Pascal et François

Poing de vue

Par | Journaliste |
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Le monsieur qui occupe la cathèdre de cette jolie église au bout de la rue ne prend pas les mêmes paris que Pascal. Photo © Jean Rebuffat (prise au Vatican avant la crise sanitaire)

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La planète, face à la pandémie de Covid-19, dispose donc d'une riposte nouvelle et en théorie décisive: la vaccination. Celle-ci, quel que soit le vaccin utilisé (il y en a déjà plusieurs agréés), doit permettre à la fameuse immunité collective d'être atteinte d'ici quelques mois, à l'été peut-être, avant la fin 2021 très probablement. Pour autant que la part de vaccinés, dans la population mondiale, soit significative. Or un nouvel avatar vient compliquer la donne: le variant anglais, ainsi qu'on l'appelle usuellement. Il n'est pas plus létal en lui-même que la souche de départ. C'est-à-dire qu'il ne tue pas plus de personnes infectées que son ancêtre. Le vaccin semble d'ailleurs aussi efficace contre lui que contre la version classique, si l'on peut dire.

Pas de quoi s'inquiéter? Hélas si. Car le variant est très nettement plus contagieux. Cela risque de rendre illusoire la perspective de rester avec le désormais célèbre R0 sous le 1. Autrement dit, de faire redémarrer avec toujours cet effet de vague une troisième offensive massive du virus. Puisqu'il y a plus de malades, il y a plus de morts, même si le ratio morts/malades reste le même, et le drame, c'est que c'est exponentiel et non pas linéaire. Bref, une progression géométrique plutôt qu'arithmétique. Il aurait bien mieux valu, paradoxalement, au niveau du bilan, que ce variant soit un peu plus mortel mais moins contagieux que le virus de départ...

C'est le genre d'info qu'il est difficile de faire passer dans le grand public. Celui-ci exige des certitudes qui n'existent pas, même avec la meilleure gestion du monde, car cette maladie est neuve et on a tâtonné, procédant par essais et erreurs. On pourra épiloguer autant qu'on voudra sur l'impréparation, et distinguer les bons et les mauvais élèves, rien n'y fera: tôt ou tard, parce qu'ayant eu des résultats moins désastreux au départ, les pays qui avaient surfé sur la première vague ont vu la seconde déferler alors qu'ils espéraient savoir comment juguler l'épidémie. L'inquiétude et le stress de l'opinion publique s'amplifient parce les zigzags des gouvernants et des experts, aussi inévitables eussent-ils été, leur font penser qu'ils sont incompétents et que ce qu'on propose, c'est du n'importe quoi, jusqu'au vaccin, à propos duquel on entend partout des suspicions et des contre-vérités. Il serait trop innovant, dangereux, mal étudié, prématuré, etc., sans même entrer dans les délires complotistes. À ces assertions il est possible de répondre scientifiquement et une information sérieuse est disponible, quoi qu'on en dise. On en viendrait même à oublier que le principe du vaccin remonte au XVIIIème siècle et que la vaccination a été l'un des progrès majeurs de la santé publique. C'est en parlant de médecine que Proust avait observé que les faits n'entrent pas dans le monde de nos croyances et qu'ils s'y soumettent plutôt que les façonner. Un vaccin est toujours un pari: on accepte de courir un risque minime (et dans le cas du Covid-19, il apparaît même très minime) pour éviter le risque plus grand et plus grave d'attraper la maladie. Pascal avait appliqué cette idée à la métaphysique, estimant qu'il valait mieux parier sur l'existence de Dieu et d'une survie éternelle de l'âme. C'était complètement faux d'un point de vue logique: zéro fois l'infini, en maths, ça donne une indétermination. Mais il est piquant (sans jeu de mots) de constater que celles et ceux qui refuseront de prendre le pari rationnel du moindre risque qu'est la vaccination pourront en assez grand nombre vérifier avant l'heure si Pascal avait ou non gagné son pari, et si quelque Dieu, sage et puissant, nous a doté d'une âme et d'une vie éternelle après la mort...

Prudent, le pape François, lui, se fait vacciner.

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