Cent ans et un deuil

À table avec l'Ogre

Par | Journaliste |
le

Bon anniversaire, hélas. Photos © J. Rebuffat

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Lecture 4 min.

Eh bien cette semaine je voulais vous entretenir de quelques-unes de mes adresses fétiches et y glisser quelques mots sur les vins new-yorkais, chose rendue facile par le fait que la dégustation s’est déroulée précisément dans l’une de mes cantines favorites, «Aux Armes de Bruxelles». Hélas, l’actualité me force tristement à changer mes plans car le patron des Armes, comme disent les habitués, a mis fin à ses jours. Forte personnalité de la restauration bruxelloise, Rudy Vanlancker a choisi de se donner la mort à 63 ans dans le restaurant où tout avait commencé cinq générations plus tôt, «Chez Léon». Il n’appartient à personne de juger ou de commenter un acte pareil mais il est permis de souligner à quel point la crise liée au covid a impacté la restauration.

Je vais parler tout de suite du restaurant, qui fête pour l’instant son centenaire, mais je vais tout de même avant cela émettre quelques réflexions plus journalistiques que gastronomiques. Tout d’abord l’Îlot sacré, comme on dit à Bruxelles, n’est plus ce qu’il fut depuis belle lurette. Entre gargotes et pièges à touristes, quelques enseignes jadis fameuses périclitèrent, et les Armes entre autres. Cependant, Léon, dont les snobs évoquent le nom avec un pincement des narines comme si le fait d’avoir une clientèle cosmopolite entraînait automatiquement une qualité déplorable, a toujours prospéré au point de devenir la locomotive du lieu, une véritable PME dont les syndicats, d’ailleurs, reconnaissent la transparence. En 2018, ce fut le rachat de la maison d’en face, « Aux Armes de Bruxelles », qui avait obtenu dans les années 70 la consécration étoilée que l’on sait et dont la décrépitude et l’étiolement étaient bien tristes. Un gros investissement. Il s’agissait de rendre son lustre et son éclat à une brasserie bruxelloise légendaire, un pari coûteux et réussi.

Jeune journaliste, j’allais souvent aux Armes, ou dans d’autres institutions voisines comme la Taverne du Passage. J’étais content de retrouver les Armes conformes à leur heure de gloire, avec ces plats de brasserie bien fichus et généreux dont je vous ai déjà parlé, comme la salade Veulemans, du nom du propriétaire historique,

cette ambiance cossue et bruxelloise,

cette constance aussi si difficile à préserver dans un restaurant à la carte si fournie et si variée où les plats vont de la sole meunière au homard,

en passant par la côte de veau

ou en suggestion,

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un steak aupoivre flambé dans l'assiette dont je me suis régalé voici quatre semaines.

Car j’y vais souvent à nouveau, ceci d’autant plus que les opérations promotionnelles sont généreuses au niveau du portefeuille (qui a dit que les journalistes ne payaient jamais leurs repas?). Et pour le siècle, tous les plats à moitié prix, à condition d’avoir demandé dans les délais (trop tard, mais il reste l’autre carte…), la carte du centenaire, valable jusqu’au 24 avril… Je dis d’autant plus car si à présent le succès est revenu (samedi dernier, près de 200 réservations pour le dîner), je savais que la pandémie avait évidemment porté un coup très dur à l’entreprise. Rudy Vanlancker avait estimé que deux ans de covid lui avaient coûté vingt ans d’économies… La tristesse qu’il éprouvait ne l’empêchait pas de passer tous les jours dans les deux établissements. La casse sociale y avait été limitée. Il fallait soutenir. Le cœur et l’estomac y trouvaient leur compte (raisonnable).

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