Psychologie de l'inflation

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Les commerces passent, l'inflation reste. Mais on ne la ressent pas toujours uniformément. Photo © Jean Rebuffat

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L’inflation a ceci de commun avec l’attente sur un quai de gare ou de métro: elle donne lieu à une surestimation de qui la ressent. On entend couramment dire que les prix de l’énergie ont quadruplé alors qu’en pratique, c’est faux, car on confond les pics et les moyennes. Il est certain, bien sûr, que dans l’avenir une certaine frugalité sera la bienvenue, sûrement encore plus au niveau de la santé de notre planète qu’à celui de nos portefeuilles. Mais cette lamentation morose répétée à satiété induit dans l’opinion publique un étrange mélange de morosité, de résignation et de mécontentement qui profite à quelques petits malins prompts à accroître leurs prix de façon excessive, ce qui, par effet de spirale, entretient évidemment cette inflation à deux chiffres.

La grande distribution, pendant ce temps, joue la vertu et la bienveillance apparentes, jure que ses prix sont serrés, qu’il faut lutter tous ensemble… du moment (sous-entendu) que les marges restent les mêmes. Le désavantage d’une monnaie forte, c’est que le cran des hausses n’est pas proportionnel à la hausse véritable, mais que les arrondis se font vers le haut. Il n’y a de hausse qui ne soit d’au moins dix centimes, que ce n’est pas cinquante ou un euro entier. C’est que cinquante centimes, c’est bien plus invisible, psychologiquement, que vingt francs belges ou trois francs français cinquante. Il ne s’agit pas ici d’un plaidoyer pour quitter l’euro mais l’observation d’un phénomène. Le plus petit billet est de 5 euros et une pièce n’a pas le même effet dans l’imaginaire. Pour reprendre l’exemple belge, la valeur d’un seul euro s’approche du second billet de jadis en ordre croissant et celle de cinq, du quatrième. Les deux billets actuels les plus usités, 10 et 20 euros, frôlent la valeur des anciens billets de 500 ou de 1.000 francs. Et les pièces d’un et de deux centimes d’euros ne sont plus produites…

L’histoire nous apprend que cette diminution de la valeur affichée est un excellent moyen, lui aussi, d’entretenir l’inflation et de la rendre indolore. Pensons à l’expression cela ne vaut pas un sou en nous rappelant qu’un sou, ou un sol, a pour étymologie la racine de solide: il s’agissait de créer une monnaie qui ne se déprécierait pas… Cela est illusoire, naturellement, car un effet entropique inévitable existe dans les échanges, et pas rien qu’en physique. L’illusion, cependant, quand l’inflation reste minime, peut tenir une à deux décennies et c’est ce qui vient de se passer.

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