Les dés roulent

Les calepins

Par | Penseur libre |
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Danielle Darrieux dans L'Affaire Cicéron (1951). Voir Wikipédia.

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Lecture 25 min.

Dimanche 16 avril

 La cérémonie urbi et orbi, est chaque année, lors du dimanche pascal, l’occasion pour tout pape de s’élever contre la folie meurtrière des Hommes et de dénoncer les exemples les plus tragiques en cours. Rien d’étonnant donc que François évoque la Syrie sur la place Saint-Pierre noire de monde ce midi. Qu’il condamne le traitement scandaleux subi par les chrétiens d’Orient, c’est bien le moins : il ne fait là que son devoir. Et pourtant, ce pape dérange les uns et fascine les autres. Ceux qu’il dérange sont surtout les membres de la curie et certaines personnalités influentes de son gouvernement. Ceux qu’il fascine appartiennent à l’humanité inquiète d’observer l’évolution du monde, en recherche de sens, et qui se reconnaît peu ou prou dans le message du Christ tel qu’on l’interprète aujourd’hui. L’avenir est un mystère. On ne sait trop comment François vivra le sien. Pour l’heure, revient en mémoire l’appréciation de Graham Greene à propos de Pie XII, dont la complaisance envers le régime nazi ne fait désormais plus aucun doute : « Je n’ai jamais rencontré un homme qui me donne davantage l’impression de supporter l’angoisse du monde. » Si l’auteur de La Puissance et la gloire avait connu François, il reverrait sûrement son jugement.

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 Malgré l’incarcération de milliers d’opposants, malgré la peur et la soumission déployées dans les campagnes, malgré une propagande pour le « oui » sans commune mesure avec celle que développaient tant bien que mal les partisans du « non », malgré une diaspora irresponsable ralliée à son autorité par intérêt, et malgré peut-être des manipulations dans l’organisation du scrutin (dénoncées dès la fermeture des bureaux de vote), Recep Erdogan ne remporte son référendum qu’avec 51 % d’assentiments. Le voici garanti par la Constitution de rester au pouvoir sans devoir se plier aux urnes jusqu’en 2029. La dérive autocratique paraît cependant bien friable. Après avoir savouré sa nouvelle stature, il va commencer à se rendre compte de la fragilité de son piédestal. Le pouvoir absolu se combat absolument.

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 François Hollande continue de manier les symboles et de soigner sa postérité en présidentialisant sa sortie. Le voici au Chemin des Dames, dans l’Aisne, où il y a cent ans jour pour jour s’était déroulée l’une des batailles les plus meurtrières de la Première Guerre mondiale (187.000 morts côté français dont de nombreux tirailleurs sénégalais et 163.000 côté allemand) ;  mais où, surtout, de nombreux mutilés furent passés par les armes de leurs propres camarades. Sur le lieu des tombes, le président fait entonner par un chœur La Chanson de Craonne des fusillés pour l’exemple.

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 Signe des temps. De Patrick Besson dans sa chronique du Point : « Quand j’ouvre un journal dans le métro ou à une terrasse de café, j’ai l’impression de faire une chose incongrue et même un peu déplacée comme marcher dans une église la braguette ouverte. » Il est possible de poursuivre la description comparative en se situant dans le métro ou à une terrasse de café sans un téléphone multifonction entre les mains…

Lundi 17 avril

 On passa Noël au balcon. En toute logique, Pâques se vit donc au tison. Fr 3 l’avait prévu : à 14 h 30, la chaîne diffuse Le Sauvage. Ne pas regarder la pluie battante par la fenêtre. Se concentrer sur la lucarne magique et admirer Montand le roucouleur jouer à cache-cache avec Deneuve la belle turbulente sur une île déserte gorgée de soleil. Jean-Paul Rappeneau réalisa ce bel et bon divertissement au Venezuela en 1975. Les images étaient bercées par la musique de Michel Legrand. De la charmante comédie française. Rappeneau continua sur sa lancée avec Tout feu tout flamme en 1982. Cette fois, la turbulente partenaire avec laquelle est aux prises Yves Montand est Isabelle Adjani. Et c’est un autre Michel, Berger, qui assura l’accompagnement musical.

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 Revoir M. et Mme Adelman trois mois après la première vision. Les scènes sont tellement nombreuses et variées, déconnectées souvent de la chronologie, que l’on y découvre, sans forcer la concentration du regard, de nouvelles répliques, des attitudes cocasses ou sentimentales. Et puis, cette audacieuse fiction est un vrai film littéraire. Compte tenu de la rareté du genre, cela mérite d’être souligné. Que les membres de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma  (« les professionnels de la profession » comme dit Jean-Luc Godard) n’oublient pas cette prouesse de Bedos et Tillier d’ici à la fin février 2018, lors de la remise des Césars.

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 Un néologisme qui fait son chemin, et vite : être ubérisé, c’est-à-dire être dévié d’un domaine ou un marché par l’intrusion d’initiatives privées progressant grâce à l’informatique. Les corporations s’inquiètent, les syndicats n’ont pas la parade, et les adeptes du libéralisme sont dépassés. Qu’on le veuille ou non, le système a cependant beaucoup d’avenir.

Mardi 18 avril

 La vie de Pierre Bergé commence un peu comme dans la célèbre chanson de Charles Aznavour. Á 17 ans, il quitte sa province bien décidé à empoigner la vie. On ne sait trop s’il « se voyait déjà » mais en tous cas, un signe du destin surgit tout de suite : il se baladait aux Champs-Élysées quand un homme lui tombe dessus d’une fenêtre. L’anecdote bizarre devient inouïe quand on apprend que le malheureux, victime de la pesanteur, n’est autre que Jacques Prévert ! Aznavour n’aurait jamais eu l’idée de glisser pareil incident-événement dans sa chanson. Bergé devient l’amant de Bernard Buffet. En séjour à Séguret, dans le Vaucluse, il écrit à Jean Giono qui les reçoit chez lui, à Manosque. Après une bonne conversation, ils veulent prendre congé. Giono les retient pour la nuit afin de leur offrir à déjeuner le lendemain. Ils y resteront un an. Même miracle de complicité spontanée avec Cocteau, et puis ce sera la rencontre avec Yves Saint-Laurent et la maison éponyme qu’il gèrera sans jamais avoir auparavant été intéressé par la haute couture. Pierre Bergé n’a peut-être pas été considéré à sa juste valeur, restant dans l’ombre des créateurs talentueux. Il rêvait d’être journaliste sans avoir poursuivi ses études. Il ne le fut point mais il acheta Le Monde… Sa richesse l’éloigna-t-elle aussi de la grande popularité ? Sa mère, institutrice, et son père, fonctionnaire aux impôts, étaient anarchistes. Non. Pierre Bergé, c’est un destin. Rarement le « c’était-écrit » n’aura trouvé sa justification que chez cet homme. Ce soir, sur le divan de Marc-Olivier Fogiel (FR 3), il s’est livré sans aucune réserve, de la manière la plus franche et la plus authentique. Il a 85 ans, rien à prouver, rien à cacher, et il entretient une myopathie qui le mine. Il ne veut pas écrire ses mémoires. S’il acceptait cependant de se livrer à un biographe, sa vie, scrupuleusement narrée, consisterait en un formidable roman.

Mercredi 19 avril

 Un soir, le dramaturge Michael Frayn regarda sa comédie The two of us de la salle et puis des coulisses. « Cette farce était plus drôle de l’intérieur que de l’extérieur », pensa-t-il. Ainsi lui vint l’idée d’écrire Silence en coulisses dont le directeur de Théâtre des Galeries à Bruxelles, David Michels eut la bonne intention de l’inscrire au programme de sa saison en demandant à Éric De Staercke de la mettre en scène. Cette tâche comporte au moins deux écueils : il s’agit tout d’abord de veiller à ce que la farce ne se transforme pas en plate pitrerie voire en pantalonnade, un principe à garder constamment à l’esprit lorsque l’on cultive le comique de situation. Ensuite, s’agissant de l’adaptation, l question habituelle s’impose : est-ce que le typical british nonsense peut être reproduit au départ de la langue française ? Pas sûr, quand on sait le nombre d’auteurs qui se sont cassé les dents. Un quatuor français peut être très drôle ; Yves Robert, par exemple, l’a prouvé. Un quatuor français qui voudrait traduire et reproduire le jeu des Marx Brothers ne ferait pas rire.

Jeudi 20 avril

 Attentat sur les Champs-Élysées : un islamiste arrête sa voiture à hauteur d’un car de police et tire. Un agent de 37 ans s’écroule, deux autres sont blessé. Dimanche, toutes les files d’attente devant les bureaux de vote constitueront autant de cibles pour les kamikazes d’Allah.

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 Grâce à son train de sénateur, il respectait le quart d’heure académique

Vendredi 21 avril

 Les grands absents de cette campagne présidentielle qui s’achève sont les artistes et les guides d’opinion. Qui soutient qui ? Personne. Le temps des élans culturels est (lui aussi) révolu. Les écrivains, les philosophes, les comédiens, les acteurs, les créateurs en tous genres ont compris la médiocrité du débat. Le rêve n’est pas oublié, il n’existe plus. Il est mort. Même les fidèles supporteurs sont restés chez eux. Le temps des pétitions a vécu depuis des lustres. Celui des premiers rangs bien garnis lors des meetings aussi. Denis Tillinac, qui militait autrefois en faveur de son ami Chirac, se contente aujourd’hui de constater que la France des profondeurs est à droite. Certes. Mais qu’en conclut-il ? Va-t-il voter pour Fillon ? Sûrement pas pour Le Pen…

Samedi 22 avril

 L’expression « Veillée d’armes à Paris » est sans doute inopportune. Depuis minuit, plus aucune parole de campagne ne peut être prononcée. Plus aucun média ne peut diffuser des résultats de sondages. Mais grâce à Internet, on consulte les sites étrangers. Ils donnent tous la même tendance : 1. Macron – 2. Le Pen – 3. Fillon – 4. Mélenchon. Des consultations réalisées après l’attentat des Champs-Élysées… Quant au candidat du parti socialiste, Benoît Hamon, il continue à dégringoler. S’il passait sous la barre des 5 %, le trésorier du parti en ferait une maladie puisqu’en ce cas-là, les frais de campagne ne seraient pas remboursés…Et le PS s’en relèverait d’autant plus difficilement… Une seule question reste donc en suspens : les sondages vont-ils être aussi incertains qu’ils ne le furent au cours des grandes consultations de l’an dernier ?

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 Les grands pays fondateurs de l’Europe en sont tous à formuler un espoir simple : que le vainqueur de l’élection ne soit pas un de ceux qui remettent le statut de l’Union européenne en question. Il se dit que chez Merkel, on verrait d’un bon œil l’arrivée de Macron. Renzi, quant à lui, est plus net. Il souhaite Macron en France et Schultz en Allemagne à l’automne, pour en finir avec les politiques d’austérité. Seul Poutine exprime sa préférence pour Marine Le Pen. Est-ce par lien idéologique ou pour perturber l’accomplissement démocratique et rendre ainsi la France plus faible ? Un peu des deux mon colonel…

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 Michèle et Barack Obama reprennent du service. Une fondation est créée pour former des nouveaux cadres du parti démocrate. Beaucoup trop tôt, évidemment, pour apprécier son travail et son efficacité mais l’initiative vaut la peine d’être saluée.

Dimanche 23 avril

 Cette fois-ci, les sondages avaient vu juste. Le résultat du premier tour de l’élection présidentielle est conforme aux annonces. Macron a gagné. Macron a gagné ! Réjouissons-nous ! C’est l’image du jour. Le lauréat et les médias se comportent comme si l’on était au second tour : arrivée tardive devant les caméras, montée sur scène avec madame, baiser chaleureux devant la foule des supporteurs, discours d’intention sur les actes à venir, départ en caravane sous escorte vers le restaurant  La Rotonde à Montparnasse où l’attendent quelques vedettes comme la gaulliste Line Renaud, le royaliste Stéphane Bern, le socialiste Pierre Arditi…

 Il y a peut-être une autre manière de décrire le verdict. Non, Macron n’a pas gagné. Il est arrivé en tête du premier tour avec moins d’un quart des suffrages et deux points d’avance sur Le Pen, son adversaire du second tour, qui engrange encore deux millions de voix de plus que son père sur leur nom. S’il est vraisemblable qu’il gagnera dans quinze jours, tout reste possible, y compris l’improbable. L’Histoire regorge de rebondissements inattendus. L’improbable peut naître d’une bêtise (une grosse gaffe lors du face-à-face) ou d’un fait tragique (un attentat). Le probable est aussi à considérer. Parmi les électeurs, il y en aura qui se reporteront sur Le Pen, et plus qu’on ne le croit ; il y en aura qui s’abstiendront parce que « le choix entre la peste et le choléra » ne les motive pas ; il y en aura qui s’abstiendront par lassitude ou paresse, considérant que de toutes façons, les jeux sont faits…

 Ce qui est certain, en tout cas, c’est qu’une nouvelle campagne commence et que les idées d’extrême droite seront diffusées en temps égal avec celles de Macron. Tout bénéfice pour l’avenir du FN.

 Viennent alors les deux grandes familles vaincues. Pour le PS, depuis que Hamon a émergé de la primaire, on savait que la qualification au second tour serait compromise. Il n’en était pas ainsi de la droite classique. Elle avait un boulevard devant elle et Fillon avait été brillant lors des débats de sélection. Il s’est obstiné à rester dans la course malgré d’inadmissibles exactions et autres tripotages médiocres qui le conduisirent à une mise en examen, comme son épouse d’ailleurs. Mais on avait le sentiment qu’il pouvait néanmoins se qualifier. Ici encore le recours à l’Histoire est fécond : l’électeur tolère plus facilement une malversation à la droite qu’à la gauche (Jacques Médecin, Maurice Papon, Charles Pasqua, Le Pen père, Silvio Berlusconi, etc.) D’ailleurs, un électeur sur cinq a quand même voté pour Fillon… D’autre part, tout au long de ses meetings, François Fillon rassemblait des milliers de personnes enthousiastes qui lui donnaient l’impression d’avoir recouvré l’élan d’une victoire prévue de longue date. Les images impressionnaient les observateurs. On sut plus tard que les militants ultra-catholiques de Sens Commun les mettaient en scène…

 Les deux grandes familles sont vaincues mais elles ne sont pas mortes. Les congrès de recomposition à l’automne ne manqueront pas de sel et de ferveur oratoire. Tant mieux pour la démocratie vivante. Avant cela, elles vont s’efforcer de serrer les rangs afin de réussir de bons scores aux élections législatives.

Que l’on n’oublie cependant pas qu’entre la passation de pouvoirs et le premier tour des élections législatives, Emmanuel Macron aura formé un gouvernement de transition, consécutivement à la démission que Bernard Cazeneuve présentera le lundi 8 mai à François Hollande.

 Non, les jeux ne sont pas faits. Les dés roulent.

Lundi 24 avril

 François Hollande annonce qu’il votera Emmanuel Macron et fait appel au barrage à l’extrême droite. Macron twitte un remerciement de pure forme. Rien d’étonnant dans le geste du premier comme dans celui du second.

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 La droite gagne les élections législatives et détient la majorité absolue. Macron est contraint à la cohabitation. Il est obligé de nommer Nicolas Sarkozy qui devient Premier ministre et se consacre à miner la vie du jeune président. Qu’on ne dise pas que ce schéma n’a pas germé, ne fût-ce qu’un instant, dans la tête de l’ancien président, lequel ne s’est du reste pas exprimé hier soir… C’est diabolique ? Oui, bien sûr. Mais Sarkozy ne l’est-il pas ?

Mardi 25 avril

 Se comporter en citoyen responsable, c’est, aujourd’hui, se méfier de la dictature de l’instant entretenue par les médias. Ainsi, on aurait tort d’imaginer un résultat de second tour en élaborant une arithmétique découlant des prises de position respectives de dimanche soir. Un jour et demi plus tard, tout est déjà beaucoup plus flou. Chez les électeurs de Fillon, malgré la position nette du candidat, une tranche d’électeurs s’orientera vers Le Pen et une autre, très importante, semble choisir l’abstention. Celles et ceux qui voteront Macron sont  très minoritaires. Chez les électeurs de Mélenchon, c’est le contraire : une petite tranche votera Macron, une grosse majorité s’abstiendra tandis que très peu voteront Le Pen. Honte à leur candidat (« en plein rapport mythique » disait Julien Dray) de s’être défaussé alors qu’en 2002, il n’avait pas hésité à lancer un appel en faveur du vote Chirac. Les socialistes voteront Macron mais chez tous les petits candidats, ce sera le contraire : l’extrême gauche rejettera Macron, suppôt du capitalisme tandis que les autres se retrouveront chez Le Pen pour des raisons anti-européennes. On ne sait pas comment voteront les clients de La Rotonde où Philippe de Villiers, proche de Le Pen par les idées, a aussi ses habitudes et où, soit dit en passant, il lui arrive de dialoguer avec Emmanuel Macron.

Mercredi 26 avril

 Il y a des commentateurs qui ont encore besoin de baser leur démonstration sur le principe d’affirmation : « c’est la faute à Mitterrand ». Tant mieux !  C’est la meilleure preuve que l’homme a vraiment acquis sa dimension historique. Le jour où plus personne ne considèrera que « c’est la faute à Voltaire », le monde ira (encore) un peu plus mal.

                                                           *

 Au soir du premier tour, un sondage à la sortie des urnes pour le verdict final donnait 62 % à Macron et 38 % à Le Pen. Mardi, un autre annonçait 60-40. Aujourd’hui, un troisième publie 59-41. Il reste 11 jours… Le Front national n’est pas encore majoritaire dans les urnes mais il l’est déjà dans les esprits.

Jeudi 27 avril

 Il y a deux manières de considérer l’entrée de l’Arabie Saoudite dans la Commission de l’ONU pour la condition de la Femme. Ou bien il s’agit d’une faute monumentale accomplie par 45 États négligents (ou pire : corrompus) ; ou bien il s’agit d’une tactique visant à coincer ce pays aux mœurs médiévales où le statut de la femme est assujetti et même tyrannisé, où la charia est en vigueur, où la domination masculine est quasiment sans limites. Attendre et voir avant de s’indigner.

                                                           *

 Theresa May : « Toute l’Europe est contre nous ! » Of course médém la Prime minister ! Vous vous attendiez à ce que l’on organise un pot de départ avec cadeaux, petites fours et majorettes ?

                                                           *

 Il y a encore des endroits, sur la planète, où l’on ignore que la France connaît une campagne électorale. En Somalie par exemple, où l’on estime à 5 millions le nombre de gens susceptibles d’être victimes de la famine dans les prochaines semaines.

Vendredi 28 avril

 Le voilà le premier indice très significatif démontrant que la Turquie est désormais entrée dans un régime de pouvoir absolu : la machine Erdogan a bloqué l’accès à Internet ; il n’est plus possible de consulter Wikipédia au pays du sultan. Le plus grand péril qui guette un dictateur, c’est l’accès aux savoirs.

                                                           *

 Un dilemme de plus pèse sur la conscience du citoyen français : mercredi prochain, il devra choisir entre le débat Le Pen – Macron et la demi-finale de Coupe d’Europe qui opposera la Juventus de Turin et l’AS Monaco. Le choix cornélien est insoutenable.

Samedi 29 avril

 « Un gaulliste ne peut se compromettre avec le FN, il en va de son honneur. » Ainsi s’exprimait Nicolas Dupont-Aignan pendant la campagne, il y a moins d’un mois. Il vient de se rallier à Marine Le Pen pour un marchandage bien négocié. Il sera en effet Premier ministre en cas de victoire de la candidate d’extrême droite. Sans doute a-t-il aussi discuté gros sous puisqu’il avait frôlé la barre des 5% qui lui auraient permis de récupérer ses frais de campagne. Bref, le voici pleinement marqué par la tache de la prostitution. Les blâmes pleuvent. François Bayrou, dont le chef de Debout la France fut le directeur de cabinet à l’Éducation nationale, évoque « une immense honte ». Les habitants de Yerres (Essonne), la ville dont il est maire, sont scandalisés ou consternés. C’est par ce type de comportement que l’on éloigne l’intérêt du citoyen pour la chose publique.

                                                           *

 100e jour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Á cette occasion, il déclare : « Je ne pensais pas que c’était si difficile ». Les commentateurs soulignent son humilité. Ce n’est pourtant pas la leçon principale de cet aveu. Celle-ci est d’abord : il arrive même à Trump de penser.

                                                           *

 Tandis que des sondages confirment que l’écart se resserre encore entre Le Pen et Macron, la post-vérité commence à meubler les conversations au Café du Commerce grâce aux fausses informations. Le Monde les repère et dément. Dernière en date : Macron va supprimer les allocations familiales. Ça doit intéresser beaucoup d’électeurs et d’électrices… Le Monde titre en rouge : C’est complètement faux ! Mais signale que l’information a déjà circulé « des milliers de fois » sur les réseaux sociaux. Que peut peser en suffrages un démenti du Monde à côté de milliers de messages sur les réseaux sociaux ?

Dimanche 30 avril

 Dotée de petits airs faussement nunuches, Danielle Darrieux rayonnait de séduction féminine dès son plus jeune âge. C’est pour cela sans doute qu’elle fut tôt remarquée par les gens de cinéma qui lui confièrent des rôles dès l’adolescence. En 1941, Henri Decoin lui offrit le tremplin de la gloire avec le film Premier rendez-vous malheureusement produit par la société Continental financée par Josef Goebbels. La chanson éponyme qu’elle interprétait langoureusement la conduisit sur de nombreuses scènes durant l’Occupation dont celles de Berlin lors du fameux voyage des « étoiles françaises » en mars 1942. Elle rompit son contrat avec la Continental quelques mois plus tard ce qui la contraignit à la résidence surveillée, sans connaître d’ennuis à la Libération. On garde de sa brillante carrière une interprétation magistrale de Madame de Rénal dans les bras de Gérard Philipe en Julien Sorel. L’adaptation du roman de Stendhal Le Rouge et le Noir était due à Claude Autant-Lara. C’était en 1954. 36 ans plus tard, le cinéaste déclarait son appartenance au Front national. Elle n’y était évidemment pour rien mais une fois de plus, le destin l’emmenait frôler les terres visqueuses du nationalisme pour salir indirectement sa brillante carrière. Danielle Darrieux aura 100 ans demain. On lui souhaite de vivre encore au moins sept jours afin d’exprimer un vote anti-Le Pen et d’exorciser ainsi, une bonne fois pour toutes, ces voisinages dérangeants de sa biographie.

 

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