Le charme subtil du caviar

À table avec l'Ogre

Par | Journaliste |
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C'est dans un véritable laboratoire qu'est conditionné le caviar arrivé des élevages en boîtes de 2,2 kilos. On ne plaisante pas avec un tel produit ni avec les normes extrêmement encadrées et surveillées... Reportage photographique © J. Rebuffat

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Noël approche, en fonction du célèbre dicton belge («Pluie en novembre, Noël en décembre»). Il est temps de penser aux réveillons. Avant d'en imaginer les menus, la première phase est la dégustation. Cela tombait bien: je me trouvais à l'atelier de la Maison du caviar, alias Caspian tradition, où les grands gourmands de mon acabit sont toujours si gentiment accueillis. Notez, ils sont principalement grossistes, éleveurs et importateurs de caviar, mais on peut acheter directement chez eux.

«Les gens pensent que c'est plus frais ici, explique Arya Razavi, mais le caviar ne doit pas être consommé aussitôt arrivé; il faut que les arômes se développent un peu, mais attention, le caviar est un produit extrêmement fragile, et d'ailleurs très étroitement surveillé à tous les stades: il faut veiller à ce qu'il soit conservé à très basse température, sans geler, donc autour et même un peu en dessous de zéro degré.»

Du caviar, moi je n'en mange pas tous les jours. Cette année, c'était la seconde fois, après quelques grains parsemés dans un plat au manoir de Lébioles. C'est que le prix auquel ce mets se vend a de quoi faire frémir les gilets jaunes. Ce prix, cependant, se tasse un peu ou reste stable (pour le très haut de gamme). Le risque de disette est éradiqué. L'esturgeon, cependant, est une espèce presque éteinte. La surpêche, en Caspienne, a provoqué sa quasi-disparition à l'état sauvage. Mais l'esturgeon se prête à la pisciculture. Plein de pays, aujourd'hui, produisent du caviar (la France, l'Italie et la Chine, mais aussi l'Uruguay, la Russie et même la Belgique). C'était pourtant un pari sur le long terme, car si Mme Esturgeon porte en ses flancs jusqu'à 25 kilos de ses précieux œufs non fécondés, pour certaines espèces, la date de la maturité sexuelle est comparable à celle de l'espèce homo sapiens...

Maintenant qu'on sait que ça marche, l'affaire prend un tour intensif. L'entrée de gamme se trouve même dans les supermarchés généralistes. C'est que le caviar reste synonyme de luxe extrême, de folie exceptionnelle, de fête hors du commun. Bon, on peut aimer ou non. Le caviar est délicat et l'explosion de ses petits grains entre langue et palais est bien agréable. Mais – horresco referens – j'en connais, à la maison, qui me l'abandonne bien volontiers en trouvant que certes, ce n'est pas mauvais, mais enfin, pas à ce point.

Comment déguster le caviar? Oubliez votre argenterie, s'il vous plaît, et à l'aide d'un couteau en nacre (en vente également chez Caspian tradition), déposez quelques grains sur le dos de la main, dans la courbe entre pouce et index. Mais non, vos mains ne vont pas sentir le poisson! Et puis posez délicatement vos lèvres (comme pour un baiser doux) et happez les grains peu à peu. Ou alors, sur des blinis. Bof, ça ne m'emballe pas. Ou encore en disposant des grains dans le jaune d'un œuf à la coque. Ou sur une pomme de terre très légèrement beurrée... Ou tartinée de crème aigre, le chaud-froid étant délectable... Mais hélas, à la louche, là, il faut être oligarque russe, narcotrafiquant sud-américain, ballon d'or ou propriétaire Gafa! Je me souviens d'un Maigret où le coupable, qui se doute de l'imminence de son arrestation et qui probablement pense que la grivèlerie n'aggravera pas son cas, se fait servir des tartines beurrées au caviar dans une brasserie parisienne... D'accord, c'est meilleur que le Nutella.

Avec le caviar, buvez du champagne ou de la vodka (la plus neutre possible). Et comme il n'y aura de toute façon pas assez, faites comme Arya: servez une assiette où un excellent saumon fumé et un bon bloc de foie gras (le tout maison, le caviar n'est pas tout dans la vie) rassasieront les affamés.

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Bref, dans mon réfrigérateur, il y a une petite boîte qui attendra mes invités un mois dans le compartiment à 0°. Cinquante grammes d'Imperial gold, qui a recueilli le maximum de suffrages lors de la dégustation. «Ah, et ça coûte combien?» me demande l'un de mes deux derniers ogrelets encore aux études. «Cent et sept euros», dis-je (je n'aime pas mentir». «Putain, cent balles!» s'exclame le garnement (j'ai dû mal l'élever). Certes, mais il y en a déjà à moins de la moitié de ce prix. Et cinq à dix euros par convive pour enjoliver un réveillon, ce n'est finalement pas rédhibitoire. Un conseil: arrangez-vous pour inviter quelques amis vegans, vous en aurez plus, et servez-leur à la place du caviar d'aubergine. Ils vont adorer.

Caspian tradition, Avenue des Pâquerettes 55, 1410 Waterloo et quai des Usines 22/23, 1000 Bruxelles

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