait tout cela. Il fera face à un défi presque perdu d’avance. Mais il sait aussi que les seules batailles que l’on perd sont celles que l’on ne livre pas. Son adversaire, le pseudo-dictateur, est à 46 % et lui, Haddad, à 29. Il y a donc 25 % des voix qui se sont portées sur d’autres candidats. Dès dimanche soir, celui qui arriva troisième, avec 12 %, appelait à voter pour Haddad. On attend tous les autres, ainsi que les abstentionnistes. 20 jours pour réussir et réconcilier les Brésiliens. Car il s’agit bien de cela : réconcilier. Et que l’on ne se dise pas ici que le Brésil est loin. Les démocrates européens ont, au contraire, intérêt à s’intéresser à ce combat. Demain, c’est peut-être à eux que reviendra la lourde mission, l’impérieux devoir de réconcilier leur peuple.

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 Une ourse en plus, ça fait des brebis en moins. C’est l’équation qui circule à Laruns et dans tous les villages des Pyrénées-Atlantiques, Vallée d’Ossau et Vallée d’Aspe en particulier. Et si, demain, c’était des randonneurs qui prenaient la place des brebis dans l’équation ?

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 Quand on quitte la salle de cinéma où fut projeté Mademoiselle de Joncquières, on ne peut que se résoudre à une évidence : Pierre Choderlos de Laclos avait lu Jacques le Fataliste et son maître de Denis Diderot. Emmanuel Mouret s’est en effet inspiré d’une histoire figurant dans ce livre pour en réaliser un film dans lequel Madame la Marquise de La Pommeraye, incarnée brillamment par Cécile de France, aura inspiré Choderlos pour le personnage de Madame de Merteuil et le marquis des Arcis, bien interprété aussi par Édouard Baer, Valmont.  Le triangle amoureux, fort prisé au temps du libertinage, n’a rien perdu de ses attraits ou de ses mystères à notre époque, mais le cadre des châteaux, de la belle nature et des relations mondaines tout en raffinement contribuent toujours à nourrir l’intrigue dans une élégance que les gestes et les parures ne décomplètent point.

Mercredi 10 octobre

 Dans Le Point du 4 octobre, Patrick Besson se posait la question : « … montée en Europe du populisme, le mot gentil pour fascisme ? » Littré ne connaissait pas le terme. Larousse rappelle qu’en Russie, vers 1870, le populisme était un mouvement d’idées qui conduit au socialisme. Mais sa définition la plus précise, en dehors du mouvement littéraire qui ambitionnait de refléter le peuple, c’est : « Idéologie politique de certains mouvements de libération nationale visant à libérer le peuple sans recourir à la lutte des classes. »  Ils ne furent pas nombreux (Jean-Claude Michéa, Jean-François Kahn et quelques autres…) à prôner la bévue que peut provoquer l’emploi de ce mot, entachant  par assimilation négative la notion de peuple. Trop tard. Le terme s’impose désormais. Et comme les abuseurs du pouvoir deviennent de plus en plus nombreux, le populisme fait fureur. Jusqu’à ce qu’il fasse fürher…

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 Six mois pour la penser, un mois pour la faire connaître. La gauche doit se donner une doctrine claire sur l’immigration. C’est son impérative exigence pour le semestre à venir.

Jeudi 11 octobre

 Tout ne va pas mal dans le monde. Ainsi, la Malaisie annonce qu’elle abolira la peine de mort dans les prochains jours. Un moratoire est déjà en vigueur qui aura cours jusqu’à la décision législative. Pas un événement crucial, pourrait-on dire… La Malaisie, 330.000 km², 32 millions d’habitants… Certes. Mais il y avait un millier de personnes dans le couloir de la mort, un millier qui, jusqu’à ce jour, attendaient la pendaison… Et puis, ce pays vient augmenter le club des pays abolitionnistes, de plus en plus nombreux. Une pensée pour Victor Hugo ; une autre pour Robert Badinter.

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 Le remaniement ministériel tarde tellement que les questions les plus saugrenues éclosent. Macron et Philippe s’entendent-ils toujours bien ? Á l’Assemblée le Premier ministre utilise la métaphore du papier à cigarettes pour répondre à une assertion insidieuse de l’opposition. En fait, le problème n’est pas là : Macron n’a pas envie d’avoir des ministres. De Gaulle non plus n’avait pas envie ; il leur rappelait de temps en temps que ministre venait de minus. Mais il prenait toutefois soin d’en avoir, de bons et dévoués. Et puis, c’était de Gaulle…

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 Quelle est la personne la plus harcelée au monde ? D’après Mélania Trump, c’est elle. Elle l’a déclaré ce soir à la chaîne ABC. Qu’on se le dise, surtout dans les milieux féministes.

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 Depuis l’Arménie, où se tient le Sommet de la Francophonie, on apprend que l’Arabie saoudite avait fait acte de candidature afin de figurer parmi les pays observateurs à l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie). Elle comprit assez aisément qu’il siérait de la retirer. La diplomatie quand même, quel art !...

Vendredi 12 octobre

 Ce que l’on savait depuis plusieurs semaines s’est donc accompli à Erevan, au Sommet de la Francophonie. Sous l’impulsion du président Macron, la Canadienne Michaëlle Jean a été privée d’un deuxième mandat de secrétaire générale. C’est la Rwandaise Louise Mushjkiwabo qui lui succédera. Autrefois, le Ruanda ne s’écrivait pas Rwanda, mais ce pays abandonna le français comme langue officielle au profit de l’anglais en 2003. Sans doute une conséquence du génocide de 1994… La nouvelle secrétaire générale, ministre des Affaires étrangères depuis dix ans et donc anglophone, a déclaré dans son discours d’investiture : « Je suis venue à Erevan Rwandaise, africaine. Je repars francophone. » Au-delà de la figure de style, si elle pouvait commencer par persuader le président Paul Kagame que les petits ruandais (et non plus rwandais) devraient tous apprendre le français en première langue parce que le français est redevenu la langue de leur patrie, elle aurait déjà démontré que sa nomination avait un sens et indirectement conforté Emmanuel Macron dans son choix, pour l’heure douteux.

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 Il y a un an jour pour jour, Donald Trump annonçait que les Etats-Unis se retireraient de l’UNESCO, l’organisation adoptant selon lui des « mesures anti-israéliennes ». Quelques heures plus tard, Israël lui emboîtait le pas. Ce retrait devrait prendre effet le 31 décembre 2018. On approche. Cela vaudrait la peine que l’on sache où en est l’affaire (le président Trump aurait pu changer d’avis, qui sait… ?) car au-delà de la force symbolique du geste, cette attitude va considérablement amoindrir et ronger le budget d’exploitation (et donc d’actions) de l’Institution.

Samedi 13 octobre

 La semaine prochaine, un accord sur le Brexit devrait être conclu. Le divorce, fixé au 29 mars, pourrait donc être entériné. Côté européen, l’affaire est quasiment sûre. Côté britannique, le doute subsiste : Theresa May parviendra-t-elle à obtenir l’adoubement d’une majorité de parlementaires ? On ne doit pas oublier que sa propre majorité, si fragile, repose sur une coalition avec un parti nationaliste d’Irlande du Nord. L’idée d’un rétablissement d’une frontière avec l’Irlande, qui reste bel et bien dans l’Union, devient conflictuelle. Un blocage est donc toujours possible. Samedi prochain, après la conclusion des modalités du divorce, un grand rassemblement est prévu à Londres pour réclamer un nouveau référendum. La Première ministre connaîtra bientôt la place qu’elle occupera dans les manuels scolaires. Be May or Maybe ?

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 Les noms français d’origine bretonne dolmen et menhir ne connaissent pas de traduction. Partout dans le monde, on les utilise pour évoquer les mystérieux mégalithes qui ornent les côtes du Morbihan.

Dimanche 14 octobre

 Aux élections municipales belges, aux élections législatives luxembourgeoises comme aux élections régionales bavaroises, les écologistes réussissent une percée impressionnante qui produit un coup de vieux chez les partis traditionnels. Partout, les suffrages verts proviennent de nouveaux électeurs. Un signe qui laisse augurer leur pérennité.

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 Anne Hidalgo annonce qu’elle consacrera cet hiver deux grandes salles de la mairie de Paris à l’hébergement de sans-abri. Elle estime qu’il manque 3000 places et elle montre l’exemple en se chargeant de 1500 lits. Au gouvernement de s’occuper de l’autre lot. Elle sous-entend qu’elle pourrait encore amplifier son effort ; par exemple en dressant une structure éphémère d’accueil à Neuilly, sur un terrain qui appartient à la Ville de Paris. Manu, au secours ! Sauve tes riches !

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 Le nouveau film de Michel Blanc, Voyez comme on danse, est un festival de malentendus reliés en courtes saynètes qui, lorsque le moment de l’épilogue arrive, dégage une certaine confusion. Mais le trio féminin formé de Carole Bouquet, Charlotte Rampling et Karin Viard est tellement savoureux que l’on est quand même heureux d’avoir plongé dans une bonne distraction.

Lundi 15 octobre

 Cette date est celle de la fête liturgique de Thérèse d’Avila (1515 – 1582). Sa vie mystique est tellement extraordinaire qu’il est permis de se demander pourquoi l’Église catholique n’a pas vénéré davantage cette sainte afin de diffuser son enseignement. Ses moments de transverbération méritent encore à être mieux connus. Par ailleurs, la dépouille de la pauvre carmélite fut exhumée plusieurs fois pour un examen canonique ou pour satisfaire la dévotion de monarques. Á chaque exhumation, des reliques étaient prélevées, si bien que des morceaux du corps de Thérèse d’Avila se trouvent dans divers lieux : son pied droit et une partie de la mandibule supérieure sont à Rome ; sa main gauche est à Lisbonne ; son œil gauche et sa main droite à Ronda (Espagne) ; son bras gauche et son cœur dans des reliquaires de l’église de l’Annonciation à Alba de Tomes, là où elle rendit l’âme ; un doigt dans l’église Notre-Dame-de-Lorette à Paris ; un autre doigt à Sanlúcar de Barrameda ; plusieurs autres restes sont dispersés dans toute l’Espagne. Bref, il y a de quoi commémorer ! Thérèse. C’est un étrange prénom féminin qui s’illustre dans le domaine des bienheureuses. La vie de Sainte Thérèse de Lisieux (1873 – 1897) est aussi totalement vouée à son amour pour le Très-Haut. « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie » furent ses dernières paroles. Elle fut inhumée un 4 octobre, jour de la mort de Thérèse d’Avila… En littérature aussi, le prénom Thérèse dégage des caractéristiques envoûtantes : la Thérèse Raquin de Zola, la Thérèse Desqueyroux de Mauriac… Il y a même une rue Thérèse à Paris, où, au n°1, se trouve un club échangiste très sélect que fréquentait Dominique Strauss-Kahn. C’est peut-être ce qui inspira Michel Blondel, auteur du célèbre roman érotique 13, rue Thérèse, qui rit quand on la baise qu’édita Régine Deforges. Les transverbérations n’étaient pas, là, perçues d’un même frisson qu’au carmel.

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 Le remaniement ministériel auquel Macron et Philippe se sont attelés depuis une décade (au moins) est encore repoussé, cette fois à cause d’inondations meurtrières dans l’Aude. Compte tenu de la gravité du sujet, personne n’ose interpréter cette catastrophe comme prétexte au nouvel ajournement. Ce serait de mauvais goût. Et cependant, tout le monde le pense…

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 Juppé au Point : « Les élections européennes pourraient mal tourner et mettre en première ligne ceux qui vomissent l’Europe à longueur de discours. » On se dit : voilà une voix qui porte. Mais, plus loin : « Je n’ai pas envie de me relancer dans le combat électoral. Il faut renouveler les cadres ! Remarquez, Trump n’a qu’un an de moins que moi… » Et l’on se dit : voilà une voix qui manquera.

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 Emmanuel Macron recourt systématiquement à l’anglais dès qu’il sort de son pays. Cette semaine, il s’est toutefois exprimé en français à Erevan. C’était le Sommet de la Francophonie…

Mardi 16 octobre

 Le voilà enfin le remaniement ! Christophe Castaner, un fidèle de la première heure, sera donc ministre de l’Intérieur. Il ne dirigera plus le parti LREM. Franck Riester fondateur d’Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet), ancien LR exclu de ce parti lorsqu’il passa chez Macron, remplace Françoise Nyssen à la Culture. Quelques secrétariats d’État changent aussi de mains… Bref, un petit mouvement interne. « Surtout pas de révolution ! » commente le président. Fallait-il tenir le peuple et les médias en haleine pour si peu de changements ?

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 Le Prince heureux (The Happy Prince), titre d’un recueil de contes d’Oscar Wilde, avait été repris autrefois comme titre de documentaires consacrés au bouillant poète britannique. Cela n’empêcha point Ruppert Everett de s’en emparer pour le long métrage qu’il réalisa sur la fin de vie de Wilde. Un film touchant, où Colin Firth est admirable, qui est bâti exclusivement sur des moments forts. Ainsi, le spectateur est happé par la scène de la mort mais il ignore qu’elle survint dans une chambre de L’Hôtel, rue des Beaux-arts à Paris, encore visité aujourd’hui par des amoureux du poète). Ce n’est donc pas un biopic (comme on dit désormais, un inutile anglicisme de plus…), c’est plutôt le portrait d’un homme agité par le besoin de création onirique et ravagé par des pulsions homosexuelles malgré l’amour qu’il porte à son épouse et ses deux fils. Nous sommes dans une Angleterre victorienne très puritaine au point que le poète sera emprisonné, contraint à deux ans de travaux forcés, comme le dénonça Robert Badinter, tellement offusqué qu’il se lança dans la rédaction d’une pièce de théâtre (C.3.3. Oscar Wilde ou L’Injustice, éd. Actes-Sud, 1993).

Mercredi 17 octobre

 Au printemps 1978, le pape Paul VI entama une longue expédition vers le Ciel. Il n’y parvint que le 6 août. Durant ces interminables journées d’agonie, le Vatican publia des communiqués variables sur l’état de santé du Saint-Père jusqu’à ce que, l’issue devenant inéluctable, Charlie-hebdo s’empare des tergiversations le la Curie pontificale et réalise de temps en temps une couverture savoureusement ironique. Après un communiqué romain se voulant étonnamment rassurant, le journal satirique titra : Le pape va mieux. Il ira à pied au cimetière. Toute cette comédie macabre est en train de se reproduire à propos du président algérien Abdelaziz Bouteflika.

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 Mélenchon perd ses nerfs lors d’une perquisition dans les locaux de son parti et perd du même coup aussi toute crédibilité dans son ambition d’occuper les plus hautes fonctions de l’État. Beaucoup de citoyens se demandent s’il n’a pas été victime d’un coup de folie causé par le geste judiciaire. Non ! Jean-Luc Mélenchon est fou ! Un fou intelligent mais un fou. Et donc, la manie de hanter le déraisonnable l’habite en permanence. C’est une constante.

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 Le selfie vu par Régis Debray : Tout-à-l’ego.

Jeudi 18 octobre

 Le sommet européen s’est terminé hier. Aucune avancée, si minime soit-elle, n’est à souligner quant à la mise en place du Brexit. Deux informations majeures sont à retenir :

  1. Á l’accueil, Jean-Claude Juncker gratifia Theresa May d’une bise.
  2. Hier, à minuit, avant de se séparer, le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel a offert une bière et un sachet de frites dans une brasserie de la Grand-Place de Bruxelles à Emmanuel Macron, Angela Merkel et, bien entendu, à son collègue belge Charles Michel.

 Soyons donc rassurés : l’Europe est en de bonnes mains.

Vendredi 19 octobre

 La France est le pays qui détient le plus fort taux de suicides après 75 ans. Mais ce pays de la Liberté ou des libertés est aussi la fille aînée de l’Église. Il ne parvient pas à se doter d’une législation évoluée sur l’euthanasie.

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 Dans le prestigieux hémicycle du Sénat de Bruxelles, la Fondation Henri La Fontaine remet son prix biennal de 10.000 euros à la Plateforme citoyenne de Soutien aux Réfugiés. Les deux récipiendaires, Mehdi Kassou et Adriana Costa Santo, reçoivent le chèque (10.000 euros) et le diplôme ainsi que l’objet symbolique (l’œuvre d’un maître verrier inspirée d’un tableau du peintre Pierre Lahaut) des mains de Mokhtar Trifi, président honoraire de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, prix Nobel de la Paix 2015. L’assemblée leur réserve une ovation debout. Ils sont très émus. L’instant est solennel. C’est la première fois que cette organisation humanitaire si décriée, si malmenée par le pouvoir nationaliste flamand, est saluée pour son action généreuse : nourrir chaque jour 350 personnes totalement démunies, arrivées au risque de leur vie en traversant la Méditerranée sur un rafiot. L’été indien illumine leur espace vital de fortune,  le parc Maximilien à Bruxelles, mais la température baisse, elle annonce l’arrivée de l’hiver. Au problème de nourriture succédera celui du logement. Puisse le geste de la Fondation La Fontaine alerter d’autres associations humanitaires, mais surtout interpeller un État dont le peuple n’est que le produit de multiples migrations plusieurs fois séculaires.

Samedi 20 octobre

 Jamal Khashoggi est ce journaliste saoudien éditorialiste au Washingyon Post qui, depuis les Etats-Unis, avait critiqué le régime médiéval de son pays où l’on découvre chaque jour davantage que le beau et jeune prince Mohammed Ben Salman n’est pas un charmant héros des Mille et une Nuits mais un horrible despote. Kashoggi était entré au consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul et n’en était jamais ressortit. Ryad avait nié toute implication dans cette disparition. Après 17 jours de mensonges, le pouvoir saoudien reconnaît la mort du journaliste en ses murs au cours d’une bagarre qui aurait mal tourné. Une explication aussi stupide que sordide qui convient néanmoins à Trump, lequel ne s’est pas gêné pour évoquer les affaires que les Etats-Unis réalisent avec l’Arabie (en particulier les ventes d’armes) et les quelque 600.000 emplois qu’elles engendrent. Et Erdogan, que va-t-il dire ? C’est sur son territoire que le crime s’est produit. Une bonne poignée de mains avec Ben Salman ou un conflit ouvert ?  Parions pour cette deuxième hypothèse puisque la Turquie est une amie de l’Iran, ennemi juré de l’Arabie. L’Iran et la Turquie sont aussi très liés en amitié avec la Russie… Ah ! Comme cette région couve bien des menaces d’embrasement pour la planète entière !

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 L’intellectuel musulman Tariq Ramadan est incarcéré pour viols depuis le 2 février. Chaque jour, de nouveaux témoignages affluent. On publie des textos d’une certaine Christelle, qui les recevait après la relation sexuelle où elle avait été battue. L’homme lui disait « désolé pour ma violence » et lui redonnait rendez-vous. Un rendez-vous qu’elle honorait… L’époque n’est évidemment pas propice mais il faudra un jour réfléchir à la notion juridique de consentement. De consentement à la récidive…

Dimanche 21 octobre

 Il y avait hier plus d’un demi-million de personnes dans les rues de Londres pour réclamer l’organisation d’un nouveau référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Parmi elles, combien avaient voté pour le Brexit, combien s’étaient abstenues d’aller voter ? Theresa May a raison : il n’est pas question de prévoir une nouvelle consultation populaire. Ce ne serait pas sain pour le fonctionnement démocratique. Ou alors, afin de ne pas insulter l’Histoire, il importerait d’organiser un référendum pour savoir s’il faut organiser un autre référendum sur le Brexit. Et ce n’est que si ce référendum décisionnel s’avérait positif qu’il conviendrait de s’atteler à une nouvelle consultation populaire sur le Brexit. Rien que de l’expliquer est décourageant. Autant dire dès lors que cette procédure, la seule respectable, n’a aucune chance d’être entamée. Quoique ! Le mot « jamais » est toujours en danger de mort. De l’autre part, l’Europe doit rester ferme avec le Royaume-Uni. Si elle concédait trop au divorce, cela pourrait déterminer d’autres membres à s’engager dans la sortie de l’Union. Et comme un référendum peut en cacher un autre…

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 Victor veut devenir Lara. Il n’a pas (ou plus ?) de maman, vit avec un papa bienveillant et Milo, un charmant petit frère. Il se bourre d’hormones pour permettre à son corps de se transformer. Il est impatient de changer de genre mais les médecins l’invitent à demeurer calme et serein, sans vouloir bousculer le rythme de la nature. La seule passion de Lara est la danse classique à laquelle tout son temps de loisir est consacré. Le drame est simple, tout à fait personnel, et quotidien. Bien sûr, quand on est un peu cinéphile, on ne doit pas manquer de pousser la porte d’une salle obscure pour voir Girl, le film de Lukas Dhont qui remporta la Caméra d’or à Cannes en mai dernier. Bien sûr, Victor Polster réussit une prestation fulgurante et fascinante, ainsi que toute la presse le souligna. Bien sûr, bien sûr…

Lundi 22 octobre

 Grâce à Marcel Gauchet, nous revisitons Robespierre. Il est trop tôt pour connaître le tirage et les ventes de son dernier livre (Robespierre, l’homme qui divise le plus, éd. Gallimard) mais en tout cas la promotion est assurée par les magazines généralistes hebdomadaires qui lui consacrent plusieurs pages d’analyses, publient des bonnes feuilles et organisent même des débats. C’est que Gauchet ne défend pas plutôt une tendance qu’une autre. S’il a choisi ce titre, c’est parce qu’il constate qu’il y a deux Robespierre : celui qui donne naissance à la Déclaration des droits de l’Homme, qui abolit l’esclavage, qui établit la citoyenneté pour les juifs, prône le suffrage universel, invente le contrôle des prix pour les aliments de première nécessité, instaure la reconnaissance des enfants naturels, etc. Et puis il y a l’autre, celui qui, alliant rigueur et vigueur dans la défense des valeurs républicaines, devient coupeur de têtes et justifie la Terreur. Comme si, pour instaurer le régime des droits de l’Homme, il fallait les renier. Il démontre ainsi malgré lui, au regard de l’Histoire, que les droits de l’Homme ne sont pas une politique, qu’ils ne font même pas une politique. Il y a une mythologie Robespierre. Ferrat : « … Cet air de liberté au-delà des frontières / Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige / Et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige / Elle répond toujours du nom de Robespierre / Ma France… » Sardou « …Cet impuissant fou d’ambition… »

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 L’Amour flou, film de Romane Bohringer et Philippe Rebott dans leur propre rôle. Un couple usé qui conserve estime et affection avec deux enfants qu’ils choient. Un homme et une femme qui souhaitent se séparer un peu, pas trop, pour tenter une autre vie mais sans être étrangers l’un à l’autre. Après l’amour fou vient l’amour flou, et après l’amour flou, vient l’amour filou.

Mardi 23 octobre

 Au Brésil aussi, on manifeste par centaines de milliers dans les rues, avec l’espoir de ne pas voir l’extrême droite triompher dimanche. L’avance du candidat brun est toutefois si béante que les sondages le donnent tous gagnants. Ceux des citoyens qui ne croient déjà plus à la démocratie prennent le chemin de l’exode. Ils arrivent au Portugal, la patrie de leur langue. Un autre type de migration vers l’Europe, dont on reparlera. Car ce sont souvent des gens aisés qui s’exilent, et qui ne perdent pas tout ce qu’ils possèdent dans leur fuite, et qui ne rejoignent pas le vieux continent au péril de leur vie. Ils quittent leur pays comme le firent les Chiliens en 1973, en fuyant le régime. Fraternité.

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 Trump renie l’accord sur les armes nucléaires signé en 1987 par Gorbatchev et Reagan, document qui marquait la fin de la guerre froide. Voici l’Europe coincée entre une Russie agressive et une Amérique qui fait n’importe quoi. Il est grand temps qu’elle se dote d’une défense propre, qu’elle se libère de toute servilité. Mais pour y parvenir, il lui faut de la confiance en elle-même et surtout, de l’unité harmonieuse.

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 Un centenaire oublié cette année. Celui de la fameuse peinture de Kasimir Malevitch Carré blanc sur fond blanc. Peindre l’imperceptible était une autre manière de représenter le mécanisme de la pensée. Le surréalisme arrivait, afin de le théoriser. Appel aux photographes : il est encore temps de prévoir un hommage à cet étrange repère dans l’histoire de l’art. S’il neigeait avant le 31-décembre…

Mercredi 24 octobre

 Affaire Kashoggi. Sans surprise, chacun sort du bois et entame l’escalade : Recep Erdogan dénonce un assassinat politique et l’Iran déclare que ce type de crime ne peut s’accomplir sans l’accord des Etats-Unis. Aucun d’eux n’accable Mohammed Ben Salman, comme si ce prince potentat n’existait pas. Quant à Poutine, il ironise en recevant à Moscou John Bolton, le conseiller à la Sécurité nationale de Trump. Il est possible que les choses en restent là, du moins au grand jour, car en coulisses, d’autres manigances doivent s’opérer, en liaison avec MBS, bien entendu.

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 Étonnant destin celui de Salomé Zourabichvili. Ses parents ayant fui la révolution russe, elle bénéficia de la double nationalité. Franco-géorgienne, elle accomplit une brillante carrière de diplomate au service de la France jusqu’à ce que le président Saakachvili la nomme ministre des Affaires étrangères en 2004. La voici candidate à l’élection présidentielle de Géorgie. Pour concourir, elle a dû abandonner la nationalité française afin d’être pleinement géorgienne. Elle n’a pas beaucoup de contacts avec le peuple, elle n’aime pas les bains de foule, et cependant, les sondages la donne favorite. Bien entendu, elle parle un français impeccable. Ce serait quand même une magnifique couronne de lauriers pour la langue française si cette femme parvenait à diriger la Géorgie. L’Organisation internationale de la Francophonie devrait lui accorder une attention particulière.

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 « L’une des grandes forces du capitalisme développé est d’avoir appris à convertir en permanence les insatisfactions qu’il engendre (ou les crises et les catastrophes qu’il suscite) en moteurs fondamentaux de sa propre expansion indéfinie.  (Jean-Claude Michéa. Le Complexe d’Orphée, éd. Climats, 2011)

Jeudi 25 octobre

 C’est l’histoire d’un état situé au centre de l’Europe, qui devait passer une énorme commande de matériel militaire. La Belgique doit renouveler sa flotte d’avions de chasse bombardiers. Depuis plusieurs mois, le président des nationalistes flamands a fait savoir publiquement au Premier ministre libéral francophone qu’il optait pour l’avion américain et qu’il ne voulait pas entendre parler du français. Charles Michel, à la solde de Bart De Wever, temporisa. Il fit en sorte que la décision ne soit prise qu’après les élections communales. C’est, si l’on ose dire, de bonne guerre. Mais à présent, l’heure du choix est arrivée. Alors, à la Chambre, devant les députés, le Premier ministre, absent, a fait défiler le gratin de l’armée belge pour démontrer que l’avion américain était plus intéressant que le français. Son ami Borsus, ministre-président de la Région wallonne, a été prié de décrire les retombées positives du choix sur l’industrie régionale. On ne compte plus les interventions des porteurs de valise et exécuteurs de basses œuvres, comme le triste Richard Miller, philosophe des banquettes arrières, tous chargés de défendre l’indéfendable. Car cette concession aux nationalistes flamands est insupportable et les libéraux francophones le savent bien : le fond du problème ne concerne pas les qualités des engins, ni même leur coût. L’enjeu principal était d’affirmer son indépendance technologique vis-à-vis des Etats-Unis et de renforcer l’essor européen par un geste de solidarité. Il fallait choisir l’avion français (en fait, européen, d’autres états-membres travaillent à sa construction) pas parce qu’il est le meilleur, mais parce qu’il est européen. Le résultat est lamentable et plus encore honteux. Que le Premier ministre Charles Michel ne se dise plus défenseur de la construction européenne. Il est du reste permis de se demander ce que son père, Louis,  remarquable personnalité au service de l’Union, pense de ce repli. Sans doute conservera-t-il son véritable sentiment au fond de sa pensée. Ça aussi, on peut comprendre. Trois jours avant la décision du gouvernement, l’éditorialiste du quotidien conservateur La Libre Belgique, Francis Van de Woestijne, qui ne peut pas être taxé d’affreux gauchiste, terminait son propos par ces mots : « Il apparaît que le choix du F-35 [l’avion américain] avantagera grandement l’industrie flamande. Pour le dire crûment : le choix du F-35 pourrait mettre en péril les finances belges, défavoriser la Région wallonne, mettre notre Défense à la botte des Américains et freiner la construction d’une Europe de la Défense. C’est beaucoup… »

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 Elle devait être inaugurée vers le milieu de l’année 2016 mais comme souvent avec les grands travaux d’ouvrages remarquables, le calendrier dut être allongé. La mosquée que Recep Erdogan a fait bâtir sur la colline Çamlica, la plus haute d’Istanbul, devrait être achevée cette année. Ses quatre minarets de plus de 107 mètres chacun sont visibles depuis des lieux très éloignés de la ville. Quant à sa superficie, elle est de 1453 m², car c’est en 1453 que les Turcs (Ottomans) ont repris Constantinople aux chrétiens (oh ! la touchante allusion !). On imagine les fastes qui se préparent pour l’inauguration et la réponse lancinante à la question que le monde entier se pose : Erdogan va-t-il donner son nom à cet immense et somptueux édifice religieux ? Il en a sûrement très envie, mais ce serait une façon implicite de démontrer que la Turquie est devenue un état théocratique. Quant au pauvre Mustapha Kemal Atatürk (1881 – 1938), on ne sait plus comment il repose tant il a déjà dû se retourner de fois dans sa tombe.

Vendredi 26 octobre

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 Á six mois des élections européennes, est-il possible de détecter un point positif qui pousserait le citoyen à voter pour un parti favorable au renforcement de l’Union ? L’indispensable moteur franco-allemand est grippé ; Merkel étant de plus en plus contestée tandis que Macron déçoit. La Hongrie, la Pologne, l’Autriche sont gouvernées par des partis hostiles à l’Union mais qui, cependant, tirent un maximum de bénéfices de leur appartenance. Dans d’autres pays, même en Scandinavie, l’extrême droite progresse sur des thèses anti-européennes. Le Royaume-Uni divorce. Le Brexit lui sera défavorable mais il s’en relèvera, son histoire le prouve. Chez les six pays fondateurs, outre l’Allemagne et la France, on voit l’Italie renâcler à grandes vociférations. L’Europe peut exploser, elle s’appauvrira mais elle surmontera sa crise, comme son histoire le démontre aussi. La Belgique vient de mépriser la solidarité européenne. Mais elle, si l’Europe se défaisait, elle ne s’en sortirait pas, elle exploserait aussi, subissant le principal effet du séisme, la secousse qui surviendrait en réplique. Parmi ceux qui la gouvernent, certains n’en seraient pas attristés.

 

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