La marche chaotique du monde

Zooms curieux

Par | Journaliste |
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Les migrants ont créé les civilisations, mixé les gènes de l’humanité et l’ont ainsi renforcée. Nous sommes tous des descendants de migrants et nombre d’entre nous de réfugiés des guerres innombrables que s’ingénient à inventer les humains pour mieux se détruire.

L’humanité survit malgré les catastrophes du passé.  On ne sait si elle survivra aux cataclysmes climatiques qu’on nous annonce mais elle a tout de même produit un « grand machin » qui s’appelle l’ONU où les peuples du monde tentent vaille que vaille de faire entendre leur voix, où s’élaborent avec sagesse de grandes visions de notre avenir.

Parmi celles-ci, le Pacte de l’ONU sur les migrations, élaboré grâce à l’action conjointe de Barack Obama, ex-président des USA et Ban Ki-Moon, ex-secrétaire général des Nations Unies. En septembre 2016, ils ont réuni 195 Etats sur cette question migratoire qui explosait en Europe, la désarticulait et anéantissait parmi certains gouvernements le socle que l’on croyait éternel des droits humains.

Pacte pour des migrations sûres, ordonnées, régulières

On y esquissait cette nouvelle vision des migrations : aucun Etat ne parviendra à résoudre seul la question et de nouvelles politiques doivent se baser sur les faits et non sur des préjugés. On voit que les préjugés sont l’arme principale des gouvernements qui veulent imposer une vision anti-démocratique voire fasciste de ce phénomène servant ainsi des visées nationalistes, populistes, extrémistes de droite.

L’ONU dresse donc le cadre pour des « migrations sûres, ordonnées et régulières », ce qui signifie mettre fin à l’anarchie dont profitent les passeurs mafieux, les trafiquants d’êtres humains, les pouvoirs populistes au détriment d’êtres humains chassés de chez eux par les catastrophes humaines (les guerres, les bombardements, les mal-développements provoquant pauvreté et famines)) et « naturelles » comme les sécheresses, les inondations, les tremblements de terre, les éruptions volcaniques…

Que signifient ces principes de migrations sûres, ordonnées et régulières » ? Une tout autre manière de voir les choses, des propositions innovantes qui ouvrent des perspectives bénéfiques pour tous.

C’est l’objet du livre signé François Gemenne et Pierre Verbeeren : « Au-delà des frontières. Pour une justice migratoire ».

Pour une justice migratoire

Ils observent d’abord que la qualification de « migrants » pour des raisons économiques et de demandeurs d’asile pour raisons politiques (guerres, massacres, etc. ) est obsolète car tous sont migrants et vivent les mêmes difficultés à trouver un refuge chez nous. Il ne s’agit pas de remettre en cause les Conventions de Genève qui tentent de protéger les victimes des guerres, mais bien d’améliorer la protection des migrants de tous statuts contre toutes formes de violences et de persécutions. Si l’on veut protéger le concept de droit d’asile pour des réfugiés, il faut sécuriser les migrations des « réfugiés économiques » en leur ouvrant des voies légales.

Divers systèmes existent déjà telle l’immigration à points comme c’est le cas au Canada qui définit chaque année un quota de migrants pouvant recevoir un permis de séjour. Il y a la « loterie » aux Etats-Unis qui distribuent ainsi chaque année 50.000 visas parmi environ  20 millions de postulants chaque année.

Les auteurs du livre proposent un système comparable : le nombre de titres de séjour serait décidé chaque année par le Parlement qui voterait aussi pour la liste des pays éligibles à cette « loterie ».

Les migrations « économiques » seraient ainsi encadrées et contrôlées ce qui clarifierait la situation des demandeurs d’asile tels que définis par les Conventions de Genève.

En permettant à ces personnes d’arriver chez nous par des voies sûres car légales, on sape le trafic très lucratif des passeurs et mafieux de toutes sortes. On évite aux migrants les violences abominables qui leurs sont infligées au long de leur parcours et l’hécatombe en mer ou causée par les rigueurs climatiques. La Belgique se grandirait en adoptant une loi pour la prévention et l’élimination de toute forme de violence à l’égard des migrants. Ceux-ci bénéficieraient ainsi d’une protection de la justice. Notre parquet fédéral belge a compétence pour rechercher les infractions graves comme la traite des êtres humains, le terrorisme, la criminalité organisée, le blanchiment d’argent. On pourrait, selon les auteurs,  lui adjoindre un procureur spécialisé dans la poursuite systématique des délits de racisme, d’incitation à la haine et à la violence contre les migrants.

Arrivés ainsi dans un espace sécurisé juridiquement, les migrants verraient leurs dossiers traités avec plus de sérénité pour envisager leurs conditions d’installation chez nous ou de refus. Les migrants n’auront pas besoin de se terrer dans la clandestinité si l’analyse de leur dossier se fait en toute clarté par les diverses administrations belges. S’ils se déclarent, ils bénéficieraient des services élémentaires comme la scolarisation des enfants, les soins de santé. Le migrant sans papiers ne serait plus un criminel. Il ne serait plus enfermé dans des centres fermés mais accueilli provisoirement dans des centres ouverts, et pourquoi pas, par des familles d’accueil qui en feraient la demande et seraient rétribuées pour cela ainsi que c’est déjà le cas pour des familles accueillant des enfants.  L’exemple de la formidable mobilisation autour des réfugiés au parc Maximilien à Bruxelles démontre que c’est un poste possible. Au lieu de criminaliser la solidarité, on la régulariserait pour la rendre encore plus efficace.  

Le travail de ces migrants ne se ferait plus clandestinement, au noir profitant là aussi aux circuits mafieux, mais serait légal et profiterait à ces personnes ainsi qu’à leur famille dans le pays d’accueil. Des analyses économiques sérieuses démontrent le gain pour l’économie occasionné par l’ouverture des frontières. On sait que les migrants contribuent fortement au développement de leurs pays d’origine par l’envoi de sommes d’argent à leurs familles. En développant cela, il est possible de nouer des relations économiques équilibrées c’est-à-dire bénéficiant à tous. Ce qui est tout le contraire du commerce néolibéral mondialisé et des accords de libre-échange qui défavorisent les populations les plus pauvres et provoquent leur exode !

La crise politique de la migration peut ouvrir des perspectives très positives si l’on envisage autrement le problème et si l’on applique ces solutions au niveau national mais aussi international.  C’est cela l’enjeu du Pacte Mondial sur les Migrations qui sera examiné à Marrakech ce 10 décembre avant d’être soumis au vote à l’Assemblée générale des Nations Unies. Pour qu’enfin triomphent les droits humains ?

Que triomphent les droits humains

 Le 10 décembre sera célébré le 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Le plus beau cadeau à lui faire serait d’illustrer son article 13 : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. »

Et l’article 14 : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. »

Campagne « La Déclaration universelle des droits de l’Homme, tout un programme ! »

Cette campagne qui a mobilisé des milliers de jeunes en Belgique verra sont aboutissement ce 1er décembre au Palais des Académies à Bruxelles lorsque les enfants et les jeunes recevront les prix qu’ils auront décrochés grâce à leurs travaux innovants, généreux, créatifs sur la DUDH.

Une campagne que l’on peut découvrir le 28 novembre à 19 h 30 grâce à la projection d’un documentaire réalisé par le CLAV du Centre d’Action laïque. Infos et inscriptions : 02-627 68 40 ; clav@ulb.ac.be

Lecture de la Déclaration sur la Grand-Place de Bruxelles

Le 10 décembre, de 16 heures à 18 heures aura lieu une conférence-débat « Parle-moi des droits humains » dans la salle des Mariages de l’Hôtel de Ville de Bruxelles. Les jeunes lauréats poseront des questions à Alexis Deswaef (Président d'Honneur de la Ligue des Droits de l'Homme), Birgit Van Hout (Représentante régionale pour l'Europe du Haut-Commissariat aux Droits de l'Homme à Bruxelles) ; Eric Corijn (Philosophe et sociologue) ; François De Smet (Directeur du Centre Fédéral Migration) ;  Françoise Tulkens (Docteur en droit et ancienne juge à la Cour Européenne des Droits de l’Homme) ; Philippe Hensmans (Directeur de la section belge d'Amnesty International).

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 À 18 heures, depuis le balcon de l'Hôtel de Ville, le Bourgmestre de Bruxelles et des personnalités issues du monde associatif, artistique et médiatique liront la Déclaration en compagnie de jeunes lauréats. La Grand-Place sera spécialement illuminée à cette occasion.

 

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